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Déception Paris Palais Garnier 06/06/2004 - Dimitri Chostakovitch : Quatuor n° 8, opus 110 (*)
Anton Webern : Rondo, M. 115 (#)
Arnold Schönberg : La Nuit transfigurée, opus 4
Maxime Tholance, Marianne Lagarde (violon), Laurent Verney (*), Jean-Charles Monciero (#) (alto), Martine Bailly, Frédéric Lagarde (* #) (violoncelle)
Pour leur dernière prestation de la saison en formation de musique de chambre, les artistes de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris ont suscité une déception qui était à la hauteur des espérances que l’on était en droit de fonder tant sur la valeur reconnue de ces musiciens que sur la qualité évidente du programme. Hélas, une fois n’est pas coutume, la mayonnaise n’a manifestement pas pris. Et cela peut toujours arriver, même aux meilleurs. Nul doute qu’une partie de l’explication se trouve dans la difficulté qu’ils ont eue à préparer ce concert, compte tenu de l’empêchement, dans les deux premières œuvres, de la violoncelliste Martine Bailly, remplacée au pied levé par son camarade Frédéric Lagarde.
En ce jour anniversaire du débarquement de Normandie, le Huitième quatuor (1960) de Chostakovitch, notamment inspiré par certain des événements associés à la Seconde guerre mondiale, prenait une résonance toute particulière. Prudente, lisse et objective, voire distante, sans aspérités ni excès, l’approche rend certes hommage au fait que la partition est devenu l’un des grands classiques que le siècle passé nous a légués dans ce répertoire, mais avec un engagement insuffisant, sauf chez l’altiste Laurent Verney, véritable animateur de cet ensemble.
Faisant partie d’une série de mouvements isolés et d’essais de jeunesse antérieurs au catalogue officiel du compositeur et n’annonçant donc qu’assez lointainement les fameuses pièces de l’opus 5, le bref Rondo (1906) de Webern constitua l’heureuse surprise de la soirée: la délicatesse toute viennoise de son thème principal à trois temps aussi bien que l’austérité de ses développements fugués furent parfaitement restituées, y compris un bref passage évoquant de façon très précise La Nuit transfigurée (1899), qui avait fortement marqué le disciple de Schönberg.
Bien amenée par le court morceau de Webern, c’est précisément cette pièce qui avait été choisie pour conclure cette heure de musique. Comme le quatuor de Chostakovitch (grâce à Rudolf Barshaï), ce sextuor a fait l’objet d’un arrangement pour orchestre à cordes par le compositeur lui-même, mais la version originale connaît cette année un succès sans précédent à Paris, que ce soit par les formations réunies autour des Ysaÿe (voir ici) ou des Talich (voir ici) ou, encore plus récemment, en lever de rideau à l’Orchestre de Paris, qui en donnait ensuite la version agrandie (voir ici).
Dépourvue de vie, de liberté, de mystère et d’ampleur, semblant hésiter entre la musicalité du premier alto, parfois malheureusement entachée de dérapages, et la fine exactitude, par trop métronomique, du premier violon, cette Nuit transfigurée endormie et effacée, quoique relativement rapide (moins de vingt-huit minutes), au lyrisme éteint, convainc difficilement. Avec son déroulement erratique et ses différentes sections posées les unes à côté des autres comme s’il s’agissait de musique pure et non d’une transposition du poème de Dehmel, elle peine même du point de vue de la sonorité, dont la maigreur ne parvient que rarement à remplir le grand vaisseau de Garnier.
Simon Corley
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