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Impressionnant Paris Théâtre des Champs-Elysées 06/30/2005 - et 1er* juillet 2005 Gustav Mahler : Rückert-Lieder (orchestration Gustav Mahler et Max Puttmann)
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 8, opus 65
Christianne Stotijn (mezzo)
Orchestre national de France, Bernard Haitink (direction)
Comme l’an dernier (voir ici), Bernard Haitink dirigeait à deux reprises un programme donné par l’Orchestre national de France, dont il est un invité régulier. La première partie devait initialement être consacrée à La Mer de Debussy: il y avait d’autant plus lieu de s’en réjouir qu’il s’agit non seulement d’un répertoire dans lequel le chef néerlandais excelle mais que les spectateurs parisiens avaient été frustrés suite à son annulation dans L’Enfant et les sortilèges de Ravel en février 2004. Toutefois, le choix s’est finalement porté sur les Rückert-Lieder (1902) de Mahler avec Matthias Goerne, qui avait précisément déjà chanté les Kindertotenlieder avec Haitink et le National la saison dernière: nouveau changement cependant, puisqu’on devait apprendre ensuite que Christianne Stotijn remplaçait le baryton allemand.
Usant d’un vibrato ample mais toujours contrôlé, la jeune mezzo hollandaise joue davantage sur la rondeur, les couleurs, les phrasés et la diction que sur la puissance: elle offre ainsi une vision plus intimiste qu’extérieure de ces lieder, accompagnée de façon idéalement mesurée par une formation qui, réduite à quarante cordes, ne prend jamais le dessus.
La transition vers Chostakovitch, en seconde partie, était assez logique: non seulement le Russe n’a jamais dissimulé l’influence que Mahler avait exercée sur son œuvre, mais Haitink, qui a enregistré l’intégrale des symphonies des deux compositeurs, connaît parfaitement leurs univers respectifs. Sans doute pas nécessairement idiomatique, sa lecture de la Huitième Symphonie (1943) se révèle particulièrement impressionnante. Impressionnante par la précision des attaques, la plénitude sonore et la violence terrifiante qu’il obtient des musiciens, et ce malgré une gestuelle pourtant économe. Impressionnante aussi par le caractère extrême, rigoureux, sans concession, d’une objectivité cinglante, bien plus abstrait qu’anecdotique, qu’il confère à cette «symphonie de guerre»: l’expressionnisme strident du premier mouvement renvoie, du coup, à la Quatrième symphonie, tandis que le Largo atteint une hauteur de vue évoquant Bartók.
L’Orchestre national, heureusement à son meilleur, répond fidèlement à ces hautes exigences techniques et artistiques, salué par un public qui, s’il comptait notamment dans ses rangs Marc Minkowski, n’avait, tout du moins pour la seconde soirée, hélas pas complètement rempli le Théâtre des Champs-Elysées: dommage, même si l’année prochaine à la même époque (14 juin), Haitink y sera de retour, cette fois-ci avec la Philharmonie de Vienne, dans Mozart (Trente-deuxième Symphonie, Premier Concerto pour flûte) et à nouveau Chostakovitch (Dixième Symphonie).
Simon Corley
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