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La pureté du drame

Paris
Palais Garnier
05/30/2005 -  et 31 mai, 2, 3, 5, 7, 8, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 19 juin 2005
Christoph Willibald Gluck : Orphée et Eurydice
Opéra dansé de Pina Bausch

Orphée : chanté par Charlotte Hellekant ou Marijana Mijanovic ; dansé par Yann Bridard, Kader Belarbi ou José Martinez
Eurydice : chanté par Sunhae Im ou Jaël Azzaretti ; dansé par Marie-Agnès Gillot, Eleonora Abbagnato ou Alice Renavand
Amour : chanté par Aleksandra Zamojska ou Cassandre Berthon ; dansé par Miteki Kudo, Muriel Zusperreguy ou Charlotte Ranson
Balthasar-Neumann Ensemble & Chor, Thomas Hengelbrock (direction)


Dans un silence total, Wilfried Romoli se penche lentement en avant, étend les bras et recueille le corps d’Eurydice qui vient de mourir pour la seconde fois parce qu’Orphée n’a pu s’empêcher de la regarder, soudain les trompettes jaillissent, la mort a encore vaincu. Le corps d’Orphée est lui aussi porté par les «gardiens des enfers». Silence à nouveau, un groupe rentre, fait face à la salle, immobile, les cordes cinglent et les corps se tordent sur le coté dans un mouvement très pur, a-t-on jamais exprimé la douleur de la mort avec autant de simplicité et de justesse ? Dans la salle, l’émotion est à con comble et quelques instants plus tard, lorsque le rideau tombera, le public fera une ovation debout aux interprètes et à Pina Bausch, une chose rare pour une première. Orphée et Eurydice (1774) de Christoph Willibald Gluck, «opéra dansé de Pina Bausch», opéra révélé comme rarement tant la fusion du drame et de la danse atteint l’idéal, opéra sublimé par la chorégraphe allemande qui affirme «je ne m’intéresse pas tant à la façon dont les gens bougent qu’à ce qui les remue profondément».


Les trois rôles (Orphée, Eurydice, l’Amour) sont doublés - un chanteur, un danseur - chacun évoluant sur la scène, les groupes personnifiant le chœur. Pour chaque étape du drame (la mort d’Eurydice, l’enfer, les Champs-Elysées, la seconde mort d’Eurydice), Pina Bausch déploie une danse toujours très pure, très lisible, qui peut se faire heurtée (la mort d’Eurydice), anguleuse (l’enfer), ou fluide et légère (les Champs-Elysées). Chaque inflexion de la musique est mise en évidence sans jamais tomber dans l’illustration, du grand art.


Confiant très rarement ses ballets à d’autres troupes que la sienne, la chorégraphe allemande indique, avec cet Orphée et après Le Sacre du printemps donné à trois reprises ces dernières années, l’estime dans laquelle elle tient le Ballet de l’Opéra de Paris. Ces deux ballets datent d’ailleurs de la même année, 1975, un an après son installation à Wuppertal, le Stravinsky étant autant sauvage que le Gluck est épuré, comme par compensation. Pina Bausch assure elle-même les répétitions et les danseurs (Yann Bridard, Marie-Agnès Gillot et Miteki Kudo pour cette première) rendent magnifiquement tout ce qu’ils ont reçu.


Thomas Hengelbrock et son Balthasar-Neumann Ensemble & Chor sont remarquables de subtilité, loin des baroqueux pur sucre brutaux et carrés style Jacobs, tandis que les chanteurs figurent parmi les meilleurs dans ce répertoire, du grand luxe !


Seul élément négligé dans cette production : le texte. L’opéra est chanté en allemand (!) et, surtout, les surtitres sont inexplicablement absents, ce qui empêche le public de s’impliquer totalement dans l’histoire. Hormis cette stupide omission, une soirée qui touche à la perfection.





Philippe Herlin

 

 

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