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Grandiose

Paris
Théâtre Mogador
05/13/2004 -  
Ludwig van Beethoven : «Fidelio» (ouverture), opus 72b
Olivier Messiaen : Les Offrandes oubliées
Anton Bruckner : Symphonie n° 7, G.A. 110

Orchestre de Philadelphie, Christoph Eschenbach (direction)


Après une session de musique de chambre, la veille, avec les solistes de l’Orchestre de Paris (voir ici), c’est au grand complet que l’Orchestre de Philadelphie offrait son unique concert avec Christoph Eschenbach, sous l’œil attentif de Jean-Claude Casadesus, profitant d’une soirée de relâche dans la dense série de représentations des Contes d’Hoffmann qu’il dirige en ce moment à Bercy (voir ici).


Les Offrandes oubliées (1930) de Messiaen, puis la Septième symphonie (1881-1883) de Bruckner: parfaitement cohérent – même si le mysticisme des deux compositeurs est évidemment traduit par des esthétiques assez éloignées – le programme annoncé fut augmenté d’une préface inattendue, l’ouverture de Fidelio (1814) de Beethoven, qui partage il est vrai avec les deux autres œuvres la tonalité de mi. Solide sans être massif, et ce malgré un effectif relativement fourni pour ce répertoire (soixante cordes), l’orchestre démontre déjà deux de ses principales qualités: une formidable cohésion et une sonorité claire, mises en valeur par l’approche virtuose, presque belliqueuse, de son directeur musical.


En tournée avec l’Orchestre de Paris en janvier 2002, Eschenbach avait présenté aux Etats-Unis Les Offrandes oubliées (voir ici)… et c’est avec son orchestre américain qu’il donne maintenant ce bref triptyque à Paris. Délibérément expressive, son approche met en valeur la précision et l’homogénéité stupéfiantes des cordes (La Croix, L’Eucharistie), tandis que le volet central (Le Péché) se déchaîne de façon extrêmement spectaculaire.


A l’issue de cette première partie, il était difficile de ne pas s’interroger sur le sort qui attendait la Septième symphonie de Bruckner. La mariée n’était elle pas trop belle? Fallait-il s’attendre de la part de l’Orchestre de Philadelphie à une pure démonstration technique, pas nécessairement du meilleur goût? La trompette et le trombone supplémentaires signifiaient ils qu’on allait rouler des mécaniques? Ou bien les clichés qui s’attachent aux ensembles américains seraient-ils battus en brèche? D’emblée, dès le fameux premier thème de l’Allegro moderato initial, toutes les craintes se dissipent: d’une ampleur parsifalienne, tant par sa lenteur (on ne peut parler de moderato… et sans doute même plus d’Allegro) que par le climat qu’elle instaure, cette entrée en matière scelle le sort d’une interprétation qui demeure fascinante, soixante-douze minutes durant.


Eschenbach opte certes pour des tempi étirés, plus particulièrement dans les deux premiers mouvements, mais jamais comme prétexte au moindre alanguissement. Alors que chez tant d’autres un tel choix serait celui de la lourdeur ou du clinquant, tout tient ici comme par miracle. On le doit, plus prosaïquement, à la capacité de son orchestre à jouer comme un seul homme, ce qui lui permet de maintenir constante une extraordinaire tension, grâce à des phrasés impeccables, une remarquable science des transitions et une conduite exemplaire des longs crescendi. Avec ses vingt-quatre minutes, le premier mouvement prend une tournure de vaste poème symphonique, plus narratif et dramatique qu’architecturé. Non moins lent (vingt-cinq minutes), l’Adagio ne se complaît pas dans le sirupeux pour autant, avec, au point culminant, cymbales et triangle, certes apocryphes, mais tellement bienvenus. Sans se hâter, le Scherzo ne manque pas pour autant d’élan ou de mordant, avec un Trio contrastant vigoureusement, tout en timbres fondus. Transparent jusque dans la puissance maximale, le Finale bénéficie d’une belle finesse d’articulation.


Alors même que les musiciens n’ont pu se familiariser avec l’acoustique de Mogador, le tout est servi avec un luxe de détails qui tranche sur la confusion sonore qui règne trop souvent dans cette salle. Version technicolor, peut-être, ce qui explique sans doute les huées (isolées) qui accueillent le chef revenu pour saluer, mais l’effet ne tient il pas à ce que l’on redécouvre en quelque sorte la couleur après tant de versions en noir et blanc? Et le sens du grandiose est-il totalement étranger à cette musique? En tout cas, comme en témoigne la rare qualité d’écoute qui a prévalu tout au long du concert, la très grande majorité du public semble avoir adhéré à cette conception à la fois mesurée et expansive, fermement assumée à chaque instant..


En bis, Wagner, à la mémoire duquel Bruckner avait composé l’Adagio de cette Septième symphonie, s’imposait logiquement, et – à défaut de celui du premier acte, qui aurait été davantage en cohérence avec ce qui avait précédé – ce fut donc un pétaradant Prélude du troisième acte de Lohengrin (1850).



Simon Corley

 

 

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