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Les beaux fruits de l’orangerie Paris Orangerie du Domaine de Sceaux 07/24/2004 - Frédéric Chopin : Introduction et Polonaise brillante, opus 3 – Sonate pour violoncelle et piano, opus 65
Claude Debussy : Préludes (Second livre, extraits)
Benjamin Britten : Sonate pour violoncelle et piano, opus 65
Marie Hallynck (violoncelle), Cédric Tiberghien (piano)
Dans le cadre de sa trente-cinquième édition, le Festival de l’Orangerie de Sceaux, un des rares lieux où il se fait encore de la musique non loin de Paris en cette saison, propose, du 10 juillet au 12 septembre, vingt concerts à l’affiche particulièrement alléchante, d’Alexandre Tharaud aux Quatuors Amati, Ebène, Fauré, Kocian, Prazak, Psophos et Ysaÿe en passant par le Trio Wanderer, Abdel Rahman El Bacha, Zhu-Xiao Mei, Gérard Poulet et Itamar Golan, Jean-Claude Pennetier et Christian Ivaldi, …
Pour le cinquième de ces concerts, Marie Hallynck et Cédric Tiberghien – qui se produisent régulièrement ensemble (voir ici) et ont déjà un enregistrement à leur actif (Schumann et Grieg chez Harmonia mundi), même si le pianiste français fait par ailleurs également équipe avec Valérie Aimard au disque comme au concert (voir ici) – avaient décidé de sortir des sentiers battus. Ce n’est pas tous les jours en effet que l’on peut entendre une quasi-intégrale de l’œuvre pour violoncelle et piano de Chopin: après l’Introduction et Polonaise brillante (1830), pièce essentiellement décorative et brillante, mais magnifiée par la retenue aristocratique des deux interprètes, ce fut en effet la Sonate (1846). Plus intimiste qu’expansive, ne jouant pas sur une sonorité pourtant flattée par l’acoustique généreuse de la salle, la violoncelliste belge privilégie l’intelligence du texte et la qualité du phrasé sur la justesse et la précision.
En début de seconde partie, Cédric Tiberghien avait sélectionné cinq extraits du Second livre des Préludes (1912) de Debussy. On n’aura pas été surpris de retrouver ici les immenses qualités du récital qu’il a consacré à ce compositeur chez Harmonia mundi (voir ici): refus des trop commodes brumes «impressionnistes» noyées sous un flot de pédale (Feuilles mortes), piano éclatant et coloré, aux touchers contrastés (La Puerta del vino), jeu alerte, fantasque et élancé, sans sécheresse (Les fées sont d’exquises danseuses), raffinement et subtilité (La terrasse des audiences du clair de lune), virtuosité délibérée, parfois d’une sauvagerie qui évoque déjà Prokofiev ou Bartok (Feux d’artifice).
En un étrange parallèle, l’unique Sonate (1961) de Britten porte non seulement le même numéro d’opus (65) que celle de Chopin, mais de même que le compositeur polonais fut inspiré par la forte personnalité d’Auguste Franchomme, c’est celui qui fut en quelque sorte son équivalent au XXe siècle, l’incontournable Rostropovitch, qui commanda cette partition, laquelle devait d’ailleurs s’avérer la première d’une longue collaboration. Sans doute moins subjective que son illustre aîné russe, Marie Hallynck n’en domine pas moins avec autorité ces cinq mouvements tour à tour méditatifs et ironiques. Si Britten semble avoir soigneusement établi, presque à la manière d’études, un inventaire complet des difficultés techniques de l’instrument, les deux musiciens font toutefois en sorte que cet aspect didactique ne l’emporte jamais sur l’expression.
Comme il y a trois ans à la Cité de la musique – et peut-être aussi en écho à cette Puerta del vino, qui aurait été inspirée à Debussy par une carte postale choisie par le compositeur andalou – ils offrent en bis deux extraits de la Suite populaire espagnole (1915) de Falla, qui n’est autre que l’arrangement par Maurice Maréchal de six des Sept chansons populaires espagnoles: une noble Asturiana suivie d’une élégante Cancion.
Simon Corley
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