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Encore, encore !

Montreal
Pollack Hall
05/05/2004 -  et le 7 mai 2004

George Frideric Handel : Alcina, HWV 34


Karina Gauvin (Alcina), Krisztina Szabo (Ruggiero), Christine Brandes (Morgana), Marie-Nicole Lemieux (Bradamante), Benjamin Butterfield (Oronte), Shannon Mercer (Oberto), Nathaniel Watson (Melisso)


Les Violons du Roy
Bernard Labadie (direction)




Au cours d’une récente entrevue accordée à l’occasion du dévoilement de la prochaine saison de ses Violons du Roy, Bernard Labadie réitérait sa volonté de «donner plus d’opéra» avec son orchestre (on peut supposer plus d’opéra baroque, sans exclusivité cependant) et exprimait le souhait de participer directement à plus de productions scéniques avec ces mêmes musiciens, annonçant presque du même souffle Agrippina à l’Opéra, pour le printemps prochain. En attendant, la version concert est loin d’être un pis-aller, et après une soirée comme celle d’hier, on ne peut qu’en redemander…more, please !


Les grands opéras de Handel (l’opéra antérieur à Mozart, globalement) ayant souffert d’une absence quasi-totale de nos scènes depuis nombre d’années, cette production vient en quelque sorte marquer un tournant. Il nous fallait un chef dévoué, amoureux de Handel; nous l’avons. Il nous fallait un orchestre rompu à l’esthétique et à la rhétorique de l’époque; nous l’avons. Il nous fallait par-dessus tout des chanteurs capables de transcender les exigences et de rendre les fruits d’un certain bel canto avant la lettre; nous les avons, plus que jamais. Au surplus, il nous fallait un public suffisamment curieux et renseigné pour apprécier à sa juste valeur un tel produit; nous l’avons aussi, plus que jamais.


Le chef et son orchestre, d’abord. Les Violons sont en extraordinaire forme, magnifiant cette partition d’une inextinguible richesse de texture, répondant brillamment à l’énergie et la vitalité rythmique que commande Labadie. Ce dernier dirige avec une vigueur, une vivacité et une intelligence toujours aussi remarquables, privilégiant comme à l’habitude des tempi plus rapides que trop lents (à l’opposé d’un Christie, par exemple, dans cette même œuvre), se permettant quand même ici et là quelques fraîches largeurs de respiration, contribuant également au dessin psychologique des personnages, le Di, cor mio devenant à ce titre l’expression contemplative somme toute redoutable d’une femme en position de force, et non quelque épanchement extatique. Une seule réserve, s’il devait y en avoir une : pris à cette vitesse, l’air de vengeance de Bradamante au second acte, en plus d’être tronqué de sa reprise, perd pratiquement tout son impact. Dans ce cas précis, un peu trop vite, simplement.


Si la distribution fut globalement de très haut vol, la palme revient incontestablement à Gauvin et Lemieux, la première livrant une interprétation anthologique d’un de ses plus grands rôles, la seconde éblouissant par la virtuosité confondante de sa colorature et l’opulence d’un grave largement sollicité dans son premier air (et quel tour de force aurait pu être le Vorrei vendicarmi ! Enfin…) Ici, version concert ne signifie pas absence de théâtre, au contraire. Par d’admirables jeux de posture, de regard et d’expression faciale, les protagonistes authentifient merveilleusement leurs personnages, Brandes campant une Morgana mutine à souhait, Mercer se révélant sous les traits juvéniles et innocents d’Oberto, Szabo ne manquant ni de fougue, ni d’ardeur. Chacun ornemente les da capo de manière juste et fort probablement inédite, prenant le parti d’une vocalisation (très) florissante sur l’abattage de cadences conclusives vertigineuses. Ici encore une petite réserve, s’il devait y en avoir une : bien que fort impressionnante dans Sta nell’Ircana, Szabo ne s’y montre pas vraiment engageante. Un peu trop de notes ici, simplement.


Que manquait-il à cette Alcina ? Rien, absolument rien, sinon…l’exploration scénique d’un Carsen, par exemple, et la révélation de toute sa complexité, de ses sous-entendus, de son symbolisme irrésistible. Vivement Agrippine, donc, et à quand Giulio Cesare, Rodelinda, Rinaldo, Ariodante,...? À bientôt, souhaitons-le. L’enthousiasme du public (salle presque comble à la première) devrait constituer un argument supplémentaire en faveur de Handel à Montréal, et aux artistes comme aux bailleurs de fonds, l’appel est du moins lancé…



Renaud Loranger

 

 

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