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Virtuosités vivaldiennes!

Reims
Abbaye de Saint-Michel en Thiérache
07/11/2004 -  
Cantates de Antonio Vivaldi : Cara Selve, Quel per ignoto calle, Perfidissimo cor, Pianti Sospiri.

Philippe Jaroussky (contre-ténor)
Ensemble Artaserse

Après avoir enchanté le public du festival de Saint-Michel en Thiérache l’année dernière avec un programme consacré aux compositeurs de l’époque de Mazarin, Philippe Jaroussky revient à l’Abbaye pour interpréter quatre cantates de Vivaldi, compositeur, qu’il défend avec brio avec l’Ensemble Matheus notamment, et il est ici accompagné par le jeune Ensemble, très prometteur, Artaserse.



Philippe Jaroussky commence assez timidement le concert avec la cantate Perfidissimo cor qu’il semble avoir quelque mal à chanter à cause d’une voix mal chauffée et tendue. Il tente toutefois d’apporter une vie au morceau, notamment en accentuant certaines syllabes fortes comme dans le mot “scaggia”. Mais dès son retour en scène, après la partie instrumentale de la claveciniste, on retrouve ce chanteur avec les qualités qui sont les siennes, à savoir les interminables vocalises, notamment dans la cantate Pianti sospiri sur le mot “lusinga”, les notes aériennes et légères. Philippe Jaroussky interprète ensuite Qual per ignoto calle et la voix est immédiatement mieux placée et bien plus puissante. Il apporte l’étrangeté nécessaire à quelques notes de Vivaldi dans la phrase “rigore e crudelta” et se lance dans une immense cadence dans le “crudelta” final. La deuxième aria de cette cantate “Qual dopo lampi e turbini”, aria di tempesta, permet au chanteur de démontrer que l’énergie et la rapidité ne sont pas des artifices chez ce compositeur. La troisième cantate au programme est Care Selve, oeuvre beaucoup plus intime et expressive. Le contre-ténor s’y montre excellent et c’est sûrement le meilleur moment du concert: il parvient à allier douceur et détermination dans la voix et dans l’interprétation. Enfin il conclut le concert avec le fameux Pianti sospiri, cantate dans laquelle il montre toute les facettes de son art ainsi qu’une grande force d’expressivité et de musicalité.
La voix de Philippe Jaroussky a beaucoup évolué par rapport à ses débuts dans La Verita in Cimento de Vivaldi. Il commence à posséder des graves assez soutenus et charnus qu’il présente dans les différents “orribile” de Qual per ignoto calle. La voix est toujours aussi agile ce qui lui permet de se lancer dans des vocalises sans fin mais avec toutefois un petit problème de souffle qui s’accentue au cours des concerts. C’est toutefois dans la reprise de l’air “Placido in letto ombroso” que le musicien apporte la plus grande émotion en commençant le “placido” par un crescendo et un decrescendo d’une intense pureté et avec une voix blanche typique. Cette aria est vraiment magnifique, déjà par la musique, et par ce qu’en fait Philippe Jaroussky car il murmure quelques passages, reprend en mezza-voce, etc…


L’Ensemble Artaserse a été fondé en 2002 et joue principalement avec Philippe Jaroussky. Quelques pages instrumentales permettent aux musiciennes de montrer également leur talent. La claveciniste Yoko Nakamura interprète le concerto n°1 de J.S. Bach (transcription du concerto pour violon op.3 n°9 de Vivaldi) et parvient à donner un sens et une certaine musicalité à une oeuvre assez ardue. Emilia Gliozzi, au violoncelle, et Claire Antonini, au théorbe, interprètent avec brio la sonate pour violoncelle et basse continue de Vivaldi et on remarquera les ralentissements et les subtiles nuances de la violoncelliste. Elles apportent également un soutien exemplaire à Philippe Jaroussky et elles se montrent inspirées dans les cantates, comme au début de Care Selve où Claire Antonini distille note à note l’introduction.



Le concert s’est finalement beaucoup mieux terminé qu’il n’avait commencé et Philippe Jaroussky démontre, une fois de plus, qu’il est amené à défendre avec goût et enthousiasme la musique du Prêtre Roux. Il est encouragé par cela par un jeune Ensemble prêt à prendre des risques et le plaisir de faire de la musique ensemble apporte une sensibilité supplémentaire. Le chanteur semble un peu plus s’aguerrir sur scène et s’il poursuit dans cette voie, son chant n’en sera que plus expressif et musical et une certaine connivence avec le public pourra alors peut-être mieux passer.




A noter:
- reprise de ce concert le 29 mars 2005 salle Gaveau, dans le cadre des Concerts Parisiens.


Manon Ardouin

 

 

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