Back
Quatuor gagnant Geneva Grand Théâtre 09/20/2004 - et les 23, 25, 28 septembre, 1er, 3 et 6 octobre 2004
Giuseppe Verdi :Otello
Vladimir Galouzine (Otello), Serena Farnocchia (Desdemona), Marzio Giossi (Iago), Mirko Guadagnini (Cassio), Sophie Pondjiclis (Emilia), Lyonel Grélaz (Roderigo), Eric Owens (Lodovico), Slobodan Stankovic (Montano), Dimitri Tikhonov (un hérault)
Chœurs du Grand Théâtre de Genève (Ching-Lien Wu, préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Pinchas Steinberg (direction musicale), Willy Decker (mise en scène, reprise par Stephen Taylor)
Le Grand Théâtre de Genève a eu la main particulièrement heureuse en réunissant les trois chanteurs principaux de cette production d’Otello, pour l’ouverture de la saison 2004-2005. Pas de stars, mais des interprètes qui ont su habilement compenser un certain manque de charisme par leur potentiel vocal et par leur identification à leurs rôles respectifs. De surcroît, la direction a eu le flair de les confier à la baguette experte de Pinchas Steinberg, spécialiste de Verdi. Un quatuor gagnant pour une belle soirée d’inauguration.
A tout seigneur tout honneur: Vladimir Galouzine promène son Otello depuis plusieurs années maintenant sur les plus grandes scènes internationales, avec, il faut bien le reconnaître, des fortunes diverses. A Genève, le soir de la première, il était dans une forme éblouissante. Même si son style n’est pas des plus raffinés, le ténor lance des aigus rugissants et affiche une puissance vocale proprement stupéfiante. On le sent aussi concerné par son personnage, dont il esquisse l'évolution tout au long de l’ouvrage, à commencer par sa défaillance à la joie de retrouver son épouse. Espérons qu’à ce rythme-là, il viendra à bout des sept représentations prévues, ce qui constituera un véritable exploit, tant il se donne sur scène, comme on dit familièrement.
A l’opposé du rôle-titre, Marzio Giossi campe un Iago intériorisé, presque discret serait-on tenté de dire, ne cessant de raser les murs, mais d’autant plus cynique et manipulateur. Si la voix n’est pas de celles qui emballent dès la première note, la conduite de la ligne vocale et la diction sont exemplaires. Néanmoins, la révélation de la soirée aura été la Desdémone de Serena Farnocchia. Voix ample et intense, au timbre chaleureux, la chanteuse italienne livre le portrait d’une femme qui veut croire jusqu’au bout à la raison et à l’amour.
Dans la fosse, Pinchas Steinberg offre une lecture brillante et vive de la partition, où chaque contour est clairement dessiné, aussi bien dans les passages fortissimo que dans les moments plus intimistes. La rutilance sonore des scènes de foule sait faire place au jeu soyeux de chaque pupitre lorsqu’il s’agit d’accompagner les solistes, dans une large gamme de nuances et de couleurs. Enfin un Otello qui ne ressemble pas à un concours de décibels!
La mise en scène de Willy Decker, montée pour la première fois à Bruxelles en 1997, est reprise ici par Stephen Taylor. Sans briller par son originalité, elle est néanmoins professionnelle et efficace. Le drame est confiné dans un espace presque entièrement fermé et fortement incliné. Les personnages butent sans cesse contre les parois, soulignant de manière particulièrement expressive qu’aucune issue n’est possible et que tout est déjà joué d’avance. Une immense croix blanche est utilisée en permanence pour rappeler les nombreuses allusions à Dieu et au Ciel dans le texte de Boito. A relever aussi les très beaux costumes de John Macfarlane.
Claudio Poloni
|