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Che gelida Bohème!

Reims
Grand Théâtre de Reims
04/29/2005 -  et les 1er et 3 mai 2005.
Giacomo Puccini : La Bohème

Mireille Delunsch (Mimi), Jean-Francis Monvoisin (Rodolfo), Karen Vourc’h (Musetta), Jean-Sébastien Bou (Marcello), Ronan Nédelec (Schaunard), Nicolas Courjal (Colline), Jean-Louis Mélet (Alcindoro et Benoît), Sylvain Bocquet (Parpignol)
Bernard Pico (dramaturgie), Nathalie Holt (scénographie), Marc Anselmi (costumes), Michel Theuil (lumières), Gilles Bouillon (mise en scène)
Choeur de l’Opéra de Tours - Choeur d’enfants de la Maîtrise de Reims - Orchestre du Grand Théâtre de Reims
Bruno Ferrandis (direction)

Le Grand Théâtre de Reims et l’Opéra de Tours entretiennent une collaboration qui a permis de découvrir plusieurs productions tourangelles comme Pelléas, Un Ballo in maschera, etc… Cette saison, Tours vient présenter La Bohème avec la chanteuse-phare de cette scène, Mireille Delunsch. Une impression, certes, assez mitigée de cette représentation à cause d’une distribution pour le moins hétérogène, rassemblant le meilleur, le prometteur et le décevant.



La mise en scène de Gilles Bouillon est simple et sobre. Il transpose l’action au milieu du XXème siècle et les décors très sommaires rendent l’action encore plus intime et intense. Le premier acte s’ouvre sur la mansarde des quatre amis qui se résume à une pièce entourée de carreaux qui laissent une large vue sur les toits de Paris. Le deuxième acte montre un café Momus assez rudimentaire et les tables noires et rouges sont très discrètes. Tout cet acte est rendu cohérent par les couleurs puisque les choristes sont habillés en noir, rouge et blanc - sans oublier le bonnet rouge et blanc typique du Père Noël! Le troisième acte est peut-être le plus réussi dans la mesure où les personnages évoluent autour d’un banc: dans le fameux quatuor final, Mimi et Rodolfo sont sur le banc, qui est lui-même sur une estrade, tandis que Musetta et Marcello sont éloignés de chaque côté de la scène. Le metteur en scène souligne bien ici la différence de comportement des deux couples. Cette production ne manque pas d’humour: le tableau qu’est censé peindre Marcello, la mer Rouge, est effectivement très rouge et unicolore! Mais quelques éléments ne semblent pas vraiment coller au livret puisque que Mimi, dès qu’elle rentre dans la chambre de Rodolfo, se met à examiner tous les objets, or cette scène est censée se dérouler dans le noir… Les costumes sont bien choisis puisque les cinq jeunes gens n’ont pas de vêtements bien assortis, preuve flagrante de leur pauvreté, tandis que Musetta arbore une robe rouge flamboyante puis une seconde robe au dernier acte.


Mireille Delunsch est et reste une merveilleuse artiste, une fine musicienne mais on sort assez déçu de sa prestation dans le rôle de Mimi. Elle semble placer une immense distance entre elle et son personnage et on ne retrouve pas son interprétation si intense à laquelle elle a habitué son public dans Violetta ou bien dans Poppée. La voix reste toujours aussi lumineuse - surtout dans les aigus - mais la chanteuse casse parfois la ligne de chant et ne parvient pas à développer les phrases longues typiquement pucciniennes. Ces réserves s’évanouissent toutefois dès le troisième acte avec un “Donde lieta usci” magnifique de musicalité et réellement vécu et ressenti. Mais il faut attendre la mort de Mimi pour retrouver une Mireille Delunsch en pleine forme: elle offre une somptueuse mort puisque peu à peu sa voix sa voix s’éteint, se brise sous l’emprise de la toux: les notes sont d’une pureté incroyable après un dernier sursaut de vie dans un “oh come è bello”.
Le ténor Jean-Francis Monvoisin est difficile à cerner: le chanteur ne manque pas de vaillance et d’enthousiasme dans son interprétation de Rodolfo mais la voix est assez laide et surtout affublée d’un vibrato désagréable. Il aborde avec beaucoup de courage “che gelida manina” mais la musique ne semble guère au rendez-vous et les nombreux décalages avec l’orchestre - sans parler d’une justesse plus qu’approximative - ne permettent pas de rentrer dans l’univers du poète parisien. Mais à partir du troisième acte, Jean-Francis Monvoisin prend ses marques et commence à interpréter le personnage notamment dans la scène où il explique à Marcello l’amour fou qu’il ressent pour Mimi: sa large voix lui permet de donner du poids à “Ebbene, no” et à la phrase qui suit. Rodolfo n’est peut-être pas le rôle qui convient le mieux à ce chanteur à qui il faut reconnaître une grande puissance vocale qu’il pourra davantage développer dans Radamès ou bien dans Don José, personnages qui sont à son répertoire.
Si les deux chanteurs principaux appellent quelques réserves, les trois amis ne suscitent que des éloges. Jean-Sébastien Bou, dont la carrière commence à se développer, campe un Marcello amoureux fou au troisième acte, comique au premier… Il possède une voix chaude, puissante (parfois trop pour le théâtre) et voluptueuse. Le chanteur parvient à colorer subtilement sa voix pour lui apporter douceur dans le “entrare” qu’il adresse à Mimi au troisième acte et détermination dans les “abbasso l’autore” au premier acte. Ronan Nédelec est un Schaunard très présent scéniquement et très impliqué dans son explication de la mort du perroquet: il ne manque pas d’humour quand il imite la voix du Lord! Sa longue et belle voix redonne une certaine légitimité à ce personnage qui est parfois effacé par rapport aux autres. Nicolas Courjal est également excellent notamment dans l’air du manteau où enfin la musique commence à prendre corps: ses “addio” sont criants de vérité et les longs silences qui les séparent sont tout à fait expressifs.
Karen Vourc’h est une bonne surprise et elle dessine une Musetta fine mouche, malicieuse et aguicheuse, mais sans jamais tomber dans la vulgarité. Elle possède une véritable musicalité qu’elle met au service de la partition pour se montrer espiègle dans son air “quando m’en vo” ou bien réellement bouleversée dans sa prière pour Mimi au dernier acte. La voix est facile, les aigus bien clairs et lumineux, ce qui lui permet d’aborder sans difficultés les vocalises du deuxième acte où elle est censée avoir très mal aux pieds: à l’aspect technique s’ajoute une réelle volonté d’apporter un sens à ce qui parfois se réduit à des cris. Une jeune chanteuse à écouter avec attention!


L’orchestre de Reims se montre un bon appui pour les chanteurs avec quelques passages bien intéressants et bien musicaux comme le début du troisième acte où les notes piquées parviennent à efficacement symboliser la neige qui tombe. Le Choeur de l’opéra de Tours et la Maîtrise de Reims sont également à féliciter pour leur engagement et pour l’énergie qu’ils dispensent dans le deuxième acte. Le chef Bruno Ferrandis est un peu en-deçà des attentes et on aimerait qu’il laisse davantage la musique s’épanouir surtout dans le passage orchestral de toute beauté au moment de la mort de Mimi: tout cela reste bien sec.



Cette représentation de La Bohème apporte des moments très émouvants (mort de Mimi, duo entre Marcello et Mimi au troisième acte) mais également assez décevants dans les pages les plus célèbres. Le travail reste tout à fait honnête et digne d’une scène de province qui réussit à attirer des chanteurs internationaux pour leur permettre de faire leurs premiers pas dans des rôles difficiles.




A noter:
- On retrouvera Nicolas Courjal dans le rôle de Lamoral dans Arabella de R. Strauss au Châtelet du 19 au 31 mai 2005 tandis que Mireille Delunsch reprendra The Turn of the Screw au Tce du 7 au 12 juin 2005.
- Le Grand Théâtre de Reims a levé le voile sur la saison prochaine: au programme La Flûte enchantée, La Finta giardiniera, L’Elisir d’amore, entre autres, et la venue de Gustav Leonhardt et de William Christie à l’automne.


Manon Ardouin

 

 

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