Back
Romantisme à La Chaise-Dieu Chaise-Dieu Abbatiale 08/23/2004 - Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 2, opus 21
Antonin Dvorak : Symphonie n° 9 «Du nouveau monde», opus 95, B. 178
Philippe Giusiano (piano)
Orchestre symphonique national de la Radio polonaise de Katowice, Gabriel Chmura (direction)
Du 18 août au 5 septembre, le trente-huitième Festival de La Chaise-Dieu propose trente-cinq concerts témoignant de l’élargissement, au fil des années, d’une programmation autrefois exclusivement centrée sur la musique sacrée, mais qui laisse désormais la place à la musique symphonique, avec par exemple une intégrale des concertos pour violon de Mozart, à la musique de chambre ou à des récitals. Parallèlement à cet élargissement esthétique, les manifestations s’étendent désormais bien au-delà de la célèbre abbatiale gothique édifiée aux XIVe et XVe siècles, se déroulant également cet été dans trois autres communes de Haute-Loire, à commencer par Le Puy-en-Velay, mais aussi Brioude et Chamalières-sur-Loire. Et c’est donc de «Festival de La Chaise-Dieu et du Puy-en-Velay» qu’il faut maintenant parler, contribuant à l’animation d’une région aux paysages et au patrimoine certes magnifiques mais qui demeure dans un relatif isolement.
Cela étant, il reste en grande partie fidèle à l’esprit promu par son fondateur, Georges Cziffra, c’est à dire aux grandes pièces religieuses de Purcell à Penderecki, en passant par Bach, Haendel, Vivaldi, Telemann, Rossini, Bruckner et Dvorak, tout en mettant l’accent sur deux anniversaires: Heinrich Biber et Marc-Antoine Charpentier, tous deux disparus en 1704, d’une part, ainsi que la musique écrite par Paisiello, Lesueur et Roze pour la messe du sacre de Napoléon Ier (1804), d’autre part. Autour du festival, outre les conférences et ateliers pour enfants, une académie permet à de jeunes musiciens de travailler avec des interprètes confirmés, en l’espèce, cette année, les instruments à vent autour de Maurice Bourgue.
Au cours de cette édition, le cadre somptueux de l’abbatiale accueille six concerts purement symphoniques, dont deux de l’Orchestre symphonique national de la Radio polonaise de Katowice, emmené par Gabriel Chmura, qui en est le directeur musical depuis 2001. Comme on aura pu en juger au cours du premier de ces deux programmes, le confort et l’acoustique, quoique celle-ci reste parfois lointaine et excessivement réverbérée, peuvent toutefois, s’agissant d’un édifice religieux, être considérés comme remarquables, même en présence d’une formation romantique d’environ soixante-dix musiciens.
Depuis son succès au Concours Chopin en 1995, Philippe Giusiano a confirmé sa prédilection pour le compositeur polonais (voir ici et ici). Bien loin de faire du Second concerto pour piano (1829) une grande machine de virtuosité romantique, il passe en finesse plus qu’en force, faisant preuve des qualités qu’on lui connaît (limpidité du jeu, clarté de l’articulation, délicatesse de toucher, sens du rubato) sans pourtant verser dans le maniérisme ou l’affectation. On pourra certes regretter que la fougue ne l’emporte pas plus souvent sur le contrôle ou tenir pour trop lisse ce refus d’être démonstratif – surtout face à un accompagnement énergique et coloré, bien que limité à un effectif restreint (quarante cordes) – mais la pureté de la ligne de chant du pianiste français dans le Larghetto ou dans le Nocturne en ut # mineur (1830) qu’il offrait en premier bis force l’admiration. Second bis, la première des Valses de l’opus 64 (1847), bien que moins échevelée qu’un mois plus tôt à Paris, finit de faire chavirer les spectateurs.
En seconde partie, la Neuvième symphonie «Du nouveau monde» (1893) de Dvorak aura témoigné d’un constant souci d’efficacité: à la tête de forces relativement réduites (cinquante cordes), Chmura ne cherche pas midi à quatorze heures et fournit une prestation globalement solide et de bon goût, aux effets parfois théâtraux, sans doute amplifiés par la générosité de l’acoustique, privilégiant les grandes lignes sur le détail mais mue par une chaleur et un engagement indéniables.
Comme le soliste, l’orchestre et le chef accordent deux bis, avec d’abord la Valse triste (1903) de Sibelius, où ils évitent l’écueil du pathétique pour en donner une lecture gracieuse et enlevée. Ils concluent sur un retour bienvenu dans leur patrie, dans une martiale Mazurka extraite de Halka (1858) de Stanislaw Moniuszko, un opéra qui est aux Polonais ce que La Fiancée vendue et Bank Ban sont respectivement aux Tchèques et aux Hongrois.
Le site du Festival de La Chaise-Dieu
Simon Corley
|