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Relectures Paris Théâtre des Champs-Elysées 05/23/2005 - Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 6, opus 10 n° 2 – Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 20, K. 466
Orchestre de chambre de Lausanne, Christian Zacharias (piano et direction)
Que ce soit en pianiste ou, désormais, en chef, Christian Zacharias n’est décidément pas l’homme de la routine: non seulement il aime conjuguer des exercices différents (solo, concerto, symphonie) au cours d’un même concert, comme il l’avait fait voici tout juste deux ans avec l’Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici), mais il s’illustre par sa relecture – toujours innovante, souvent surprenante, parfois déroutante – des grandes œuvres du répertoire.
Le plateau étant déjà installé pour le concerto à suivre, il joue dos au public et, surtout, avec un piano dépourvu de couvercle, ce qui tend à disperser le son au lieu de le renvoyer vers la salle. Mais qu’importe, car il n’en fait pas moins découvrir la richesse d’une sonate relativement négligée comme cette brève Sixième (1798) de Beethoven: animée par une alacrité sans sécheresse et par un respect créatif du texte, son interprétation fait se succéder, avec la clarté d’énonciation de ce qui se conçoit bien, finesse (Allegro), souplesse (Allegretto)) et jubilation (Presto).
S’il est par ailleurs principal chef invité de l’Orchestre symphonique de Göteborg depuis 2002, Zacharias assume depuis 2000 les fonctions de directeur artistique et chef titulaire de l’Orchestre de chambre de Lausanne, avec lequel il donnait ensuite le Vingtième concerto (1785) de Mozart. Le «décapage» auquel il se livre ici suscite une certaine perplexité, entre la remarquable subtilité de l’approche chambriste qu’autorise une formation restreinte (vingt-cinq cordes), avec une Romance centrale allante et bien chantante, et le caractère erratique des mouvements extrêmes, trop sages, privés de leur traditionnelle noirceur préromantique et ternis par un orchestre imprécis. Dans l’Allegro assai, la cadence prend véritablement un tour théâtral: après que l’accord de Don Giovanni a retenti, la lumière diminue sur scène et le piano fait entendre des réminiscences de l’opéra mêlées aux thèmes de ce final. Plutôt que d’offrir en bis sa sonate fétiche de Scarlatti (dont il a rassemblé dans un disque EMI vingt versions fort contrastées), le pianiste allemand reste en ré majeur et chez Mozart, avec son Rondo K. 485 (1786), restitué avec une superbe précision stylistique.
Dans la Sixième symphonie (1808), l’effectif restreint permet à Zacharias de privilégier les bois et de montrer qu’il reste encore bien des choses à découvrir même dans une partition aussi rabâchée. Délicatement ouvragée, sereine et réfléchie, cette Pastorale éloquente et presque didactique demeure toutefois fraîche et légère, se réclamant davantage d’une célébration classique de la nature, héritée de Vivaldi ou de Haydn, que d’un esprit romantique. Original et bienvenu, le bis propose un court extrait du premier acte (numéro 3) du ballet Les Créatures de Prométhée (1801).
Simon Corley
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