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Les surprises de Muti

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/04/2005 -  et 30 avril, 1er (Vienne), 2 (Milan), 3 (Cologne) et 6 (Vienne) mai 2005
Joseph Haydn : Symphonie n° 94 «La Surprise»
Alexandre Scriabine : Symphonie n° 3 «Le Divin poème», opus 43

Orchestre philharmonique de Vienne, Riccardo Muti (direction)


Après Valery Gergiev en septembre dernier, la deuxième des trois visites parisiennes de la Philharmonie de Vienne cette saison était confiée à Riccardo Muti. Encore plus attendu de ses fidèles – qui lui réservent d’emblée une ovation soutenue – après sa récente démission de la direction musicale de la Scala, l’Italien, au fur et à mesure de la soirée, va mener le public de surprise en surprise.


Première surprise: alors que le programme annonçait la Cent troisième symphonie de Haydn, c’est la Quatre-vingt-quatorzième (1791) qui retentit, méritant ainsi d’autant plus son surnom de… Surprise (1). Plus grave et plus ambitieuse, la Roulement de timbales aurait-elle mieux convenu au maestro? Car s’il s’amuse manifestement à diriger cette partition, son interprétation semble plus robuste et carrée que légère ou pétillante. On n’escomptait certes pas ici, avec une formation à peine réduite (quarante cordes), de spectaculaires révélations musicologiques, mais outre la tendance à souligner des détails, nuances ou ralentis, l’excessive lenteur du Menuet (pourtant marqué Allegro molto), encore accentuée dans son ultime reprise, aura frappé, malgré un Trio dont le caractère de Ländler est mis en valeur par la restriction des cordes aux pupitres solistes. En revanche, l’élan insufflé à l’Allegro di molto final offre une conclusion pleine de brio.


Deuxième surprise: après une symphonie autrichienne écrite pour Londres, une symphonie russe créée à Paris voici exactement un siècle (au cours d’un concert produit par Gabriel Astruc, le fondateur, quelques années plus tard, du Théâtre des Champs-Elysées), la Troisième (1904) de Scriabine. Mais si le choix de ce Divin poème est assez inhabituel, en particulier dans le cadre d’une tournée, vu l’effectif qu’il requiert (bois par quatre, huit cors, cinq trompettes), Muti, qui a gravé une intégrale des symphonies de Scriabine à la fin des années 1980 lors de son séjour à Philadelphie, n’en possède pas moins des affinités évidentes avec cet univers sous influence wagnérienne et franckiste. Renonçant à unifier un discours qui n’a pas encore acquis la cohérence et la concision du Poème de l’extase, il prend tout son temps (cinquante et une minutes) pour livrer une succession d’épisodes contrastés formant une sorte de gigantesque poème symphonique, d’autant que les trois mouvements sont joués, comme il se doit, sans interruption. Soucieux d’alléger la pâte orchestrale, il exploite les atouts de la Philharmonie de Vienne, faisant ressortir tour à tour la finesse des textures des cordes, la précision des attaques des cuivres ou la rondeur de la sonorité d’ensemble, même si le résultat, notamment dans le mouvement central (Voluptés), tient sans doute plus d’un gazouillis respighien que d’un mysticisme torride ou vénéneux.


Troisième surprise: c’est au moment du bis que le chef d’opéra, déjà visiblement impatient d’en découdre dans Scriabine, se libère complètement. Un spectateur ayant réclamé l’ouverture de Guillaume Tell, Muti s’engage à la donner la prochaine fois et annonce celle de La Force du destin (1869) de Verdi: faisant sortir la Philharmonie de Vienne de ses gonds, il charge la moindre note d’une tension dramatique électrisante, à la grande joie d’un Théâtre des Champs-Elysées enfin enthousiaste.


La Philharmonie de Vienne sera de retour au Théâtre des Champs-Elysées dès le 13 juin prochain sous la direction de Zubin Mehta, dans des œuvres de Brahms (avec Daniel Barenboïm en soliste) et R. Strauss.


(1) La confusion est probablement venue de ce que dans le monde germanique, la Quatre-vingt-quatorzième est baptisée Mit dem Paukenschlag, c’est-à-dire «avec le coup de timbale» (du deuxième mouvement), tandis que la Cent troisième porte le sous-titre Mit dem Paukenwirbel (désignant le roulement de timbales de son premier mouvement).



Simon Corley

 

 

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