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Small is beautiful

Paris
Théâtre Le Trianon
11/04/2004 -  et 28 (Brisbane) et 31 (Wollongong) août, 1er (Melbourne), 7 (Sydney), 23 (Wellington) et 24(Auckland) septembre, 14 (San Luis Obispo), 16 et 17 octobre (Portland), 6 (Tonbridge), 13 et 14 (Coesfeld), 20 (Vinehall School, Robertsbridge) et 26 (Mainz) novembre , 4 (Düsseldorf) et 7 (Richmond) décembre 2004, 1er (Miami), 15 (San Antonio), 26 (Oxshott & Cobham Music Society) et 28 (Milan) février, 1er (Cagliari), 3 (Wilton) et 10 (New York) mars, 12 mai (Bilbao) 2005
Alban Berg : Sonate, opus 1
Franz Schubert : Sonate n° 18 «Fantaisie», opus 78, D. 894
Enrique Granados : Valses poeticos
Isaac Albéniz : Evocacion et Triana (extraits des Premier et Deuxième cahiers d’«Iberia») – Tango (extrait de «Espana»), opus 165 n° 2 (arrangement Leopold Godowsky)
Claude Debussy : La Sérénade interrompue (extrait du Premier livre des Préludes) – La Soirée dans Grenade (extrait des «Estampes»)
Maurice Ravel : Alborada del Gracioso (extrait des «Miroirs»)
Moritz Moszkowski : Caprice espagnol, opus 37

Stephen Hough (piano)


Après une inauguration par Jordi Savall le 25 octobre dernier, le premier festival organisé par Abeille musique se poursuit jusqu’au 13 décembre avec une succession d’artistes et d’ensembles – le Poème harmonique, Marie-Claire Alain et Sequenza 9.3, Marc-André Hamelin, Marco Beasley et Accordone – emblématique de la diversité des marques du secteur «classique» dont le distributeur de disques assure la représentation en France.


Non moins éclectique dans ses préférences, Stephen Hough peut ainsi échafauder de copieux récitals au programme à la fois original et cohérent, comme celui qu’il a élaboré autour de Vienne et de l’Espagne, qu’il présente plus d’une vingtaine de fois dans le monde entier au cours de la saison 2004-2005. Son une unique étape parisienne prenait place au Trianon, un ancien cinéma au charme hésitant entre désuétude et vétusté, mais dont l’acoustique se révèle excellente. Dommage, dans ces conditions, que le public n’ait pas pleinement répondu présent, tant au virtuose, vedette du catalogue de l’éditeur Hyperion, qu’à l’invitation au voyage musical qu’il suggérait.


Vienne en première partie, avec pour commencer la Sonate (1908) de Berg, dont il exacerbe le romantisme, suggérant un rapprochement relativement inattendu avec l’univers d’un Scriabine, voire d’un Prokofiev. Bien qu’il ait déjà enregistré trois d’entre elles, on attend moins le pianiste britannique dans les sonates de Schubert. La Dix-huitième (1826), dite Fantaisie, notamment son Molto moderato et cantabile initial, illustre, peut-être plus que toute autre, la façon dont le compositeur, aux antipodes de la progression beethovénienne du discours, révolutionne la relation avec le temps. Curieusement, Hough, entre prudence et embarras, semble esquiver la difficulté en adoptant des tempi très allants et en omettant la reprise du premier mouvement. Privée de cette ampleur et de cette dimension poétique, l’œuvre prend une tournure inattendue et, pour tout dire, décevante: prosaïque, sentimentale, aimable, charmante, divertissante, anodine, anecdotique, les intentions trop appuyées l’emportant trop souvent sur la simplicité.


Plus conforme au goût du pianiste britannique pour la petite forme, les pièces brillantes et les virtuoses-compositeurs, la seconde partie tournait autour d’un quart de siècle (1886-1910) d’espagnolades, tant, au-delà même des compositeurs natifs d’Espagne, la fascination qu’elle a exercée, notamment en France, a trouvé son apogée à cette époque, depuis la carte postale pittoresque et sans prétention jusqu’aux affinités les plus étroites avec l’âme ibérique.


Cela étant, venant juste après Schubert, les Valses poétiques (1894) de Granados adressaient à nouveau un clin d’œil viennois, dans l’esprit des Valses nobles et sentimentales de Ravel, également au nombre de sept. Manifestement dans son élément, Hough obtient ici de son Steinway des sonorités bien plus travaillées et somptueuses, même s’il se fait parfois encore un peu raide et dur. Ces réserves tombent dans deux extraits d’Iberia d’Albéniz – Evocation, première pièce du Premier cahier (1905), et Triana, troisième et dernière pièce du Deuxième cahier (1906) – tant son jeu combine idéalement couleur et subtilité.


Debussy ensuite, lui aussi auteur d’un Iberia (pour orchestre), qu’il cite d’ailleurs dans sa propre Sérénade interrompue, neuvième des Préludes du Premier livre (1910) – le Second livre renferme quant à lui la non moins fameuse Puerta del vino – que Hough fait suivre de La Soirée dans Grenade, deuxième des Estampes (1903). Un Debussy félin et hédoniste, souverainement réalisé et tout sauf délavé, qui ouvre fort logiquement, après la sérénade et la nuit, sur Ravel et sur une aubade, l’Alborada del gracioso, quatrième pièce des Miroirs (1905): mais à l’impossible nul n’est tenu, la précipitation adoptée par le pianiste nuisant à la lisibilité du texte et provoquant quelques dérapages.


Moelleux à souhait, le Tango, deuxième pièce de la suite Espana (1890) d’Albéniz, dans son arrangement par Leopold Godowsky, apporte un répit avant le Caprice espagnol (1886) de Moritz Moszkowski: Stephen Hough ne pouvait conclure de manière plus spectaculaire et typique de ses choix, lui qui est aujourd’hui l’un des rares à pouvoir se mesurer aussi bien techniquement que stylistiquement avec les grands de la première moitié du siècle passé – Ignaz Friedman, Josef Hofmann, Mischa Levitzki – dans ce redoutable feu d’artifice dont ils avaient fait l’un de leurs chevaux de bataille.


Ne manifestant aucun signe de fatigue ni même de transpiration, il donne quatre bis, dont son propre Osmanthus romp, sorte de ragtime déjanté qui rappelle à notre attention que, comme ses glorieux prédécesseurs, il est également compositeur et arrangeur, avant de prendre congé du public avec deux extraits de recueils de Federico Mompou – Jeunes filles au jardin, dernière des Scènes d’enfants (1918), et Le Secret, avant-dernière des Impressions intimes. Plaintes (1914) – cet ultime prolongement de la thématique de la soirée offrant ainsi l’une des bien trop rares occasions d’entendre en concert la musique du compositeur catalan.


Le site du Festival Abeille musique


Le site de Stephen Hough



Simon Corley

 

 

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