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Une Agrippina très colorée!

Tourcoing
Théâtre municipal
03/13/2005 -  et le 15 mars 2005.
Georg Friedrich Haendel : Agrippina

Lynne Dawson (Agrippina), Philippe Jaroussky (Néron), Ingrid Perruche (Poppée), Thierry Grégoire (Ottone), Nigel Smith (Claude), Dominique Visse (Narciso), Bernard Deletré (Pallante), Alain Buet (Lesbo)
Benoît Résillot (dramaturgie), Emmanuel Clolus (scénographie), Olga Karpinsky (costumes), Daniel Lévy (lumières), Frédéric Fisbach (mise en scène)
La Grande Ecurie et la Chambre du Roi
Jean-Claude Malgoire (direction)

Cette production a déjà été présentée avec succès en 2003 et est partie en tournée dans plusieurs villes comme Saint-Etienne, St-Quentin en Yvelines, etc… Et pour cause! la distribution est plus que convaincante, la direction d’orchestre de Jean-Claude Malgoire est toujours aussi soignée et précise et la mise en scène parvient à allier sobriété et idées originales.



Frédéric Fisbach propose une vision très intimiste de l’opéra de Haendel avec, comme presque unique décor, des panneaux qui descendent des cintres, revêtus de projections vidéographiques. Mais contrairement à ce qui se fait dans d’autres productions plus provocatrices, le metteur en scène utilise ici les outils technologiques pour habiller le décor. Pour expliquer l’histoire et la rendre un peu plus accessible, les dialogues sont “écrits” sur des toiles avec quelques commentaires assez amusants, du style “hmm…hmm”, etc… Pourquoi pas? Des comédiens sont sur scène et jouent parfois aux statues ou bien récitent les dialogues, une lettre que lit Néron, etc… ils forment également la cour de Poppée dans sa chambre. Quelques idées un peu plus malheureuses sont disséminées çà-et-là comme le surtitrage qui s’inscrit dans le banc de Poppée au second acte. Les costumes sont très colorés certes mais assez drôles à cause de l’exagération même des couleurs: Néron a une perruque violette en parfait accord avec son costume violet et blanc à rayures, Pallante porte une perruque verte, etc… Les vêtements, de coupe 18ème, sont superbes même si les couleurs ne sont pas toujours assorties, loin de là! Seul Claude, empereur oblige, aura lors de son triomphe une “armure” romaine mais recouverte par une toge à fleurs!


Lynne Dawson, chanteuse haendelienne remarquable, fait encore des miracles au niveau de l’interprétation. Certes la voix n’est pas toujours au rendez-vous mais quelle virtuosité dans les vocalises et quelle force dramatique dans la grande scène du deuxième acte où Agrippine doit exprimer sa peur et ses angoisses “pensieri”! La chanteuse est également une forte comédienne et son air “Tu ben degno” au premier acte souligne parfaitement la colère contenue du personnage. Elle ajoute une pointe de légèreté dans son air “Ogni vento” et prononce ainsi le caractère exalté de la reine qui ne vit que pour son fils. La chanteuse se sert également de la respiration pour accentuer l’aspect étrange de l’air “Ho un non so che nel cor” dans lequel Agrippine décrit les tourments de son coeur et son incertitude.
Philippe Jaroussky compose un Néron assez amusant, totalement soumis aux ordres de sa mère et aux charmes de Poppée. Le chanteur, en petite forme ce soir, ne vocalise pas avec autant d’aisance que d’habitude mais il gratifie un public enthousiaste de ses notes très pures: le début de “Qual piacer” au premier acte permet de retrouver toute la luminosité de sa voix. Mais au cours de la représentation, il se chauffe et le dernier air très vif “Come nube che fugge” est un véritable morceau de prouesse vocale. L’instrument de Philippe Jaroussky ne cesse de se modifier et il gagne de bien belles notes dans le medium et dans le grave qui se corsent.
Ingrid Perruche campe une Poppée assez piquante et qui possède un fond de sincérité et d’honnêteté. Mais la voix de la chanteuse est peut-être trop puissante pour ce genre de répertoire et par conséquent pas assez agile pour les vocalises qui parfois sont légèrement écourtées, voire murmurées et non chantées: elle gagnerait à être connue et reconnue dans des rôles plus lourds et plus lyriques. Cette réserve soulignée, elle reste une Poppée très agréable et son interprétation lui permet de montrer une jeune fille fraîche et déterminée à aimer Ottone et à se venger d’Agrippine.
Thierry Grégoire est excellent dans le rôle d’Ottone et dévoile un timbre somptueux, franc pour assumer la difficulté de la partition. Il joue parfaitement les amoureux transis et le fidèle sujet de Claude. Sa voix est très musicale et elle fait merveille dans les airs très doux et lents, par exemple “Vaghe fonti”, où il peut développer des notes très pures, presque cristallines.
Nigel Smith est un empereur plein de véhémence et de noblesse. Il arrive à brosser un homme amoureux fou lorsqu’il est auprès de Poppée avec des nuances très douces dans “Vieni o cara” mais aussi un personnage souverain dans le grand air “Cade il mondo” avec des graves puissants, magnifiques, voire un peu terrifiants.
Dominique Visse est toujours autant plein de vie et d’énergie et il s’en donne à coeur joie dans ce rôle qu’il transfigure complètement, bien plus que dans la production de David McVicar présentée au Théâtre des Champs-Elysées ces dernières années. Même si sa partie ne compte que deux airs, il en fait deux petites merveilles vocales, notamment le premier air “Volo pronto”: il donne des accents très doux aux mots “è presago” mais ne renonce pas à de longues vocalises très rapides. Le second air montre un autre aspect de son expressivité puisqu’il s’agit d’un morceau plus doux dans lequel il apporte des nuances multiples. Dominique Visse parvient, à chacune de ses interventions, à réveiller un peu l’ensemble. Et le duo avec Bernard Deletré, Pallante, fonctionne à merveille! On n’entend malheureusement pas assez ce baryton qui a fait les beaux jours des Arts Florissants et qui possède un timbre chaleureux et expressif. Restreint aussi à deux airs, il leur apporte toute sa musicalité: dans le premier air il déclare son amour à Agrippine mais avec beaucoup de distance et de drôlerie.
Alain Buet est un Lesbo parfaitement honnête, tout droit sorti de Marivaux par son costume. Il offre une voix puissante et malléable malgré un “Allegrezza” un peu laborieux pour son entrée en scène.


Jean-Claude Malgoire ne laisse aucun temps mort et il enchaîne avec la même fougue les airs les uns après les autres, ce qui préserve une dynamique soutenue sur toute la durée de la représentation. Son Haendel est très carré, coupé au couteau et les “ornementations” des chanteurs sont assez limitées. Il manque quand même un peu de l’animation que sait mettre Marc Minkowski chez ce compositeur et la comparaison avec René Jacobs s’impose bien évidemment puisque ce dernier avait porté au triomphe l’oeuvre au Théâtre des Champs-Elysées. Il est sûr qu’il parvenait à plus d’émotion dans certains airs lents.



Même si toutes les conditions semblent réunies pour échafauder un excellent spectacle, on reste un peu sur sa faim. Certes chanteurs, metteur en scène, chef ont construit un véritable travail avec de nombreuses idées mais l’ensemble reste assez froid et distant: les chanteurs ont des difficultés à entrer vraiment dans les personnages et ils restent un peu à l’écart de l’intrigue. Mais Agrippina reste un opéra très agréable à regarder et à écouter et la musique est servie avec beaucoup d’honnêteté et d’humilité.




A noter:
- reprise de ce spectacle à Valenciennes, au Phénix le 18 mars 2005.
- le CD et le DVD des représentations de 2003 sont sortis chez Dynamic: Véronique Gens y tenait alors le rôle d’Agrippine.


Manon Ardouin

 

 

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