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Spectres franco-allemands

Paris
Cité de la musique
05/03/2005 -  
Oliver Schneller : Aquavit
Gérard Pesson : Récréations françaises
Philippe Hurel : Figures libres
Jörg Birkenrötter : Schwebende Form
Tristan Murail : La Barque mystique

Ensemble Court-circuit: Jérémie Fevre (flûte), Hélène Devilleneuve (hautbois), Pierre Dutrieu (clarinette), Eve Payeur (percussion), Jean-Marie Cottet (piano), Marie Charvet (violon), Béatrice Gendek (alto), Renaud Déjardin (violoncelle), Didier Meu (contrebasse), Pierre-André Valade (direction)


Les deux derniers des trois concerts de la série «France-Allemagne aujourd’hui» à la Cité de la musique sont présentés par l’Ensemble Court-circuit qui, depuis sa naissance, en 1991, à l’initiative de Philippe Hurel (directeur artistique) et Pierre-André Valade (directeur musical), a plus particulièrement défendu et illustré le courant spectral, au centre de cette première soirée. Si la recherche sur le son et ses composantes est, depuis Varèse ou même Berlioz, plus spontanément associée à la France qu’à l’Allemagne, l’intérêt de ce programme était de confronter trois partitions françaises relevant de cette école (toutes trois créées, au demeurant, dans le monde germanique) à des oeuvres de deux musiciens allemands partageant des préoccupations voisines.


Ainsi, Oliver Schneller (né en 1966) a participé au cursus annuel de composition et d’informatique musicale de l’IRCAM (2000) et, surtout, a étudié avec Tristan Murail aux Etats-Unis (2002). Mais dès 1999, il tirait les motifs d’Aquavit (1999), une pièce de sept minutes pour flûte, hautbois, violon, violoncelle, contrebasse, piano et percussion, de l’analyse spectrale du bruit de l’eau s’écoulant dans un espace fermé. Ce choix se combine à une technique de zoom arrière, c’est à dire mettant progressivement le détail en perspective, qui structure petit à petit le propos, évoluant d’un foisonnement volubile vers une sérénité plus statique.


Les neuf miniatures (quinze minutes) constituant les Récréations françaises (1995) de Gérard Pesson sont destinées à un trio de bois (flûte, hautbois et clarinette) et un trio à cordes. Opportunément choisi dans le cadre de la thématique de la Cité de la musique sur «l’identité française», ce «jeu de marelle où le ciel et la terre sont de part et d’autre du Rhin» revendique, dans un parti pris d’autodérision, certains clichés – esprit de divertissement, goût pour les «atmosphères», attention portée aux timbres – si souvent répandus sur le style français, et ce alors même que le compositeur observe fort justement que «beaucoup d’entre nous sont absolument irrigués par la musique allemande». Dans un feu d’artifice d’effets sonores dépassant rarement le mezzo forte et dont la parcimonie exigeante rappelle parfois Lachenmann, se succèdent bribes de citations (Wagner – Souvenirs de Bayreuth? – et Berlioz), allusions (Haendel et Couperin) et second degré, la musique spectrale devenant, le temps d’une Knochenmusik et d’une Petite danse macabre, une musique de spectres: un Sextuor des esprits renvoyant à un lointain Geistertrio allemand? Ce ne serait pas la moindre surprise de ces Récréations françaises


Ajoutant à cette formation un piano et des percussions, Figures libres (2001) de Philippe Hurel obéit, malgré son titre, à une forme assez stricte, ordonnée assez classiquement en trois mouvements vif/lent/vif (seize minutes), la «liberté» étant celle offerte à des soli épisodiques – notamment une riche partie de piano, tenue avec panache par Jean-Marie Cottet – produisant une impression globale de vagues généreusement animées par des rythmes puissants.


Ecrite pour le même effectif (hormis le hautbois), Schwebende Form (1999) de Jörg Birkenrötter (né en 1963) ne déçoit pas les promesses de son titre, paradoxal, pour en rester aux clichés «nationaux», s’agissant d’un pays réputé si soucieux de la solidité de la forme: la note de présentation renvoie à une «forme flottante», qui, de fait, semble errer de manière assez indécise, décousue et, pour tout dire, quelque peu arbitraire seize minutes durant – le rapprochement avec Hurel, qui a remarquablement su maîtriser la liberté qu’il invoque, se révélant, de ce point de vue, assez significatif. Mais la traduction peut également suggérer une «forme planante», «planant» étant d’ailleurs le qualificatif qui paraît devoir s’appliquer aux ambiances suggérées par cette succession de stridences et de longues plages immobiles.


La Barque mystique (1993) de Tristan Murail, créée en son temps par l’Ensemble Court-circuit, fait déjà figure de grand classique. Et lorsque l’auteur évoque, à son propos, un fonctionnement tenant de la «pièce d’horlogerie», il est impossible de ne pas penser aux mécaniques de précision ravéliennes et, partant, à une certaine «qualité française». Mais, au-delà de Ravel, la subtilité de l’instrumentation, le raffinement des couleurs et la souplesse du discours traduisent avec une empathie aiguë les vibrations du tableau d’Odilon Redon.



Simon Corley

 

 

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