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Pour les jeunes et les moins jeunes

Prades
Cinéma «Le Lido» et Abbaye Saint-Michel de Cuxà
08/09/2004 -  
Cinéma «Le Lido», 18 heures
Jean Françaix : Les Vacances (+)
Erik Satie : Sports et divertissements (#)
Dimitar Tapkoff : La Grenouille présomptueuse (*)
Francis Poulenc : L’Histoire de Babar le petit éléphant (&)

Vincent Figuri (# * &) («mise en place musicale du texte littéraire», récitant et mise en espace), Andras Adorjan (# *) (flûte, piccolo), Alexeï Ogrintchouk (*) (hautbois, cor anglais), Patrick Messina (# *) (clarinette, clarinette basse), Boris Garlitsky (+) (violon), Bruno Pasquier (violon +, alto #), Philippe Muller (+ #) (violoncelle), Denis Weber (+ #), Lydia Wong (&) (piano)


Abbaye Saint-Michel de Cuxà, 21 heures
Michael Haydn : Quintette en sol majeur, P. 109, S. 184 (+)
Johannes Brahms : Quintette avec clarinette, opus 115 (*)
Antonin Dvorak : Quintette avec piano n° 2, opus 81, B. 155 (#)

Michel Lethiec (*) (clarinette), Christian Altenburger (+), Gil Sharon (+) (violon), Vladimir Mendelssohn (+), Hartmut Rohde (+) (alto), Arto Noras (+) (violoncelle), Mikhaïl Rudy (#) (piano), Quatuor Talich (#): Jan Talich, Petr Macecek (violon), Vladimir Bukac (alto), Petr Pause (violoncelle), Quatuor Michelangelo (*): Mihaela Martin, Stephan Picard (violon), Nobuko Imaï (alto), Frans Helmerson (violoncelle)


Marquant une pause dans sa programmation «européenne», le festival offrait successivement un «concert pour enfants» et une soirée où, six jours après les «grands trios» (voir ici), c’était le tour des «grands quintettes».


1. De sept à soixante-dix-sept ans


Concevoir une affiche «pour les enfants» sans Le Carnaval des animaux ni Pierre et le loup, cela mérite déjà d’être salué, même si toute ambiguïté n’était pas levée quant au statut des œuvres sélectionnées, entre celles qui, par leur propos narratif, paraissent essentiellement destinées aux plus jeunes et celles qui, au moins autant pour le plaisir des adultes, portent un regard plus ou moins distancié sur l’enfance. Toujours est-il qu’initialement prévu dans la cour du Palais de justice, ce spectacle, replié au cinéma «Le Lido» pour cause de bruine persistante, a attiré un public beaucoup plus jeune qu’à l’ordinaire mais somme toute à peu près sage une heure et quart durant.


Les Vacances (1953) consistent en six petites pièces (huit minutes) pour deux violons, violoncelle et piano: on y admire la merveilleuse aptitude de Jean Françaix, égal à lui-même dans sa verve volubile (Promenade en voiture) ou dans sa tendresse ravélienne (Faites de beaux rêves), à cerner en quelques notes ces petites vignettes qui suggèrent un été façon comtesse de Ségur. On regrette cependant que faute d’une courte présentation de ces morceaux, les spectateurs n’aient sans doute pu en goûter tout le sel.


Difficile de qualifier Sports et divertissements (1914) de «musique pour les enfants», surtout lorsqu’ils sont agrémentés des commentaires pince-sans-rire de Satie, dits par Vincent Figuri, comme il se doit, à la manière du précieux dégoûté. Mais qu’importe, d’autant que ces laconiques tableautins sont donnés ici dans un habile arrangement pour flûte, clarinette, alto, violoncelle et piano.


De récitant qui chante parfois en doublant les parties instrumentales, entre Sprechgesang et Histoire du soldat, Vincent Figuri se mue en conteur pour La Grenouille présomptueuse. Le Bulgare Dimitar Tapkoff (né en 1929) a regroupé trois brèves histoires - la première d’origine populaire, la deuxième de son invention, la troisième adaptée de la fable de La Fontaine - mettant en scène un batracien grotesque et imbu de lui-même. Décidément, depuis Platée de Rameau, la grenouille n’est pas gâtée, mais Ravel et Bartok ont heureusement rendu hommage à ses interventions nocturnes... La narration dure une douzaine de minutes, soutenue par une partition astucieuse qui fait appel à un flûtiste, à un hautboïste et à un clarinettiste, se dédoublant respectivement en piccolo, cor anglais et clarinette basse, et le principe en est le même que celui de Pierre et le loup, associant un animal ou un personnage à chaque instrument.


Sa double formation de musicien et d’acteur permet à Vincent Figuri de transformer L’Histoire de Babar le petit éléphant (1945) de Poulenc en brillant one man show, dans lequel il récite, chante, mime, joue et danse. Sa prestation est accompagnée par Lydia Wong, parfaite petite fille modèle.


2. Le cinquième élément


Les forces conjuguées d’un ensemble ad hoc et de deux quatuors étaient réunies à Saint-Michel de Cuxà pour trois quintettes très différents de tempérament mais tous originaires de cette si fertile Mitteleuropa. Changeait également, de l’un à l’autre, l’invité - alto, clarinette puis piano - qui se voyait reconnaître le privilège de se joindre au club très fermé du prestigieux quatuor à cordes.


Le programme distribué avant le début du festival laissait planer une ambiguïté sur la paternité de la première œuvre, un Quintette à deux altos en sol majeur, simplement attribué à «Haydn». S’agissait-il implicitement, en l’absence de précision sur le prénom, de Joseph? En fait, c’est de son frère cadet Michael (1737-1806) qu’il était question, fournissant ainsi une excellente occasion de mieux faire connaissance avec un compositeur très estimé de Mozart, qui travaillait avec lui à Salzbourg. La formation relativement originale retenue par M. Haydn dans ses deux quintettes (ou Notturnos) de 1773, qui n’avait guère été cultivée jusque là que par Sammartini, ne sera d’ailleurs pas sans influence sur son jeune confrère, qui se lance la même année dans la composition du premier de ses six quintettes à cordes.


Et l’on comprend sans peine ce qui a sans doute captivé Mozart - et les cinq interprètes, visiblement ravis d’être de la fête - dans ce Quintette en sol: des développements au caractère dramatique fortement marqué, des modulations hardies et un tissu polyphonique d’une densité d’autant plus remarquable qu’elle se conjugue, dans l’étourdissant Presto final, à une grande vélocité. Cela étant, il n’en a pas tout retenu, notamment le traitement soliste de certains pupitres: ainsi le rôle prépondérant du premier violon dans les mouvements extrêmes ou, dans l’Adagio affetuoso, le dialogue en écho puis en canon entre le premier violon et le premier alto.


Ensuite, Michel Lethiec, riche de sonorités et de couleurs, et le Quatuor Talich, frémissant et généreux en vibrato, adoptent, dans le Quintette avec clarinette (1891) de Brahms, une approche délibérément romantique, aux gestes amples et chaleureux, lui conférant une dimension symphonique assez impressionnante.


En seconde partie, le Quatuor Michelangelo fait à nouveau la preuve de ses immenses qualités dans le Second quintette avec piano (1887) de Dvorak. La perfection technique et la précision de la mise en place confinent même à l’hédonisme voire au narcissisme, peut-être parce qu’à l’image de Nobuko Imaï, qui s’illustre plus particulièrement tout au long de ce quintette, c’est ici - à la différence de l’homogénéité des Talich - la juxtaposition de quatre excellents solistes qui n’ont pas encore totalement perdu l’habitude de se mettre individuellement en valeur. On ne peut pourtant parler de défaut d’engagement, surtout en compagnie d’un Mikhaïl Rudy toujours aussi impétueux, voire brutal: en témoigne cette corde que l’altiste casse sur un pizzicato dans l’Andante con moto, le pianiste continuant comme si de rien n’était alors que ses partenaires se sont successivement arrêtés... Le public réagit avec enthousiasme et obtient que le Molto vivace soit bissé.



Simon Corley

 

 

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