Back
Petite Pâque russe Paris Palais Garnier 03/27/2005 - Alexandre Borodine : Quatuor n° 2
Dimitri Chostakovitch : Deux pièces pour quatuor à cordes, opus 30B
Mikhaïl Glinka : Sérénade sur des thèmes de «Anna Bolena»
Christophe Guiot, Elisabeth Pallas (violon), Jonathan Naze (alto), Nathalie Gaudemer (violoncelle), Axel Salles (contrebasse), Ludovic Tissus (basson), David Defiez (cor), Catherine Michel (harpe), Christine Lagniel (piano)
Comme toutes les grandes formations parisiennes, l’Orchestre de l’Opéra national de Paris s’attache à mettre en valeur ses solistes en proposant, à quatre reprises entre février et juin, une heure de musique de chambre le dimanche à 20 heures 30 au Palais Garnier. On regrettera néanmoins que le programme distribué aux spectateur soit désormais réduit à un feuillet qui, ne fournissant plus aucune indication sur les œuvres, se limite à la biographie des artistes. En ce jour de Pâques, le deuxième concert de cette série offrait un contrepoint à la «saison russe» de l’Opéra, qui, d’ici décembre 2006, présentera successivement Guerre et paix (voir ici), Boris Godounov, La Dame de pique, Le Lac des cygnes, Le Nez, Cendrillon, Roméo et Juliette et L’Amour des trois oranges.
Pas de Prince Igor en perspective, mais cette soirée permettait d’entendre le Second quatuor (1882) de Borodine, moins sauvage et coloré que ses symphonies, s’inscrivant même dans une filiation beethovénienne, avec son Finale en forme de questions et réponses. Malgré quelques problèmes récurrents de justesse, les musiciens en donnent une lecture sensible, plus proche de Fauré que de Tchaïkovski ou Dvorak, culminant dans le chant très pur du fameux Nocturne.
Précoce dans bien d’autres genres, Chostakovitch a cependant attendu l’âge de trente-deux ans pour écrire le premier de ses quinze quatuors. Sept ans plus tôt, il avait toutefois composé Deux pièces (1931) qui ne connurent qu’une publication posthume: une Elégie (Adagio), qu’il allait reprendre peu après pour le premier acte de Lady Macbeth, et une Polka (Allegretto), tirée quant à elle du ballet L’Age d’or, créé un an auparavant. Sobre et retenue, sans effets gratuits, dans la première, l’interprétation alterne avec finesse, dans la seconde pièce, distinction pince-sans-rire et caricature.
Au cours de son séjour italien (1830-1833), Glinka se consacra notamment à des variations et paraphrases sur des opéras de Bellini et Donizetti. Il fut sans doute plus particulièrement frappé par Anna Bolena, dont il assista à la première à Milan en décembre 1830, puisque après une série de variations pour piano sur un air du deuxième acte, il livra une vaste Sérénade sur des thèmes d’«Anna Bolena» (1832). Tout à fait en situation sous les ors de Garnier, cette sérénade frappe par sa durée (dix-sept minutes), par sa forme (sept parties enchaînées) et, surtout, par son effectif: sur un fond de médiums ou de graves (alto, violoncelle, basson, cor et contrebasse) évitant soigneusement les teintes claires (violon, flûte, hautbois ou clarinette) ne se détachent en effet dans l’aigu que le piano subtil de Christine Lagniel et la harpe agile de Catherine Michel. Mais la partition, qui relève sans doute davantage de la musique de salon que de la musique de chambre – même si elle fut donnée, au grand dam du compositeur, en plein air – ne se contente pas de faire dialoguer aimablement ces deux instruments, confiant à chacun, ou presque, un beau solo, que ce soit au basson de Ludovic Tissus, à l’alto de Jonathan Nozé, au violoncelle de Nathalie Gaudemer ou même au cor vaillant de David Defiez.
Simon Corley
|