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Une superbe Grande-Duchesse!

Paris
Théâtre du Châtelet
10/05/2004 -  et les 7, 9, 12, 15, 17, 19, 20 octobre et les 9, 11, 14, 16, 19, 23, 26, 28, 31 décembre 2004 et le 2 janvier 2005
Jacques Offenbach : La Grande-Duchesse de Gérolstein
Felicity Lott (La Grande-Duchesse), Yann Beuron (Fritz), François Le Roux (Le Général Boum), Franck Leguérinel (Baron Puck), Eric Huchet (Le Prince Paul), Sandrine Piau (Wanda), Boris Grappe (Grog), Alain Gabriel (Népomuc), Maryline Fallot, Blandine Staskiewicz, Aurélia Legay, Jennifer Tani (demoiselles d’honneur), Christophe Grapperon (le notaire)
Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre, Marc Minkowski (direction)
Laurent Pelly (costumes et mise en scène), Chantal Thomas (décors), Laura Scozzi (chorégraphie), Agathe Mélinand (dramaturgie), Joël Adam (lumières)


Et de quatre!! Pour leur quatrième collaboration, Marc Minkowski et Laurent Pelly ont encore fait preuve d’intelligence et d’inventivité pour présenter un spectacle drôle, touchant, ironique... Les chanteurs sont à la hauteur des exigences des deux hommes car ils se fondent scéniquement et musicalement à merveille dans ce projet et ils défendent avec une conviction remarquable une superbe partition qui reprend ici toutes ses lettres de noblesse.


Laurent Pelly a voulu respecter cette fois l’époque puisque les chanteurs et danseurs portent des costumes traditionnels et non pas des costumes intemporels comme il les aime en général. Felicity Lott a de magnifiques toilettes car au premier acte elle arrive avec une veste rouge et un immense manteau de fourrure, au deuxième acte elle a une robe noire du soir mais également une veste militaire (ah oui, elle aime les militaires…) et au dernier acte un superbe manteau bordeaux. Le Général Boum a un costume noir habituel de militaire tandis que le pauvre Prince Paul n’est pas arrangé par son costume à rayures et sa petite couronne sur sa perruque jaune. L’oeuvre s’ouvre sur un camp de bataille davantage suggéré que dessiné puisque à part deux tranchées qui servent à des jeux scéniques intéressants, la scène est assez nue. Le second acte se déroule dans le palais de la grande-duchesse et l’ensemble est somptueux, certes, mais avec une certaine discrétion et est surtout bien loin de la richesse parfois un peu vulgaire de certaines productions qui se veulent plus dans le genre opérette. Des lustres pendent, qui ressemblent beaucoup à ceux de la mise en scène de Platée ça-et-là,, mais Chantal Thomas a fortement axé ses décors sur les escaliers. Ainsi le trône de la grande-duchesse est au sommet d’un escalier en colimaçon, plusieurs escaliers délimitent la salle de bal du palais et Felicity Lott joue beaucoup avec les marches, s’y allongeant parfois avec langueur. Il ne faut pas oublier bien sûr le paillasson sur lequel tous les personnages s’essuient consciencieusement les pieds. Enfin le dernier acte se passe dans la fameuse chambre de la grand-mère de l’héroïne et c’est très drôle car il y a un tableau qui sert de cachette, actionné avec grand bruit.La chorégraphie de Laura Scozzi est toujours très présente et contribue à donner une vie à l’ensemble. C’est peut-être encore plus perceptible que dans les autres productions de Laurent Pelly car il est très rare qu’un personnage reste quelques secondes à regarder l’autre chanter. Agathe Mélinand s’est occupée, comme d’habitude, de la réécriture du texte mais il y a beaucoup moins d’anachronismes que dans les oeuvres mythologiques et cela se comprend: un fax arrive toutefois auprès de la grande-duchesse et l’aide de camp est bien embêté avec ce “truc”.


Felicity Lott est absolument parfaite dans la Grande Duchesse, elle est d’une élégance toute aristocratique et apporte une classe exemplaire au personnage. Elle campe une femme éprise de tous les beaux hommes qui tournent autour d’elle, sauf du pauvre Prince Paul qu’elle finit par épouser mais avec un tel dédain, que ce soit Fritz ou bien Grog. Felicity Lott n’a pas oublié qu’elle fut une géniale Hélène il y a peu car on retrouve dans sa voix certains accents de la Reine notamment quand elle admire les militaires et qu’elle remarque Yann Beuron (son ancien Pâris), le beau militaire faisant écho au beau berger. La voix est malheureusement un peu plus problématique et parfois la tessiture est trop basse pour elle notamment dans “je le lui dirai” dans le duo avec Fritz. En revanche elle se sort admirablement des “ah” que j’aime les militaires qui est véritablement une scène d’anthologie car elle en fait une sorte de cri d’exaltation. La chanteuse, et comédienne, porte une attention particulière aux mots que ce soit dans les dialogues ou bien dans la musique: le final de l’acte I en est un des meilleurs exemples car elle “a ses nerfs” et elle le dit avec des notes presque criées car elle est à bout de résistance dans la mesure où elle a découvert que Fritz était amoureux de Wanda ou bien avec des convulsions dans la voix. Une bien belle grande-duchesse!!


Yann Beuron met de nouveau l’élégance de sa voix au service de ce nouveau rôle d’Offenbach qui lui va comme un gant. L’écriture est assez différente Orphée et de Pâris (l’absence d’airs très doux où il excelle) mais il apporte un enthousiasme et une énergie incomparables pour les passages rapides. Il transmet une émotion à chaque mot en s’appuyant sur son excellente diction notamment dans le duo du deuxième acte avec la Grande Duchesse “je ne comprends, rien, rien” où il grogne presque les “rien”. Il dessine un Fritz très niais, assez simple d’esprit et surtout très naïf ce qui le rend encore plus touchant. La scène avec Wanda quand il est obligé par Boum de rester planter à monter la garde est très drôle.


François Le Roux était déjà un Calchas remarquable mais il trouve dans le rôle du général Boum encore plus d’inspiration. Son air initial est drôle, déjà en soi, mais surtout dans son interprétation car il varie les couleurs de sa voix pour les différents pif, paf, pouf, tout ceci étant agrémenté par une chorégraphie qui vise à le ridiculiser encore plus tout en lui laissant un peu de bravoure.


Franck Leguérinel que l’on ne voit malheureusement pas assez sur les scènes parisiennes fait merveille dans le rôle du Baron Puck. Il est affublé d’une perruque qui le rend à moitié chauve (et méconnaissable) et il porte un longue robe marron. Ce rôle lui convient parfaitement et il semble prendre un immense plaisir à l’interpréter car il ne ménage aucun de ses efforts pour montrer son bonheur à tuer des gens d’où sa déception quand la grande-duchesse renonce à tuer Fritz ou bien à comploter avec Boum et Paul. La voix est toujours aussi chaude, velouté et expressive et sa diction excellente lui permet d’apporter encore plus de nuances et de couleurs à son interprétation. Eric Huchet joue avec art le prétendant transi d’amour pour le grande-duchesse. Absolument il essaie de la séduire ou du moins d’attirer son attention dans l’air où il lui dit qu’on parle de lui dans la gazette de Hollande. Il forme avec François le Roux et Franck Leguérinel un trio irrésistible. Sandrine Piau est charmante en Wanda mais un peu effacée face à tous ces géants de la scène. Elle est une épouse bien campagnarde de Fritz, absolument pas sensible aux honneurs de son futur mari. Malheureusement elle n’est pas très audible et surtout on ne comprend guère ce qu’elle chante. Dommage… Le Baron Grog, en la personne de Boris Grappe, est absolument criant
de vérité dans son rôle d’ambassadeur. Vêtu d’un costume noir qui lui donne l’air d’un corbeau ou au moins d’un oiseau de mauvais augure, il ne quitte pas son air sérieux et distancié pour résister aux avances plus qu’évidentes de la grande-duchesse. La voix suit parfaitement le jeu scénique et ce personnage semble être à peu près le seul censé.
Le quatuor des quatre demoiselles d’honneur est également remarquable autant scéniquement car elles se fondent dans une chorégraphie parfois exigeante que vocalement même si la voix plus que prometteuse de Blandine Staskiewicz se détache nettement.


Que ce soit dans Haendel, Mozart, Beethoven ou Offenbach, Marc Minkowski trouve toujours le ton juste et même s’il faut garder à l’esprit que toute interprétation est en soi le fruit d’un travail et d’une réflexion et qu’elle demande une attention, on se demande parfois si Marc Minkowski n’a pas trouvé L’interprétation tant tout est logique, pensé et semble couler de source. Mais si ses premiers Offenbach étaient excellents, il semble qu’il a trouvé dans cette partition encore plus de bonheur à la défendre car tout est joué sur le mode ironique mais avec une immense subtilité. Il s’appuie beaucoup sur son pupitre de cordes et ses musiciens donnent des pizzicati superbes et expressifs que ce soit dans le début de “dites-lui qu’on l’a remarqué” ou bien avant “voici le sabre”. Marc Minkowski ne dirige pas non plus deux passages identiques de la même manière, ce qui lui permet de faire du théâtre déjà avec sa musique: ainsi dans la valse du carillon de la grand-mère de la grande-duchesse, il joue normalement et dans un tempo adéquat la première fois mais pour la reprise il apporte une certaine langueur absolument irrésistible et le spectateur comprend alors que la situation a évolué entre les personnages et qu’elle est beaucoup plus tendue. De manière générale, les Musiciens du Louvre apporte une énergie qui n’est pas forcément synonyme de vitesse mais si effectivement les tempi sont toujours rapides, ils sont toujours contrôlés et en rapport avec l’intrigue.


Encore une bien belle réussite pour le duo Pelly-Minkowski mais auquel on se doit d’ajouter quelques chanteurs qui ont l’habitude de travailler avec eux et ensemble et le résultat n’en est que plus remarquable. Un nouveau spectacle qu’il faudra aller voir et revoir car une seule représentation ne suffit pas, loin s’en faut, pour percevoir, ressentir, comprendre et apprécier les mille et un détails qui fourmillent autant dans la mise en scène que dans la direction et que dans l’interprétation vocale. Jacques Offenbach a encore de beaux jours devant lui!



A noter: un enregistrement discographique ainsi qu’un DVD sont prévus.



Manon Ardouin

 

 

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