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L’oeil du cyclone

London
Royal Festival Hall
05/09/2000 -  
Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune ; Igor Stravinsky : Apollon musagète ; Maurice Ravel : Daphnis et Chloé

Mercredi 10 mai 2000
Alexandre Borodine : Danses polovtisiennes (tirées du Prince Igor) ; Igor Stravinsky : Suite de L’oiseau de feu ; Nikolaï Rimsky-Korsakov : Schéhérazade

Philharmonia Orchestra, Valery Gergiev (direction)

Attendu et annoncé comme une tornade musicale, Valery Gergiev donnait au Royal festival Hall une série de cinq concerts consacrés aux musiques commanditées ou jouées par Diaghilev.

Pris à un tempo assez lent, le Prélude à l’après-midi d’un faune révèlait d’inhabituels mais intéressants équilibres entre les timbres de l’orchestre, et frappait par une noirceur inusuelle dans cette pièce lumineuse. Sensuel et caractérisé, le Prélude évoquait avec nervosité les pirouettes et les jeux du faune, avec un souci évident du chef de ne pas pousser trop loin la fusion des pupitres.

Après cette vision intéressante de la pièce de Debussy, le concert s’empêtra malheureusement, en raison de la mollesse du chef, dans Apollon musagète, et, plus encore, dans Daphnis et Chloé. Si Apollon musagète n’est pas un des plus grands chefs d’oeuvres de Stravinsky, la tentative de créer de la variété et du dynamisme en traitant les cordes de manière sculpturale rend le ballet intéressant. La lecture pèpère de Gergiev manquait hélas de nervosité, sauf évidemment dans les dernières minutes de l’oeuvre, n’impulsant aucune direction à une musique dont l’auditeur dut finalement se résoudre à attendre patiemment la fin. Tristement, le même ennui émanait ensuite de Daphnis et Chloé (qui est cette fois bien un chef d’oeuvre !). Avec une pulsation lourde, des pupitres disloqués, le ballet donnait l’impression de ne pas avancer. Gergiev découpait les phrases avec netteté et les juxtaposait, comme si rien ne les liait, comme s’il oubliait chaque seconde ce qu’il venait de jouer l’instant précédent. Bien sûr, l’oeuvre restait spectaculaire par endroits, mais la magie musicale qui aurait dû en émaner devait hélas rester un idéal inaccessible ce soir-là. Il était étonnant de regarder la gestique nerveuse et dansante du chef, sans aucun rapport avec les sonorités et les attaques pateuses que l’on pouvait entendre.

Il fallut attendre un programme entièrement russe pour sortir de l’oeil du cyclone et apprécier la vigueur de la tornade Gergiev. Le chef russe dirigea les Danses polovtsiennes (de parfaites « show pieces ») avec un véritable sens de la danse et de la couleur – sans, curieusement, pousser l’orchestre vers une démonstration de virtuosité qui aurait pu avoir son charme. Dans L’Oiseau de feu, on retrouvait les éléments du « style » de Gergiev (décomposition de l’oeuvre, hétérogénéisation des timbres, les cuivres, les bois et les cordes formant des masses volontairement hétérogènes, recherche de sonorités brutes, directes, voire un peu vulgaires), mais sans les défauts de la veille : on sentait cette fois une progression émotionnelle, une colonne vertébrale qui soutenait les différentes parties de l’édifice musical. En soulignant les effets spectaculaires, en jouant les oppositions et les surprises avec violence, Gergiev donnait cette fois un sens, une direction à la musique, maintenant intense et sauvage, et donc peut-être à l’image que l’on se fait de lui. Quoique parfois un peu longuette, par manque de renouvellement thématique, Schéhérazade impressionne toujours par son orchestration (et rappelle sans ambiguïté que Rimsky fut le maître de Stravinsky). Sa structure en variations (ou tableaux) semblait écrite pour Gergiev, qui en faisait ressortir les contrastes, opposait ou superposait des sonorités sensuelles ou grinçantes, sans jamais s’oublier dans les plaisirs de l’instant.

Difficile, après ces deux concerts de niveau inégal, de juger de la forme du Philharmonia Orchestra, dont les bois n’atteignaient pas le niveau des cordes et des cuivres. Il n’est en revanche pas difficile de dire que le courant est passé entre le chef et le public londonnien, en liesse à la fin de chacun de ces concerts à guichet (presque) fermé.



Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

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