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Voyage autour de l’Ostinato 1550-1700 Reims
Abbaye de Saint-Michel en Thiérache
07/11/2004 -
Oeuvres diverses de Ortiz, Purcell, Marais, Pachelbel…
Le Concert des Nations
Jordi Savall (viole de gambe et direction) Jordi Savall, accompagné de son ensemble le Concert des Nations, a construit son programme autour de la notion de la basse Obstinée telle qu’elle était jouée en Europe entre 1550 et 1700. C’est à travers quelques compositeurs connus ou moins connus (Purcell, Marini, Marais…), que le pédagogue et musicien catalan a démontré tout son art et celui de ses musiciens qui ne ménagent pas leur enthousiasme pour défendre cette musique.
Le concert débute par des Folias de Diego Ortiz que Jordi Savall interprète avec un jeu subtil, léger et riche de nuances et de couleurs, surtout dans le “Passamezzo II”. Les autres instrumentistes entrent ensuite en scène pour une Passacaille de Biagio Marini et Jordi Savall troque sa viole de gambe pour une beaucoup plus petite viole aux sons magnifiques. Les musiciens se livrent à deux improvisations, une intitulée Canarios sur un tempo très rapide tout cela sur un crescendo, et la seconde Gwerz que finalement seul Jordi Savall mènera à son terme, le claveciniste et le joueur de théorbe s’effaçant peu à peu de cette musique si pure et si mélancolique. Le concert fait également la part belle à la musique française avec les Musiques pour le Mariage du Roy Louis XIII et les Musiques Royales de Philidor l’Aisné que l’Ensemble interprète avec énergie et musicalité. Les pièces de Philidor sont très intéressantes car elles permettent d’entendre différents styles et si la dernière partie est très vive, les ”Pleurs d’Orphée” sont joués par des violons plaintifs, émouvants et doux. En revanche “Les Bergers” est une pièce charmante avec une ouverture au violon et les autres instruments se font ensuite entendre dans une ambiance champêtre et légère.
Les autres instrumentistes de l’Ensemble sont excellents et jouent avec un engagement et un entrain rares. Pedro Estevan, au tambour et au tambourin, tape sur ses instruments avec une dextérité et une maîtrise confondantes tellement il amène ses sons avec subtilité et intelligence, sans se départir de son calme. Michael Behringer donne beaucoup d’allure et de classe aux parties de clavecin notamment dans la Gigue de Pachelbel où il fait peu à peu monter la tension musicale. Xavier Diaz-Latorre joue de sa guitare avec bonheur comme dans l’improvisation Canarios où il se lance dans des accords très rapides avec un jeu de la main gauche particulièrement habile. Mais il sait se montrer également délicat avec son théorbe dans des pièces plus douloureuses. Les violonistes déploient de grandes qualités expressives comme, par exemple, dans la Chiacona (qui ne peut que faire penser à la danse de l’ours à la fin du premier acte de La Calisto de Cavalli) où deux violons se répondent, l’un et l’autre rivalisant pour la beauté du son. Purcell, dans 3 parts upon a Ground leur donne également la possibilité de démontrer une certaine virtuosité.
Jordi Savall et son Ensemble offrent une bien belle promenade au pays de l’Ostinato: ces guides exceptionnels, qui savent allier virtuosité et expressivité, trouvent des accents multiples et variés pour donner un sens à chaque note, à chaque inflexion et le bonheur qu’ils semblent ressentir à jouer ensemble ne peut que favoriser un tel projet.
Manon Ardouin
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