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La valeur n’attend point le nombre des années

Paris
Hôtel de Soubise
11/06/2004 -  
Frédéric Chopin : Sonate pour piano n° 2 «Funèbre», opus 35 – Mazurkas, opus 7 n° 1, 24 n° 4 et 30 n° 3 – Polonaise opus 26 n° 1
Karol Szymanowski : L’Ile des sirènes (extrait des «Métopes»), opus 29 n° 1
Serge Prokofiev : Sonate pour piano n° 8, opus 84

Jean-Frédéric Neuburger (piano)


Toujours abritée par les Archives nationales (Hôtel de Soubise), l’association Jeunes talents propose tout au long du moins de novembre, chaque samedi à 18 heures 30, un cycle «Musiques d’Europe de l’Est». Pour le premier de ces concerts, où l’affluence fut telle dans la Chambre du prince qu’une partie du public dut se contenter du Salon ovale, elle méritait plus que jamais son nom, puisqu’elle offrait un récital de Jean-Frédéric Neuburger: né en 1988, il n’en est pas moins précédé d’une réputation flatteuse, possédant déjà à son actif, outre des succès dans divers concours internationaux, plusieurs œuvres ainsi qu’un disque consacré aux Etudes de Chopin.


C’est d’ailleurs au compositeur polonais qu’était dédié l’essentiel de la première partie de son programme, où il se lance d’emblée dans la Deuxième sonate pour piano «Funèbre» (1839). N’observant pas de pause entre les mouvements, il en livre une vision résolument romantique, marquée par l’urgence et, partant, par une prise de risques qu’autorise une technique efficace. Assez éloigné de la délicatesse dans laquelle on confine parfois Chopin, il évoque bien davantage un Rachmaninov dépourvu de pathos excessif, à l’image d’une Marche funèbre sobre mais non moins éloquente. Conjuguant la clarté que l’on prête d’ordinaire à l’école française et une puissance tendant à la dureté, il n’a rien de ce côté prudent et lisse que l’on rencontre si fréquemment parmi les prodiges de son âge. Son jeu n’en est pas moins réfléchi, s’autorisant peu de caprices et s’intéressant davantage au déroulement du discours qu’au toucher ou aux couleurs. Le phrasé se révèle droit et sans effusions, énonçant simplement les notes, sans l’artifice d’un legato qui viendrait l’arrondir. Le Presto final, pris, comme le premier mouvement, dans un tempo très vif, pulvérise toutefois l’articulation et la lisibilité au profit d’un halo harmonique, soulignant l’étonnante modernité de cette page.


Neuburger refuse aux mazurkas le statut de fragiles miniatures folklorisantes ou salonnardes, comme en témoignent les trois qu’il a sélectionnées – opus 30 n° 3 (1837), opus 24 n° 4 (1835) et opus 7 n° 1 (1831) – solidement charpentées, jamais alanguies, où l’énergie conquérante prend souvent le pas sur la poésie, en revanche mieux servie dans la partie centrale de la première des deux Polonaises (1835) de l’opus 26.


Entre temps, le pianiste français aura suscité des regrets en ne donnant que la première des trois Métopes (1916) de Szymanowski, un autre Polonais connu pour ses affinités avec la France, tant il aura remarquablement su individualiser les différents plans sonores, se faisant à la fois sensuel et visionnaire dans cette Ile des sirènes qui semble faire le lien entre Scriabine et Messiaen.


En seconde partie, son partenaire Christian-Pierre La Marca, qui devait interpréter avec lui la Sonate pour violoncelle et piano de Chopin, ayant déclaré forfait pour cause de tendinite, Neuburger a choisi, quasiment au pied levé, rien moins que la Huitième sonate (1944) de Prokofiev, dont le style et la difficulté conviennent particulièrement à son tempérament: d’une impressionnante hauteur de vue, optant pour le détachement expressif, la froideur, l’objectivité et la distance, sans céder à l’anecdote ou même à l’ironie, il maîtrise sans peine les exigences de cette partition, dont il fait ressortir le côté intimidant et implacable.


Il reste à espérer que cette combinaison de maturité et de talent s’illustre et soit reconnue dès la fin du mois au prochain Concours Long-Thibaud.


Le site de Jeunes talents



Simon Corley

 

 

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