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Le refus de la mort

Paris
Cité de la musique
10/22/2004 -  et 23*, 24 octobre
Viktor Ullmann : Der Kaiser von Atlantis oder die Tod-Verweigerung

Christophe Gay (L’Empereur Overall), Till Fechner (Le haut-parleur, La mort), Valérie Debize (La jeune fille), Sim Mo Kang (Arlequin, Le soldat), Allison Cook (Le tambour)
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Olivier Dejours (direction)
Charles Tordjman (mise en scène), Vincent Tordjman (décor et costumes), Christian Pinaud (lumières)


Le deuxième des quatre cycles de concerts organisés par la Cité de la musique en parallèle à l’exposition «Le Troisième Reich et la musique» était consacré à Terezin (Theresienstadt), ce camp situé en République tchèque et présenté par les nazis comme une sorte de «ghetto modèle». S’il y régnait effectivement une intense activité intellectuelle et culturelle, avec entre autres Karel Ancerl (l’un des rares à y survivre), Gideon Klein ou Hans Krasa, il ne s’en agissait pas moins d’une antichambre d’Auschwitz. C’est d’ailleurs là que fut assassiné le compositeur autrichien Viktor Ullmann (1898-1944), après avoir passé un peu plus de deux ans à Terezin, où naquit L’Empereur de l’Atlantide ou le Refus de la mort (1943), opéra en un acte et quatre tableaux.


Jugé subversif par les autorités du camp, il ne fut finalement créé qu’en 1975, dans une adaptation, mais depuis qu’il a été donné dans sa version originale (1989), il a rejoint les œuvres de ces créateurs «dégénérés» qui ont pris une revanche sur l’histoire en entrant durablement au répertoire. La mort se révolte, refusant de remplir son office jusqu’à ce que l’Empereur s’y soumette lui-même en premier, afin de libérer le monde de la maladie et de la souffrance: le livret, dû à Peter Kien, un autre déporté, expose une fable à la fois poétique et efficace, aux terribles résonances compte tenu du contexte qui l’entoure, mais qui, en même temps, se veut porteuse de protestation, d’espoir et de vie.


Structurée en récitatifs, airs et ensembles, la partition évoque non seulement Weill, par son style de déclamation et son instrumentation (comprenant notamment saxophone alto, guitare, banjo), mais aussi, par son petit effectif, son sens lyrique et ses petites dimensions (soixante-cinq minutes), les nombreux opéras de chambre de Martinu. Ullmann se révèle ainsi remarquablement à l’aise dans tous les registres, depuis l’ironie la plus noire jusqu’aux épanchements les plus chaleureux, citant l’hymne allemand (Dieu protège l’Empereur) de Haydn et se concluant sur un choral de Bach énoncé dans un environnement très jazzy.


La Cité de la musique offre à trois reprises une coproduction venue de Nancy (Opéra et Théâtre de la Manufacture), qui y a déjà été présentée en juin dernier. Presque méconnaissable, les côtés du premier balcon ayant été condamnés, la grande salle accueille un plateau qui permet aux quinze musiciens de loger dans une fosse découverte par un vaste ovale central autour duquel évoluent les personnages, dans une mise en scène de Charles Tordjman, dépouillée sans être austère. Avec son décor unique, clair et sobre, Vincent Tordjman met d’autant plus en valeur ses propres costumes, simples mais suggestifs, ainsi que les lumières de Christian Pinaud, qui tiennent une place essentielle dans le tableau final. Plutôt que de s’en tenir à une époque précise, l’ensemble du spectacle insiste ainsi sur la portée universelle du propos.


Les sept rôles sont confiés à cinq chanteurs, au premier rang desquels Christophe Gay (L’Empereur), bouleversant dans son air final, et Till Fechner, alternativement le haut-parleur et la mort, aussi excellent chanteur que diseur. Olivier Dejours, qui a travaillé sur le manuscrit d’Ullmann, dirige avec conviction le remarquable Orchestre symphonique et lyrique de Nancy.



Simon Corley

 

 

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