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Opéra populaire

Paris
Palais omnisports de Paris-Bercy
05/07/2004 -  et 8, 9, 11, 12, 14, 15, 16 mai
Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann

Marcus Haddock/Fabrice Dalis (Hoffmann), Alain Fondary/Vincent Le Texier (Lindorf, Coppélius, Docteur Miracle, Dapertutto), Patricia Petibon/Laura Rizzo (Olympia), Inva Mula/Aurélia Legay (Antonia), Béatrice Uria-Monzon/Anne-Marguerite Werster (Giulietta), Marie-Ange Todorovitch/Patricia Fernandez (Nicklausse, La Muse), Viorica Cortez (La mère), Michel Trempont (Luther, Crespel), Ricardo Cassinelli (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio), Antoine Normand (Spalanzani), Francis Dudziak (Hermann, Schlémil), Martial Defontaine (Nathanaël), Olivier Podesta (Wilhelm), Vanessa Devraine (Stella)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur), Ensemble vocal Paris Consort, Patrick Marco (chef de chœur), Melo’men, John Dawkins (chef de chœur)
Orchestre de Paris, Jean-Claude Casadesus (direction)
Jérôme Savary (mise en scène et scénographie), Sylvie Laligne (chorégraphies), Michel Lebois (scénographie), Michel Dussarrat (costumes), Christian Bréan (lumières), Philippe Pélissier (designer son)


Alors qu’il fête ses vingt ans, le Palais omnisports de Paris-Bercy ne s’était pas offert depuis longtemps l’une de ces pharaoniques productions d’opéra qui ont marqué son histoire. Toutefois, complexes, inachevés, sorte de work in progress depuis leur création, au fil des tentatives de reconstitution (nécessairement vouées à l’échec) de ce qu’aurait finalement été la volonté d’Offenbach, Les Contes d’Hoffmann, si l’on excepte la fameuse Barcarolle, n’ont probablement pas la même popularité que les précédents hôtes de Bercy: Aïda (1984), Turandot (1985), Nabucco (1987), Carmen (1989) et Faust (1991). Voilà sans doute pourquoi rien n’aura ici été laissé au hasard: un chef français tout récemment auréolé d’une «victoire d’honneur» aux Victoires de la musique classique (Jean-Claude Casadesus), la meilleure formation du moment dans la capitale (l’Orchestre de Paris, coproducteur du spectacle), trois chorales, une distribution soignée jusqu’au moindre petit rôle et, surtout, l’étendard du «théâtre musical populaire», Jérôme Savary, le directeur de l’Opéra comique, également coproducteur, qui reprend et adapte ici une mise en scène déjà présentée à Orange en 2000.


Malgré cette affiche, force est de constater que l’immense espace (environ quinze mille places) n’était pas rempli pour la première, mais à raison de huit représentations, plus de cent mille personnes auront ainsi la possibilité d’assister à un spectacle de qualité (un chiffre, au demeurant, que bon nombre de films ou d’expositions seraient déjà heureux d’atteindre). Par conséquent, si l’on souhaite avoir la chance de rencontrer un jour ce serpent de mer qu’est «l’opéra populaire», c’est ici, et non à Bastille, qu’il faut évidemment se rendre: dans une ambiance bon enfant, un public bien plus diversifié que celui qui fréquente d’ordinaire les théâtres lyriques, mais néanmoins sur son trente et un, aura patiemment attendu la demi-heure réglementaire pour atteindre sa place, dont le prix (de 21 à 100 €) n’a, au demeurant, que peu à envier à celui des autres maisons parisiennes.


D’emblée se pose bien entendu la question de l’inévitable sonorisation d’un tel volume. Ici aussi, on n’a pas lésiné, en faisant appel au grand professionnel qu’est Philippe Pélissier. Et, compte tenu du défi posé, le résultat obtenu par celui que le programme qualifie fort élégamment, en bon français du XXIe siècle, de «designer son» peut être considéré comme satisfaisant: certes, les forte sont parfois confus et cathédralesques, certes les piano semblent lointains et peu précis (d’autant qu’un léger bruit de fond est alors perceptible), certes l’impact physique du son que l’on ressent dans les salles traditionnelles fait défaut, certes le timbre des instruments est quelque peu lyophilisé. Mais l’essentiel est préservé: l’équilibre entre chanteurs, chœur et orchestre est parfaitement réalisé, les voix sont restituées avec un naturel saisissant et l’ensemble ne verse jamais dans le décibel gratuit.


Les tribunes forment un vaste U, à l’intérieur duquel est installé, tout au long de l’arrondi et des deux barres, un bassin, qui sert essentiellement durant l’acte vénitien. L’eau entoure ainsi trois des quatre côtés de la scène centrale, qui comprend elle-même un plateau rotatif, permettant ainsi à toutes les sections de spectateurs de bénéficier successivement de la même vision. En haut du U, l’orchestre tourne le dos aux chanteurs, qui peuvent, où qu’ils se trouvent, se caler sur les écrans de télévision qui diffusent en permanence l’image du chef. Celui-ci fait donc face à l’ensemble du dispositif, excepté le fond de scène noir, qui s’ouvre, au gré de l’action, sur des fenêtres de différentes tailles accueillant les apparitions (la mère d’Antonia, la Muse) ou complétant, par mimes ou chorégraphies, l’action principale (Don Giovanni et la loge de Stella durant le prologue, les reflets de Giulietta et Hoffmann).


La mise en scène de Jérôme Savary pourra, comme de coutume, agacer, avec une direction d’acteurs souvent statique, qui paraît peiner à occuper l’espace. Difficile toutefois de nier les affinités qu’il entretient, a priori, aussi bien avec l’univers fantastique d’Hoffmann qu’avec le style parodique d’Offenbach, même si, immensité du site et démesure du personnage aidant, il a tendance à se reposer sur le gigantisme, les effets de masse et le principe du «vous en aurez pour votre argent». La scénographie de Michel Lebois nous vaut ainsi huit immenses poupées roses à l’image d’Olympia, une main colossale tenant la touche d’un violon à la même échelle, huit figurants juchés sur des échasses et trois gondoles «pour de vrai», mais l’acte d’Antonia avec l’inquiétante roulotte du Docteur Miracle, ses assistants et son octuor à cordes littéralement squelettiques distille un parfum indéniablement inquiétant. On en regrette d’autant plus que le patron de l’Opéra comique ne soit pas allé plus au fond d’un livret d’une si rare originalité.


S’il laisse libre cours, par moments, à une imagination que l’on sait fertile (la légende de Kleinzack est accompagnée par les évolutions d’un contorsionniste, tandis que l’acte d’Olympia se conclut sur un lâcher de ballons à l’effigie de l’œil de Coppélius, lequel se déplace en outre en pédalo), Savary sait également tempérer ses élans: non seulement son goût pour l’épate est toujours de la partie (rideaux de pluie sur lesquels se projette le halo de la poupée, feu d’artifice final), mais les costumes de Michel Dussarrat, les masques de Fabrizio Lupo et les chorégraphies de Sylvie Laligne (par ailleurs première assistante à la mise en scène) s’inscrivent dans une tradition rassurante, qu’aucun anachronisme ou incongruité sinon peut-être les lunettes de soleil d’un Hoffmann certainement ébloui par la beauté d’Olympia ne vient perturber. Les spectateurs, eux aussi, ont intérêt à se munir de verres protecteurs, car les lumières de Christian Bréan ont une fâcheuse tendance à se refléter violemment dans l’eau.


Sans entrer dans les détails de la version retenue un exercice réservé de toute façon aux hoffmannologues patentés, vu l’imbroglio consécutif à l’inachèvement de l’opéra la partie proprement musicale se révèle d’une haute tenue: on le doit d’abord à la poigne toujours aussi galvanisante de Casadesus, qui sait également tirer parti de la finesse de l’Orchestre de Paris. Paris Consort de Patrick Marco et des membres de Melo’Men de John Dawkins, joints au Chœur de l’Orchestre de Paris préparé par ses chefs Didier Bouture et Geoffroy Jourdain, par ailleurs chargés de la coordination de l’ensemble des choristes, tiennent leur place sans faillir et apportent une joyeuse animation entre l’orchestre et le centre du plateau.


S’agissant des solistes, le duo formé par le poète et sa muse se maintient tout au long de la soirée à un excellent niveau. Marcus Haddock (Hoffmann), fort d’une prononciation et d’un sens mélodique remarquables, fait preuve de la vaillance requise, même si l’émission, très tendue, donne, ici ou là, l’impression que la voix au bord de la rupture. Marie-Ange Todorovitch campe une Muse et un Nicklausse d’une sobriété et d’une intelligence exemplaires, assurant, au sein de cette distribution, la restitution la plus fidèle du texte.


Des trois femmes auquel chaque acte est dédié, Patricia Petibon (Olympia) l’emporte à l’applaudimètre, tant elle trouve ici un emploi vocal et théâtral à sa mesure. La vedette du spectacle, c’est elle et, à l’extérieur du Palais omnisports, une dynamique distribution de tracts assure la promotion du récital qu’elle a récemment fait paraître au disque. Inva Mula (Antonia) ne le cède pourtant en rien, avec une qualité de chant et un moelleux de timbre exceptionnels. En revanche, la prestation de Béatrice Uria-Monzon (Giulietta) est obérée par une incapacité chronique à articuler correctement les paroles, injustifiable de la part d’une artiste francophone.


Si les incarnations successives de la femme aimée n’ont donc pas été confiées à une même cantatrice, Alain Fondary réalise la performance il est vrai davantage consacrée par l’usage de tenir les quatre rôles diaboliques: d’une présence scénique et d’une puissance incontestables, il laisse en revanche grandement à désirer par l’instabilité de la voix et la médiocrité de la diction. Parmi les autres personnages, Antoine Normand (Spalanzani) et Ricardo Cassinelli, qui joue les quatre domestiques, tirent particulièrement leur épingle du jeu. Il faut enfin souhaiter que Michel Trempont (Crespel et Luther), manifestement enroué comme cela avait été annoncé en début de représentation et ayant dû se contenter par conséquent de dire sa partie, retrouve rapidement la plénitude de ses moyens.



Simon Corley

 

 

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