About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Les rigoureuses fantaisies de Neuburger

Paris
Institut hongrois
06/10/2005 -  
Johann Sebastian Bach : Fantaisie chromatique et fugue, BWV 903
Frédéric Chopin : Variations brillantes sur l’air «Je vends des scapulaires», opus 12 – Etudes, opus 10 n° 3 et opus 25 n° 9, 10, 11 et 12
Franz Liszt : Les Années de pèlerinage (Deuxième année. L’Italie): Venezia et Napoli – Après une lecture du Dante (Fantasia quasi sonata)

Jean-Frédéric Neuburger (piano)


Institut finlandais, Institut néerlandais, Centre tchèque, nombre de représentations culturelles à Paris ont à cœur de proposer des saisons musicales qui recèlent souvent maint trésor. L’Institut hongrois, à deux pas de Saint-Sulpice, n’est pas en reste, accueillant ainsi, à l’initiative de l’association Arthèmes, rien moins que Jean-Frédéric Neuburger, tout juste auréolé de son troisième grand prix et de son prix du public obtenus à l’âge de dix-huit ans au récent Concours Long-Thibaud (voir ici). Dans un tel cadre, l’amateurisme de l’organisation peut être accepté, et même procurer la rafraîchissante sensation de sortir des circuits traditionnels, mais il ne dispense nullement pour autant, lorsqu’une soirée débute avec vingt minutes de retard, d’offrir au public un minimum d’excuses ou d’explications.


Ayant construit son récital d’une fantaisie à l’autre, le jeune Français, par ailleurs organiste (et compositeur), commence par la Fantaisie chromatique et fugue de Bach: on imagine donc sans peine l’attirance qu’il doit ressentir pour la personnalité du Cantor. Même s’il n’hésite pas à souligner les aspects visionnaires de ce diptyque, il n’en conserve pas moins une clarté d’articulation et une dynamique qui évitent tout anachronisme.


Cette sensibilité préromantique n’en a pas moins marqué le XIXe siècle, et l’on sait bien que Bach était notamment le pain quotidien de Chopin. Décidément d’une grande curiosité – qui d’autre en effet possède actuellement à son répertoire les Etudes sur le «Freischütz» de Heller (voir ici)? – Neuburger a déniché ses rares Variations brillantes (1833) sur l’air Je vends des scapulaires extrait de Ludovic de Hérold et Halévy. Le défi est d’autant plus captivant qu’il parvient à conférer panache et élégance à cette partition, sans doute pas la plus inoubliable du compositeur polonais.


Les quatre dernières Etudes de l’opus 25 (1832-1836) ouvrent en revanche à l’interprète des perspectives beaucoup plus vastes: saccadée, mécanique et bousculée, la Neuvième étude (en sol bémol, pour les touches noires) laisse heureusement la place à une Dixième (en si mineur, pour les octaves) frénétique, dont la partie centrale ne semble vouloir concéder aucune consolation. La série est interrompue par la Troisième étude (1832) de l’opus 10 (en mi majeur, connue sous le nom de Tristesse), sans le moindre alanguissement. Le retour à l’opus 25 est cinglant, tant avec la Onzième étude (en la mineur, pour l’agilité des doigts), animée par une énergie phénoménale, qu’avec la Douzième (en ut mineur, pour les arpèges), implacable et torrentielle, suggérant presque Rachmaninov. On se plaît à reconnaître ici cette virtuosité dévastatrice en même temps que cette rigueur qui sont celles de Jean-François Heisser, lequel compta Neuburger parmi ses élèves au Conservatoire national supérieur de musique de Paris.


Ce Chopin à bien des égards lisztien ainsi que le lieu conduisaient logiquement à une seconde partie entièrement dédiée au Hongrois, avec, dans le désordre, les deux vastes pièces qui forment respectivement l’annexe et la conclusion de la deuxième des Années de pèlerinage (L’Italie). Donné dans son intégralité, contrairement à ce qui avait été annoncé avant le concert, le triptyque Venezia e Napoli (1838/1859) confirme les affinités qu’entretient Neuburger avec Liszt, dont il avait déjà choisi le Deuxième concerto lors de la finale du Concours Long-Thibaud: éloquence naturelle et qualité du toucher dans la Gondoliera, soin apporté au chant et aux progressions dans la Canzone, caractère spectaculaire et fantasque de la Tarantella. Entre objectivité et flamboyance, riche en sonorités orchestrales, grandiose sans être emphatique, Après une lecture du Dante (Fantasia quasi sonata) (1837/1849) conclut avec un sens dramatique très sûr.


Par l’intermédiaire d’un téléphone portable qui retentit de façon incongrue au fond de la salle, c’est Bach (la Badinerie de sa Deuxième suite) qui semble vouloir s’imposer à nouveau avant les bis venant couronner ce programme athlétique: si Neuburger reprend la mélodie au vol pour la conclure avec humour sur son clavier, c’est cependant vers l’Espagne qu’il nous entraîne d’abord, avec souplesse du Tango extrait de la suite Espana (1890) d’Albéniz. Après la brève Valse posthume (et d’attribution douteuse) en mi bémol de Chopin, il concède encore la Pavane pour une infante défunte (1899) de Ravel, fine, d’une superbe netteté de trait, sans surcharge expressive ni sécheresse.


Le site de l’Institut hongrois



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com