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La précaution inutile Paris Hôtel de Soubise 07/22/2004 - Juraj Valcuha : Quatuor
Florent Schmitt : Quatuor, opus 102
Hugo Reinhart : Quatuor
Fuminori Tanada : Mysterious morning II
Gabriel Pierné : Introduction et variations sur une ronde populaire
Claude Debussy : Petite suite (arrangement Alexandros Markeas)
Isaac Albéniz : El Puerto, extrait du premier cahier d’Iberia (arrangement Gurvan Peron)
Quatuor de saxophones Axone: Gurvan Peron (soprano), Géraud Etrillard (alto), Erwan Fagant (ténor), Martijne van Dijk (baryton)
Par crainte des intempéries, les organisateurs de ce concert donné dans le cadre du quatrième Festival européen «Jeunes talents» (lire par ailleurs ici et ici) avaient préféré renoncer à la Cour de Rohan, lieu habituel de ces manifestations, pour se replier à l’intérieur de l’Hôtel de Soubise. Le temps s’étant finalement montré plus clément que prévu, cette précaution se sera avérée inutile, mais elle aura permis de découvrir les agréments aussi bien visuels qu’acoustiques de la Chambre du prince et du Salon ovale dans lesquels le public avait été réparti tant bien que mal.
Créé en 1998 au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, le Quatuor Axone prolonge une tradition d’excellence bien française, celle du saxophone classique, qui s’est plus particulièrement illustrée dans l’association – quelque peu inattendue mais parfaitement équilibrée, à l’image d’un quatuor vocal ou même d’un quatuor à cordes – de quatre instruments de cette famille (soprano, alto, ténor et baryton). Au cours des années 1920, Marcel Mule (1901-2001), personnalité phare de cette école française, fut le premier à mettre en place une telle formation, commandant aux grands compositeurs de l’époque des œuvres fondatrices qui ont acquis le statut de référence dans ce répertoire et dont deux figuraient au programme: Introduction et variations sur une ronde populaire (1936) de Pierné, à la remarquable finesse d’écriture, restituée avec malice et tendresse, et le Quatuor (1941) de Schmitt, plus ambitieux, qui évoque tour à tour Hindemith, Debussy ou Janacek et met en valeur la musicalité de l’alto de Géraud Etrillard.
Les deux partitions contemporaines présentées au cours de la soirée dérogeaient à la composition «classique» du quatuor. Dans son Quatuor, écrit pour le Quatuor Axone, Juraj Valcuha (né en 1976) demande en effet à certains des pupitres de jouer successivement de deux instruments différents. Egalement connu comme chef d’orchestre – il est notamment assistant à l’Orchestre national de Montpellier depuis janvier 2003 – le Slovaque propose ici onze minutes d’un seul tenant, mais constituées de brèves sections aux atmosphères très contrastées, dans lesquelles dominent toutefois les passages ludiques et polyrythmiques. Dans Mysterious morning II (1996), Fuminori Tanada (né en 1961) fait appel à quatre sopranos: cette brève pièce (cinq minutes) est bâtie sur un dessin chromatique descendant en ondulations rapides, interrompu par différents incidents qui recourent à toute la variété de timbres et de techniques qu’autorise le saxophone (stridence, bruits, jeu sur les clefs ou le souffle, …).
Si le répertoire classique et contemporain offre donc un choix de qualité, les arrangements destinés à cette formation constituent également une source appréciable de renouvellement et permettent de faire plaisir aux interprètes autant qu’au public. C’est Alexandros Markeas qui a adapté la Petite suite (1889) pour piano à quatre mains de Debussy, mais son caractère souvent fragile et subtil résiste difficilement à la puissance et à la verdeur des saxophones, d’autant que le discours est affecté par une certaine raideur, peut-être consécutive au soin apporté à la mise en place. En revanche, dans El Puerto, deuxième pièce du premier cahier d’Iberia (1905) d’Albéniz, la transcription réalisée par Gurvan Peron, qui tient la toujours périlleuse partie de soprano, sied admirablement à l’esprit de ce morceau dynamique et coloré. Il en va de même de l’irrésistible adaptation des deux dernières des Six danses populaires roumaines (1915) de Bartok donnée en bis.
Les jeunes musiciens avaient également sélectionné le Quatuor de Hugo Reinhart. En quatre brefs mouvements de coupe classique (avec Scherzo en deuxième position), cet objet sonore non identifié, en bon pastiche de Mozart et Beethoven, rappelle Spohr ou Farrenc. Mais il ne s’agit pas de l’adaptation pour quatuor de saxophones d’une partition oubliée des années 1830, car c’est David Walter (né en 1958), hautboïste du Quintette Moraguès (pour lequel il a par ailleurs réalisé de nombreux arrangements), qui se dissimule derrière ce pseudonyme. Et le Quatuor Axone, qui suit actuellement un cycle de perfectionnement au CNSMP, était visiblement ravi de saluer ainsi l’un de ses professeurs.
Simon Corley
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