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Requiem pour Manon

Geneva
Grand Théâtre
06/15/2004 -  et les 17, 19, 21, 23, 25 et 27 juin 2004
Jules Massenet : Manon
Natalie Dessay et Inva Mula (Manon), Stefano Secco (des Grieux), Ludovic Tézier (Lescaut), Alain Vernhes (le Comte), Bernard van der Meersch (Guillot de Morfontaine), Didier Henry et Nicolas Carré (Brétigny), Christine Buffle (Poussette), Hélène Hébrard (Javotte), Sibyl Zanganelli (Rosette), Harry Draganov (l’Hôtelier). Chœur du Grand-Théâtre de Genève, Orchestre de la Suisse romande, Patrick Davin (direction)
Alain Garichot (mise en scène)


Dès que le rideau s’ouvre, qu’on voit l’Hôtelier et ses clients, on comprend qu’Alain Garichot n’a pas l’intention de respecter les intentions de Massenet. Un opéra-comique, Manon ? Plutôt un office funèbre. Le chœur des voyageurs ? des statues de commandeur surgies de l’ombre, qui ne bougeront pas davantage à l’hôtel de Transylvanie. Massenet avait ressuscité l’opéra-comique, Alain Garichot l’enterre. Un contresens qui étonne un peu de la part de quelqu’un dont on avait aimé certaines réalisations, comme Eugène Onéguine par exemple. Que Saint-Sulpice ressemble à un couloir de la mort, passe encore. Mais que le Cours-la-Reine soit figé et lugubre... Le tour de force de Massenet était pourtant d’avoir fondé le drame sur le contraste entre deux univers, entre le comique et le tragique, de se conformer aux usages d’un genre qu’on aurait pu croire suranné pour mieux les détourner. C’est d’ailleurs un personnage comique, le bouffon Guillot, qui scellera sadiquement le destin des deux amants. Bref, Massenet tirait toutes les conséquences de la Carmen de Bizet. Ici, le décalage est tel entre la musique et la scène qu’on serait tenté de fermer les yeux s’il n’y avait les superbes robes réalisées par Claude Masson. Des robes sans paniers : ce n’est donc pas parce qu’il actualise Manon et la situe dans une sorte de jet society qu’Alain Garichot se trompe, mais parce qu’il en trahit l’esprit. On oublie du coup que les deux héros sont, eux, assez finement caractérisés.
La direction de Patrick Davin ne nous console guère. Il nous convainc encore moins que dans la Damnation de Faust, le dernier spectacle de la saison 2002-2003. La baguette est lourde, sans élan ni subtilité, et l’on ne goûte guère les raffinements de l’orchestre de Massenet. Les chanteurs, en revanche, nous comblent, à commencer Inva Mula et Natalie Dessay, qui chantent le rôle-titre en alternance. Si la seconde ne l’avait encore jamais chanté, la première s’est, depuis un certain temps, identifiée à Manon de même qu’elle s’est identifiée à Violetta – la créatrice de Manon, Marie Heilbron, était d’ailleurs elle aussi une Traviata. Renonçant aux vocalises aiguës destinées à l’Américaine Sibyl Sanderson, Inva Mula incarne avant tout la fragilité parfois mélancolique de Manon, jusque dans les airs du Cours-la-Reine et de l’hôtel de Transylvanie, et sa féminité charmeuse. D’autres y sont plus brillantes, mais peu s’y montrent aussi émouvantes. On aime également beaucoup le des Grieux de Stefano Secco. Fort d’une voix bien timbrée et d’une émission aisée, il peut à la fois affronter les passages où le rôle exige un ténor d’opéra-comique, comme le Rêve du deuxième acte, et ceux où la tessiture se tend, en particulier « Fuyez, douce image » et « Manon, sphinx étonnant ». Parfait Lescaut de Ludovic Tézier, jamais outré, handicapé seulement par une mise en scène qui l’empêche de donner au personnage toute sa dimension parodique. Non moins parfait Alain Vernhes, père noble, digne et pourtant attendri. Côté seconds rôles, on préfère de beaucoup Poussette, Javotte et Rosette, ainsi que l’Hôtelier, à un Brétigny un peu pâle et un Guillot plutôt défait. Tous, en tout cas, répondent de façon exemplaire aux exigences du chant français : on reste donc d’autant plus surpris de voir une version où Massenet a transformé les dialogues en récitatifs dans la seule perspective de représentations sur des scènes non françaises. Bref, les chanteurs ont sauvé la Manon genevoise.




Pour les soirées avec Natalie Dessay :
Avant la première de cette Manon genevoise, les spéculations allaient bon train, d’autant que Natalie Dessay elle-même avait alimenté les rumeurs en annonçant qu’elle ne chanterait finalement que quatre des sept représentations prévues: comment la célèbre soprano allait-elle aborder un rôle qui, à priori, n’est pas destiné à son type de voix? A la fin du spectacle, même les plus sceptiques ont dû le reconnaître: le pari est gagné!
L’engagement scénique de Natalie Dessay, son identification au personnage sont tels que sa Manon est crédible de bout en bout, phrase après phrase, même si, sur le plan vocal, les limites sont clairement atteintes, notamment dans l’acte de St-Sulpice. Mais qu’importe, quand on voit l’intelligence avec laquelle la chanteuse réussit à compenser le handicap d’une voix trop légère en faisant évoluer son personnage avec une conviction rare, de la jeune fille naïve du début (son Je suis encore tout étourdie est un régal!) jusqu’aux passages beaucoup plus dramatiques de la fin (des murmures bouleversants pendant la scène de l’agonie). Qui plus est, la diction est parfaite, les vocalises toujours aussi époustouflantes, on aurait donc tort de bouder son plaisir!
Claudio Poloni





Didier van Moere

 

 

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