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Tous les chemins mènent à Gershwin

Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
05/09/2005 -  
Johann Sebastian Bach : Partita n° 2, BWV 826
Igor Stravinsky : Sonate – Piano-rag music
Claude Debussy : Cinq préludes
George Gershwin : Song book (extraits) – Rhapsody in blue
Paul Hindemith : Suite 1922, opus 26 (extraits)

Frank Braley (piano)


Frank Braley proposait un récital soigneusement construit, véritable parcours aboutissant, aussi bien en première qu’en seconde parties, à Gershwin, qu’il a récemment enregistré pour Harmonia mundi. Dommage que le public des Bouffes du Nord, d’ordinaire assez porté sur l’audace et l’exigence, ait quelque peu boudé ce programme qui témoignait pourtant d’un éclectisme ainsi que d’une curiosité remarquables. Mais ceux qui ont néanmoins fait le déplacement ne l’ont nullement regretté, bien au contraire.


Se rangeant parmi les pianistes qui se réapproprient, à juste titre, la musique de Bach, Braley aborde le Grave adagio puis l’Andante de la Sinfonia de la Deuxième partita (1727) avec une emphase romantique qui surprend d’abord, optant ensuite pour un jeu à l’articulation claire, sans effusions mais non dépourvu de fantaisie, au service d’une lecture allant à l’essentiel, omettant les reprises et fondée sur une belle agilité digitale.


La musique de piano de Stravinsky est relativement délaissée, notamment ses deux Sonates: or, si cela peut davantage se comprendre s’agissant de celle en en fa dièse mineur, une œuvre de jeunesse, la brève Sonate de 1924 vaut en revanche le détour, sa difficulté étant sans doute l’une des raisons de sa rareté. Datant du plus fort de la période néobaroque du compositeur russe, elle méritait évidemment le rapprochement avec Bach, restituée ici avec un détachement ironique, délibérément presque raide. Fort peu divertissante, davantage dans la manière de L’Histoire du soldat, Piano-rag music (1919), par son inspiration davantage que par son style, offrait une transition vers Gershwin, Braley enchaînant immédiatement sur une très large sélection tirée du Song-book (1932). S’il est difficile de comprendre pourquoi il interprète seulement seize chansons, alors que le recueil n’en compte au total que dix-huit, c’est un piano de grande classe, tant par l’élégance que par la sonorité, qui met en valeur ces miniatures, sur la corde raide entre le trop sérieux et le trop négligé.


Traduisant un indéniable souci de logique et de cohérence, les différentes pièces au menu de la seconde partie sont données sans interruption, débutant par deux des cinq mouvements de la Suite 1922 de Hindemith: on aurait bien évidemment aimé entendre intégralement cette partition peu fréquentée, emblématique d’une volonté de «modernité» jusque dans son titre, à l’image du Finale 1921 de la Kammermusik n° 1. Cela étant, le choix de ces deux extraits se caractérise par son habileté, car si le Ragtime final, qui ne conserve de la danse qu’un déhanchement bien rythmé, renvoie encore à celui de Stravinsky, le Nachtstück central, pause poétique qui annonce déjà les musiques nocturnes de Bartok, permet de glisser imperceptiblement vers Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir, le premier des cinq Préludes de Debussy sélectionnés par Braley, suivi de La Danse de Puck, également tirée du Premier livre (1910). Les trois pages du Second livre (1913) ne démentiront pas un formidable sens de la couleur et une netteté de trait ennemie de toute brume prétendument «impressionniste», conjugués à une liberté tenant quasiment de l’improvisation: Les Tierces alternées, Feuilles mortes et Général Lavine–eccentric, ce dernier, nouveau ragtime, ouvrant la voie à Rhapsody in blue (1924) de Gershwin.


Plus exubérant, expansif et fantasque à la fois, Braley se divertit ouvertement, revendiquant les excès, la discontinuité, l’humour au premier degré et la virtuosité qui sont, après tout, le propre d’une rhapsodie: cette débauche technique et expressive, à la flamboyance lisztienne, n’était-elle d’ailleurs pas celle de Cziffra dans les Rhapsodies hongroises? Après ce déploiement d’énergie, «un peu de calme, cela fera du bien à tout le monde», avec en bis, That certain feeling, qui appartient également au Song-book: la dix-huitième chanson (Sweet and low down), ce sera sans doute pour une autre fois…



Simon Corley

 

 

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