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Le Couronnement musical de Monteverdi

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/13/2004 -  et les15, 17, 19*, 21 et 23 octobre 2004.
Claudio Monteverdi : L’Incoronazione di Poppea
Patrizia Ciofi (Poppea/Fortuna), Anne-Sofie Von Otter (Ottavia/Virtu), Amel Brahim-Djelloul (Valletto/Amore), Lawrence Zazzo (Ottone), Anna Caterina Antonacci (Nerone), Tom Allen (Arnalta/Mercurio), Dominique Visse (Nutrice/Famigliaro I), Antonio Abete (Seneca), Mariana Ortiz-Frances (Damigella/Pallade), Carla di Censo (Drusilla), Enrico Facini (Liberto, Soldato II, Tribuno I), Finnur Bjarnason (Lucano, Soldato I, Console, Famigliaro II), René Linnenbank (Littore, Famigliaro III, Tribuno II)
Robert Jones (décors), Jenny Tiramani (costumes), Paule Constable (lumières), Andrew George (chorégraphie), David McVicar (mise en scène)
Concerto Vocale
René Jacobs (direction et réalisation musicale)

Après une Agrippina de Haendel décalée, David McVicar et René Jacobs continuent d’explorer l’histoire de la Rome antique et les débordements de l’un des plus célèbres empereurs avec le chef d’oeuvre de Monterverdi, L’Incoronazione di Poppea. Une fois n’est pas coutume, l’action est transposée dans un monde contemporain où se côtoient téléphone portable et allégorie et tout cela tente de faire bon ménage tandis que les musiciens apportent un luxe exemplaire à la partition.



En assistant à cette nouvelle production on pourrait se demander si David McVicar n’a pas eu envie de mélanger les deux styles esthétiques de ses mises en scène, à la fois la beauté épurée montrée dans Semele et le côté contemporain de son Agrippina. Le prologue est vraiment magnifique puisque la Vertu et la Fortune apparaissent sur scène dans des costumes très recherchés, Patrizia Ciofi avec une sorte de robe dorée et Anne-Sofie Von Otter avec une robe noire richement parée. Dommage que la gestuelle des mains soit si ridicule et brise quelque peu la magie de la scène! Mais après cette splendide scène, les choses se gâtent car Ottone arrive en costume de ville, un sac de voyage sur l’épaule et une petite valise et il semble tout droit sorti des tours de la Défense! Pourquoi replonger le spectateur dans son quotidien après l’avoir fait rêver dans une si belle introduction? Le metteur en scène semble prendre le livret de Busenello au pied de la lettre car comme Ottone dit qu’il revient, il en conclut qu’il revient de voyage et qu’il descendrait presque de son avion. Pourquoi pas, mais ne serait-ce pas dénaturer quelque peu le texte? David McVicar ne manque pas d’idées, c’est indéniable mais peut-être que certaines n’ont pas vraiment de place sur une scène d’opéra. Le rôle de Seneca est assez bien fouillé puisqu’il le présente comme le philosophe qu’il est, mais aussi comme un écrivain qui vient faire la promotion de son livre au début de l’acte II. Jusque-là l’idée aurait pu être intéressante mais la mort de Sénèque est vraiment ridicule car il ne quitte pas son pistolet et une caméra (sur scène avec écran) le montre en train de suicider (merci de respecter Tacite au passage…) et on le voit étendu, mort d’une balle dans la tempe. Quelques idées saugrenues apparaissent ça et là comme le début du troisième acte qui montre les dernières nouvelles de CNN et il n’y est même pas question de la répudiation d’Ottavia!!


Heureusement la distribution est littéralement exceptionnelle et si les avis risquent d’être partagés sur la mise en scène, ils ne risquent pas de l’être sur les merveilleux chanteurs qui défendent corps et âme cette partition. Patrizia Ciofi se frotte de plus en plus à Monteverdi et bien lui en prend. Après une Euridice de toute beauté en compagnie d’Emmanuelle HaÏm au disque, elle aborde aujourd’hui Poppea et sa voix toujours un peu voilée, mais c’est ce qui en fait le charme, s’accorde très bien avec l’écriture monteverdienne avec des retards, des soupirs, etc… Elle campe une Poppea assez déterminée dans son ascension au pouvoir mais elle garde constamment à l’esprit qu’elle aime Néron comme dans les passages langoureux, par exemple le premier duo amoureux avec Nerone.
Anna-Caterina Antonacci, hier Agrippina haendelienne demain Poppea monteverdienne, est complètement surprenante en Nerone et si sa voix est plus claire que celle de Patrizia Ciofi, elle rend justice au personnage et est parfaitement crédible. David McVicar avait présenté, dans Agrippina, un Nerone gamin, assez déluré et de mauvais genre, et apparemment son arrivée au trône ne l’a guère fait évoluer et il est toujours aussi mal accompagné. La chanteuse se prête admirablement au jeu mais c’est surtout sa voix chaude et puissante qu’il convient de louer. Le deuxième duo d’amour avec Poppea est superbe et on les sent prêtes à défaillir à chaque note tellement leur interprétation est intense que ce soit à travers les multiples respirations excessives mais dramatiques ou bien les pianissimi nombreux.
Lawrence Zazzo reprend le rôle d’Ottone mais avec quelques années de plus car s’il se mariait avec Poppea à la fin d’Agrippina, leur idylle semble bien terminée dans l’oeuvre de l’Italien. Mais heureusement, passant de Haendel à Monteverdi, le chanteur n’a rien perdu dans la beauté et la pureté de sa voix, qui parfois fait un peu penser à Andreas Scholl. Il est toujours aussi émouvant dans les notes très douces qu’il exécute sur un fil de voix notamment dans son premier air ou quand il essaie de convaincre Poppea qu’il l’aime encore à la fin de l’acte I.
Anne-Sofie Von Otter aura beaucoup chanté L’Incoronazione di Poppea et si elle avait été un Nerone passionnant à Aix voilà quelques années sous la direction de Marc Minkowski, elle est une Ottavia encore plus convaincante. Elle se montre souveraine jusqu’au bout des ongles, aidée en cela par des costumes magnifiques, que ce soit sa robe noire au premier acte ou bien son tailleur bleu ensuite. Elle laisse éclater sa voix et fait découvrir une puissance qu’on lui a souvent reproché d’être un peu inexistante. Mais ici aucun problème et elle hurle, crie son désespoir notamment dans les “dove sei” de sa première scène ou bien dans le passage où elle oblige Ottone à tuer Poppea. Du très grand art!
Antonio Abete est étonnant dans le rôle de Seneca. Il trouve de magnifiques couleurs et la scène de sa renonciation à la vie est d’une grande émotion.
Dominique Visse, comme toujours, est irrésistible en Nutrice. Il est complètement déguisé en dame de compagnie d’Ottavia, très riche (bijoux, tailleur…) et tous ses gestes fins contribuent à rendre son personnage vivant et drôle. Que dire de sa prestation vocale, si ce n’est que comme toujours il joue sur les différents registres de sa voix, allant du suraigu au grave avec une agilité confondante. S’il ne fallait retenir qu’un seul passage ce serait le trio du début du deuxième acte quand il se trouve avec les autres amis de Seneca: il retrouve ici sa grande agilité de chambriste quand il est avec son ensemble et ses premières notes sont d’une intensité rare et d’une immense douceur.
Tom Allen se charge du rôle d’Arnalta qui n’est guère épargnée par le metteur en scène. Apparemment elle apprécie le rose puisqu’elle se présente chez Poppea avec une sorte de blouse rose et des chaussons très fournis en poils de la même couleur puis dans sa dernière scène elle porte une robe de soirée rutilante de pierreries également d’un rose plus que douteux. Vocalement le chanteur est assez honnête pour le rôle mais la voix est peut-être un petit peu trop lourde pour ce type de répertoire et sa berceuse n’a pas assez de douceur, même si le chanteur est conscient du problème et essaie manifestement de l’alléger.
Amel Brahim-Djelloul fait grande sensation dans ses débuts parisiens et elle obtient une ovation plus que méritée. Cette toute jeune chanteuse se fait de plus en plus remarquer dans le monde baroque et sa tournée en tant que chanteuse du Jardin des voix avec William Christie devrait contribuer à mieux la découvrir. Elle possède un instrument solide, une voix bien placée et timbrée agréablement et surtout elle sait s’investir dans un rôle, voire dans deux puisqu’ici elle interprète le personnage horripilant du Valletto et celui beaucoup plus charmant de l’Amour (sorte de double noir de l’Amour de Semele.
Les rôles plus secondaires sont également très bien tenus à commencer par la Drusilla de Carla di Censo qui apporte une voix très fraîche au personnage.


René Jacobs fait merveille dans le répertoire monteverdien. Son orchestre sonne magnifiquement, la réorchestration est subtile, musicale et on reconnaît immédiatement la touche du compositeur qui se cache derrière le chef. Il donne un souffle important à l’ensemble qui permet de présenter cette oeuvre dans une version plus longue qu’à l’ordinaire, puisque, par exemple, le rôle d’Ottone a été largement développé.



Un bien bel hommage musical à une oeuvre qui sera très défendue car on ne compte plus les productions, reprises ou nouvelles, qui naissent cette saison. René Jacobs et sa fine équipe de chanteurs ont rendu une grande noblesse à la partition de Monteverdi et si la mise en scène peut choquer, énerver, attrister parfois aussi, il ne faut pas oublier d’écouter cette superbe interprétation qui risque de faire date, du moins on le leur souhaite!




A noter:
- cette production sera reprise du 30 avril au 29 mai 2005 à l’opéra national du Rhin (Strasbourg, Mulhouse et Colmar) avec dans les rôles principaux Miah Persson en Poppea, Jeremy Ovenden en Nerone, Sonia Prina en Ottone, Andrea Concetti en Seneca, Jean-Paul Fouchécourt en Arnalta,… tous placés sous la direction de Rinaldo Alessandrini.
- une autre Poppea sera à l’affiche du Palais Garnier en janvier-février 2005 qui permettra de réentendre Anna-Caterina Antonacci en Poppea, Dominique Visse en Nutrice et en Arnalta…
- Anne-Sofie Von Otter vient de sortir deux nouveaux disques, Xersès de Haendel présenté la saison dernière au TCE avec William Christie (Virgin) et un récital Music for a whileI consacré à des airs baroques (Archiv)


Manon Ardouin

 

 

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