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Humble crépuscule Montreal Salle Wilfrid-Pelletier 09/21/2004 -
Pages orchestrales et airs d’opéras de Vivaldi, Handel, Mozart, Bizet, Korngold, Granados, Cilea et Puccini
Kiri Te Kanawa (soprano)
Orchestre symphonique de Montréal
Rafael Fruhbeck de Burgos (direction)
Dans la foulée de négociations apparemment ardues concernant le renouvellement de la convention collective de ses musiciens, et faisant suite à une prestation pour le moins controversée du violoncelliste Yo-Yo Ma l’an dernier, c’est à nulle autre que Kiri Te Kanawa que l’OSM faisait appel pour le lancement de sa saison 2004-2005. La célèbre chanteuse avait choisi une collection variée d’airs plutôt exigeants, dont certains extraits des rôles qu’elle aura marqués de manière indélébile à la scène. Peu à dire sur la voix en elle-même, sinon que nos présomptions furent vite oubliées, et que l’instrument demeure remarquablement contrôlé et ductile pour celui d’une jeune sexagénaire. Le timbre n’a plus tout à fait son opulence d’antan, les problèmes de projection demeurent récurrents (Wilfrid-Pelletier paraît à nouveau bien caverneuse), les limites actuelles sur le plan de la puissance apparaissent plus clairement chez Puccini (Liu) ou Korngold (Marietta)…mais l’essentiel éblouit. Phrasé aristocratique, souffle finement modelé, ample, souple, pureté de la ligne vocale, on traverse ces quelques soixante-dix minutes de musique émus et fiers d’être témoin du doux et combien serein crépuscule d’un des plus beaux astres à avoir brillé au firmament lyrique du dernier demi-siècle. On attendait pas nécessairement Te Kanawa chez Handel (encore moins chez Vivaldi), on l’y découvre pourtant vive et très juste stylistiquement, propension apte à la fioriture de bon goût n’excluant pas legato et concentration du timbre souverains dans Care selve ou Bel piacere. Il faudra retenir les deux airs de la Comtesse Almaviva comme de véritables pierres de touche qui, à défaut d’avoir tiré les larmes, ont révélé une des plus grandes interprètes du rôle semblant jeter un regard tendre et détaché à une héroïne avec qui elle a vécu pendant plusieurs années. Au final, on est surtout touché par la générosité, le don de soi et l’abandon dont fait montre Dame Kiri. Plus rien à prouver, plus personne à impressionner, «plus de chimères», a-t-on envie d’insister : seul existe l’absolu bonheur de chanter. Merci, Madame.
Renaud Loranger
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