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Messiaen et les Amériques

La Grave
Eglise de l'Assomption
07/24/2004 -  jusqu'au 1er août 2004
Gilles Tremblay : Phases, Réseaux. Charles Ives : Sonate pour piano n°2
Roger Muraro (piano)

A quelques kilomètres du col du Lautaret, face au glacier de la Meije, la Grave est un trou de montagne où l’on joue du Messiaen. Le festival qui porte son nom est né de la passion et de la ténacité de son directeur, l’économiste Gaëtan Puaud, et de sa fidèle équipe de bénévoles. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : Messiaen aimait venir à La Grave, pour y composer et y écouter le chant des oiseaux. Et le festival, il y a deux ans, a réalisé un de ses rêves : donner Et exspecto resurrectionem mortuorum en plein air, face au glacier. Mais Gaëtan Puaud se refuse à limiter sa programmation à l’œuvre de Messiaen, qui, tout en formant les musiciens de l’avenir, ne cachait pas tout ce qu’il devait à la tradition occidentale ou aux musiques extra-européennes. Le festival est ainsi consacré, pour sa septième édition, à Messiaen et les Amériques. Le programme propose aussi bien la vaste fresque qu’est Des canyons aux étoiles – un vrai challenge – que des œuvres d’élèves de Messiaen comme l’Américain Gérald Levinson (1951) ou le Canadien Gilles Tremblay (1932), ou encore de George Crumb, John Cage, Charles Ives et Villa-Lobos, très admiré du compositeur français.
Pour le premier concert donné à la Grave – Olivier Latry avait, la veille, donné le Livre du Saint Sacrement de Messiaen à l’église Saint-Louis de Grenoble - Roger Muraro, fidèle d’entre les fidèles du festival, n’a pas choisi la facilité, faisant succéder à Phases, Réseaux de Gilles Tremblay la redoutable Sonate Concord de Charles Ives, partition longue et foisonnante rendant hommage, dans ses quatre parties, à de grandes figures du transcendantalisme : Emerson, Hawthorne, Alcott et Thoreau. Œuvre étrange, parcourue par le thème initial de la Cinquième Symphonie de Beethoven – les fameux coups du destin, sur laquelle se greffent quelques notes d’alto (Emerson) ou de flûte (Thoreau), chaque mouvement étant accompagné d’un commentaire, un peu naïvement filandreux, fort bien lu par la comédienne Jeanne Colletin. L’interprétation de Roger Muraro est éblouissante, pas seulement parce qu’elle relève du tour de force virtuose, mais parce qu’elle sublime la virtuosité pour édifier une cathédrale sonore à la mesure des ambitions musicales du compositeur américain. Le jeu du pianiste ne perd jamais ses couleurs dans la puissance et ne s’affadit jamais dans la contemplation, grâce également au beau Fazioli sur lequel il joue. On sera plus réservé sur Phases, Réseaux de Gilles Tremblay : ces oppositions d’éclats furieux et d’aplats veloutés, cette sollicitation des registres extrêmes du clavier semblent assez gratuites et ressemblent beaucoup à ce que faisaient dans les années cinquante (l’œuvre date 1958 et a été créée par Yvonne Loriod) certains élèves de Messiaen qui ne s’étaient pas vraiment libérés de l’enseignement du maître et de l’influence de Webern.
On aurait pu craindre que ce programme audacieux n’attire pas un auditoire nombreux. Il n’en a rien été et cela vaut d’être souligné : le festival a son public, fidèle et attentif, préparé au concert par des conférences d’éminents musicologues comme Gérard Condé - c’est lui qui, l’après-midi, avait démêlé l’écheveau si complexe de la Sonate d’Ives - ou le jeune Lionel Couvignou, ou encore par les compositeurs eux-mêmes. Il reste à souhaiter que les pouvoirs publics, qui ont toujours tendance à préférer le confort douillet des valeurs sûres, se montrent un peu plus généreux dans leur soutien à une telle entreprise. On s’en voudrait de devoir leur rappeler que Messiaen fait, lui aussi, partie de notre patrimoine.



Le Festival Messiaen


Didier van Moere

 

 

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