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Dvorak 1891-1895 Paris Théâtre Mogador 05/26/2004 - Antonin Dvorák : Carnaval, opus 92 – Concerto pour violoncelle, opus 104 – Symphonie n° 9 «Du nouveau monde», opus 95
Jean-Guihen Queyras (violoncelle)
Orchestre de Paris, Daniel Klajner (direction)
L’enchaînement ouverture/concerto/symphonie, quoiqu’on ne peut plus traditionnel, sortait cependant de la routine, et ce pour au moins deux raisons. En effet, non seulement le programme était consacré à un seul compositeur (Dvorák) et à des oeuvres écrites à peu d’années d’intervalle (1891-1895), mais les interprètes suscitaient la curiosité: outre l’Orchestre de Paris, à la régularité toujours aussi remarquable, Daniel Klajner, Generalmusikdirektor à Würzburg depuis 2000 – qui, s’il faisait ici ses débuts avec cette formation, n’est toutefois pas inconnu à Paris, où il a notamment dirigé à Bastille, au cours des deux précédentes saisons, les reprises du Vaisseau fantôme (voir ici) et de La Bohème (voir ici) – et l’excellent Jean-Guihen Queyras, après un fascinant récital donné au début du mois aux Bouffes du Nord (voir voir ici), dans le grand répertoire romantique où, après ses succès dans les domaines contemporain puis baroque, il va sans doute se produire plus souvent.
Elément central d’un triptyque conçu avant le départ de Dvorák pour les Etats-Unis, Carnaval (1891) a (hélas) presque totalement éclipsé les deux autres volets (Dans la nature, Othello) ainsi que deux autres ouvertures antérieures (Mon pays et Husitska). Sans précipiter le tempo, le chef suisse opte pour une lecture puissante et énergique, plus germanique que tchèque.
Dans le Concerto pour violoncelle (1895), l’une des dernières partitions à se rattacher à la période américaine du compositeur, Jean-Guihen Queyras se montre égal à lui-même: sonorité privilégiant la finesse et la pureté sur le grand son ou la puissance, technique très solide qui n’est pas pour autant mise en avant, sens du phrasé, hauteur de vue, autorité et intelligence. Ouvrant des abîmes qui vont bien au-delà du caractère nostalgique ou lyrique de la partition, mais sans excès d’introversion, le soliste confère au discours une portée quasi mystique, notamment dans l’Adagio ma non troppo central ou, même si le reste du finale n’en est pas moins héroïque et enlevé, dans une conclusion qui semble porter le violoncelle hors de ce monde. Généralement attentif et contrôlé, l’accompagnement tend à s’ébrouer dans des tutti trop bruyants.
En bis, la Sarabande de la Cinquième suite de Bach démontre la capacité de Queyras d’obtenir beaucoup malgré la grande simplicité des moyens employés. Le simple jeu sur les timbres, les phrasés et les intensités suffit à créer une dimension expressive dépourvue de pathos mais fondant une recréation d’une folle subjectivité, évoquant la désolation ou l’errance typiques de la dernière manière de Britten ou de Chostakovitch.
Ample et dramatique, plus massive et monumentale qu’épique ou poétique, la conception qu’a le chef suisse de la Neuvième symphonie «Du nouveau monde» (1893) tend davantage vers l’efficacité que vers l’originalité, servie par une belle mise en place et par la rutilance de l’Orchestre de Paris.
Simon Corley
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