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Fin de saison réussie Lausanne Opéra 06/04/2004 - et les 6, 9, 11* et 13 juin 2004 Gaetano Donizetti: Don Pasquale Lorenzo Regazzo (Don Pasquale), Josep-Miguel Ramon (Malatesta), Antonino Siragusa (Ernesto), Raffaella Milanesi (Norina), Alexandre Diakoff (un notaio)
Chœur de l’Opéra de Lausanne (Véronique Carrot, préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Nicolas Chalvin (direction musicale), Rita de Letteriis (mise en scène)
Pour sa première mise en scène lyrique, Rita de Letteriis avait présenté l’année dernière à Lausanne un spectacle de facture plutôt conventionnelle (La Capricciosa corretta). Son deuxième essai, beaucoup plus audacieux, a reçu un accueil triomphal, amplement mérité. Pour Don Pasquale, toujours sur les planches lausannoises, elle a osé cette fois se débarrasser des lourdeurs de la tradition de l’opéra bouffe (le vieux barbon qui tombe amoureux d’une jeune fille) pour signer une transposition particulièrement réussie, qui ne dénature en rien le livret. Rita de Letteriis voit dans le chef-d’œuvre de Donizetti non pas une histoire d’amour sénile mais un jeu de pouvoir et d’argent. Pour le metteur en scène en effet, 1843 n’est pas seulement l’année de la création de l’ouvrage, mais aussi le début du capitalisme moderne. L’action est située à notre époque, Don Pasquale apparaissant comme un nouveau riche prétentieux et ridicule. La toute première scène est d’ailleurs emblématique du spectacle puisqu’au lever de rideau, le héros lit les pages économiques d’un quotidien, dans son salon aux formes géométriques très design, orné d’antiquités, d’un bureau Louis XV, d’une statue de Giacometti et d’un immense tableau accroché au mur. Un assemblage aussi hétéroclite et m’as-tu-vu que son costume mauve et sa chemise jaune! Norina est présentée comme l’archétype de la femme libérée, qui n’aura de cesse, avec la complicité du Docteur Malatesta, de jouer un vilain tour, au fond pas bien méchant, à Don Pasquale. Rita de Letterriis évite avec brio la caricature et rend ses personnages parfaitement crédibles, en soulignant avec force détails la psychologie de chacun d’eux.
Il faut dire qu’elle est aidée dans son travail par une formidable équipe de jeunes chanteurs-acteurs, au premier rang desquels il convient de citer Lorenzo Regazzo, qui campe un Don Pasquale proprement époustouflant. Maniant avec un bonheur égal mimiques et expressions d’émotion, il nous offre un personnage ridicule et pathétique à souhait, mais aussi terriblement émouvant. La voix est souple et somptueuse et la diction irréprochable. Une prestation mémorable! Parfaite petite peste qui va jusqu’à gifler Don Pasquale dans une scène mémorable, la Norina de Raffaella Milanesi possède une belle voix de soprano, même si elle manque de puissance et si les aigus ne sont pas toujours bien assurés. Plus discret, le Malatesta de Josep-Miguel Ramon séduit toutefois par sa ligne de chant particulièrement homogène. Bien que souffrant d’une allergie, le ténor Antonino Siragusa a tenu à assurer la représentation. La voix semble souvent forcée et nasillarde, mais le phrasé est impeccable. Dans la fosse, Nicolas Chalvin propose une lecture enjouée et dynamique de l’œuvre, avec un Orchestre de Chambre des grands soirs. On ne pouvait rêver de fin de saison plus réussie pour l’Opéra de Lausanne!
Claudio Poloni
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