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Le Perahia français

Paris
Orangerie de Bagatelle
07/13/2004 -  
Ignace Paderewski : Menuet célèbre et Sarabande, opus 14 n°s 1 et 2 – Polonaise, opus 9 n° 6 – Légende, opus 16 n° 1
Frédéric Chopin : Ballades n°s 1, opus 23, et 2, opus 38 – Nocturne, opus 72 n° 1
Serge Rachmaninov : Etudes-tableaux, opus 33 n°s 8 et 9
Robert Schumann : Kreisleriana, opus 16

Philippe Giusiano (piano)


Parmi les six lauréats français du Concours Chopin de Varsovie que le vingt et unième Festival Chopin présente cet été à Bagatelle, Philippe Giusiano, deuxième prix ex aequo en 1995, est celui qui aura réalisé le meilleur résultat, puisque aucun premier prix n’avait été décerné cette année-là. Comme d’autres lauréats plus médiatisés (Marc Laforêt ou Jean-Marc Luisada), la tentation aura bien évidemment été de le cantonner en «spécialiste» du compositeur polonais, mais ce récital permettait heureusement de le découvrir dans un répertoire un peu plus étendu.


On ne joue plus guère Paderewski, dont la carrière de soliste et d’homme d’Etat a quelque peu éclipsé la production de délicieuses pièces de genre, qui n’ont certes d’autre prétention que de plaire, mais qui, quand elles sont abordées, comme le fait Giusiano, avec tout le sérieux qu’elles méritent, retrouvent un charme suranné en même temps qu’une exquise distinction. Il cultive ainsi sans caricature le pastiche, classique puis baroque, dans le célèbre... Menuet célèbre et dans la Sarabande, extraits des six Humoresques de concert (1887), qui sont, après tout, contemporains du Menuet antique (1895) de Ravel et de la Sarabande (1894) de Pour le piano de Debussy. D’une tenue impeccable, la Polonaise, dernière des six Danses polonaises de l’opus 9 (1883), révèle une articulation toujours très claire en même temps qu’une belle profondeur des basses. Concluant ce petit florilège, la Première légende, première des sept Miscellanea de l’opus 16 (1887), est restituée avec davantage de retenue que ne le faisait sans doute Paderewski lui-même, tant le pianiste marseillais ne relâche jamais son contrôle, même dans les passages les plus ébouriffants.


Il s’impose ensuite sans peine dans les pièces de Chopin, «figures imposées» du festival: étayée par une agilité technique sans failles, son approche allante et dramatique, refusant le descriptif et les effets, sans afféterie ni débordements, plus objective que lisse ou froide, évoque la manière d’un Perahia – il est de pires compagnies – sans prétendre aux cimes intimidantes d’un Pollini. Les deux premières Ballades (1835 et 1839) – on aura ainsi pu entendre les quatre au cours du festival – se caractérisent par une habile maîtrise des progressions, encadrant le Nocturne en mi mineur opus 72 n° 1 (1827), d’une remarquable probité.


L’entracte, et ce n’est pas là l’un des moindres attraits du festival, permet de rencontrer entre autres Haendel, Johann Strauss, Jacqueline du Pré ou Juliette Gréco, puisque les spectateurs sont envoyés, au sens propre, sur les roses... de Bagatelle. Et bon nombre des variétés présentées dans ce parc exceptionnel portent en effet le nom d’un musicien.


La seconde partie débute par les deux dernières des Etudes-tableaux de l’opus 33 (1911) de Rachmaninov que Giusiano vient d’enregistrer pour Alphée: les errances de la Septième – dans la même tonalité (sol mineur) que la Première ballade de Chopin, qu’elle cite d’ailleurs in fine – et les fulgurances de la Huitième sont mises en valeur avec une impressionnante hauteur de vue.


S’il ne prisait guère la musique de Schumann, Chopin ne lui en avait pas moins dédié sa Deuxième ballade, en remerciement des Kreisleriana (1838) que le compositeur allemand – qui avait salué depuis de nombreuses années le génie de son aîné de trois mois – avait adressés à «mon ami Monsieur Frédéric Chopin». Giusiano privilégie dans les pièces rapides (impaires) une vélocité bouillonnante, conforme à la virtuosité du personnage créé par Hoffmann, mais un peu superficielle, tandis que dans les pièces paires, si la profondeur (quatrième pièce) ou la poésie (sixième pièce) ne font pas défaut, il manque toutefois ce sens du mystère, de l’humour et du bizarre, si spécifique à Schumann et poussé à son paroxysme dans cette œuvre, à l’image d’une pièce finale plus légère et sautillante qu’inquiétante ou diabolique.


Sur un instrument à la justesse de plus en plus incertaine, avant de regagner, au travers d’un chemin éclairé par de petits photophores posés à même le sol, les bruits de la ville et les premiers feux d’artifice, la soirée s’achèvera bien entendu avec Chopin: l’inévitable Nocturne en ut dièse mineur (1830), alors que l’obscurité a désormais gagné l’orangerie et le jardin, puis la première des Valses de l’opus 64 (1847), transformée en démonstration brillante, et la Fantaisie-impromptu (1835), mieux tenue et néanmoins spectaculaire.



Simon Corley

 

 

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