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De l’énergie à revendre Paris Salle Cortot 10/14/2004 - Johann Sebastian Bach : Prélude et fugue en si mineur extrait du Second livre du Clavier bien tempéré, BWV 893
Ludwig van Beethoven : Fantaisie, opus 77 – Sonate n° 18, opus 31 n° 3 «La Caille»
Serge Rachmaninov : Sonate n° 2, opus 36
Kae Shiraki (piano)
Dans le cadre des concerts (gratuits) de midi et demi organisés par l’Ecole normale de musique, la Salle Cortot accueillait un récital de Kae Shiraki, qui a obtenu cette dans cette maison, plus précisément dans la classe du Géorgien Guigla Katsarava, le diplôme supérieur d’exécution, après un premier prix au Concours de Marsala et un deuxième prix au Concours d’Arcachon en 2003 et après avoir atteint les demi-finales au Concours de Jaen en avril dernier.
La pianiste japonaise a d’abord choisi le dernier Prélude et fugue (en si mineur) du Second livre du Clavier bien tempéré (1744) de Bach: recourant marginalement à la pédale, ce qui se traduit par une certaine sécheresse, elle délivre cependant un jeu soigneusement articulé et expressif.
Elle investit ensuite avec conviction les climats très divers de la rare Fantaisie en sol mineur (1809) de Beethoven, fragmentée et erratique, mais qui ne s’en inscrit pas moins dans l’héritage baroque (Bach et ses fils) et classique (Mozart). Nettement plus connue, la Dix-huitième sonate «La Caille» (1802), malgré son sous-titre (apocryphe), ne sera nullement décorative, sortant même des sentiers battus. Dramatique, aux tempi vifs et changeants, violente, appuyée et percussive, cette approche rend justice à l’inlassable énergie beethovénienne, mais parfois poussée jusqu’à la dureté et à la brutalité, elle tend à être trop raide et heurtée. Le Menuetto, en revanche, tient presque lieu de mouvement lent, réservant un répit lyrique particulièrement bienvenu par son allure très modérée, qui constitue un véritable défi dans le Trio, frappant par l’attention portée aux timbres.
Donnée ici dans sa version abrégée et révisée en 1931, la Seconde sonate (1913) de Rachmaninov demeure une gageure pour l’interprète, qui en a cependant manifestement fait l’un de ses chevaux de bataille. Il est vrai que son tempérament, plus difficile à canaliser dans Beethoven, trouve ici à s’exprimer dans des visions cataclysmiques et hallucinées, alternant démonstrations de puissance et remarquable capacité à varier le toucher. Par contrecoup, les passages plus calmes ménagés par la partition, s’ils ne pèchent pas par excès de sentimentalisme, paraissent quelque peu en retrait.
Simon Corley
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