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Werther ou un baryton de rêve!

Paris
Châtelet
04/27/2004 -  et le 29/04/2004*
Jules Massenet : Werther


Thomas Hampson (Werther), Susan Graham (Charlotte), Stéphane Degout (Albert), Sandrine Piau (Sophie), René Shirrer (le Bailli), François Piolino (Schmidt), Laurent Alvaro (Johann)
Orchestre National du Capitole de Toulouse - Maîtrise de Paris
Michel Plasson (direction)

Le théâtre du Châtelet propose, pour seulement deux soirs, de (re)découvrir la version pour baryton de Werther de Massenet. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine le compositeur avait pensé écrire le rôle pour un baryton, désespérant de trouver un ténor capable de le chanter. Finalement en 1901, donc 9 ans après la première de l’oeuvre à Vienne, il remanie la partition pour Mattia Battistini qui le crée à Varsovie. En France, seul Jean-Sébastien Bou s’est déjà frotté à ce personnage, avec grand succès d’ailleurs, à Tours en 2001. Après avoir triomphé au Met en 1999, Thomas Hampson et Susan Graham retrouvent Werther et Charlotte et forment un couple remarquable, soudé dans la douleur et l’honneur.



Le concert repose essentiellement sur les épaules de Thomas Hampson qui est très impressionnant et qui arriverait presque à faire préférer cette version à l’autre. Même s’il ne s’agit que d’une version concertante, il réussit à donner une épaisseur à son personnage et à ne pas rester figé et inexpressif sur sa chaise pendant que ses partenaires chantent: il vit la douleur de Werther (les nombreux “je t’aime” sont très émouvants), son éblouissement à la vue de Charlotte avec une conviction assez rare. Vocalement il est tout aussi souverain et si l’air fameux “Pourquoi me réveiller” n’est pas forcément celui dans lequel il se sent le plus à l’aise, il apporte toute la sensibilité et la douceur nécessaires à son premier air “ô nature pleine de grâce”. Sa parfaite diction lui permet de conférer un sens à chaque mot mot et donc à l’intrigue notamment dans le duo amoureux “il est loin le jour” où, en compagnie de Susan Graham, ils insufflent une vie à ce passage si lyrique et si beau. Il sait aussi montrer la sorte de folie qui étreint Werther quand il décide de mourir car la situation est impossible. Mais s’il ne fallait garder qu’un souvenir, ce serait la mort au dernier acte: la salle a retenu son souffle pendant tout ce passage et Thomas Hampson a laissé mourir tranquillement Werther avec dignité, beauté tandis que Charlotte parlait, plus qu’elle ne chantait, ses différents “Pitié. Du grand Art, du très grand Art!
Susan Graham est également exceptionnelle dans ce rôle même si c’est moins évident que son collègue. Elle campe une Charlotte déjà sage et posée au début de l’opéra et on ne saisit pas vraiment l’évolution de son personnage avant et après son mariage avec Albert. Mais la voix est superbe de puissance et de stabilité et elle sait apporter de doux accents dans la scène de la lettre pour ensuite exploser de douleur auprès de Sophie. Elle se montre très sensible quand Werther lui redit son amour dans l’acte III et son “quoi” mi-chanté, mi-parlé est très éloquent. Mais son français reste assez approximatif surtout lorsqu’elle chante avec toute la puissance de sa voix et malheureusement on perd parfois le fil du rôle. Mais c’est une Charlotte de grande classe que l’on a pu entendre ce soir!
Les rôles secondaires sont également bien tenus à commencer par Stéphane Degout qui, certes, compose un Albert assez neutre, mais qui, par sa diction exemplaire, arrive à faire partager un peu l’intensité du drame qui se joue. Son petit duo avec Susan Graham au début du deuxième acte est bon et on commence à percevoir la couleur chaude de son timbre. Sandrine Piau apporte la légèreté de son timbre et son engagement à Sophie mais elle paraît quand même un petit peu pâle face à l’imposante Charlotte. Le meilleur moment est celui où elle chante son charmant air au deuxième acte “tout le monde est heureux” où on retrouve son abattage habituel. En revanche les petits rôles sont chantés et joués avec brio. L’association François Piolino et Laurent Alvaro fonctionne très bien pour mettre un peu d’ambiance dans cette histoire, le premier utilisant son beau phrasé ainsi que son côté un peu vipère pour les notes piquées. René Schirrer apporte un certain ordre dans tout cela avec sa voix imposante et puissante et dessine un Bailli très digne. La Maîtrise de Paris n’appelle aussi que des louanges et tous les petits chanteurs forment une seule voix dans une homogénéité parfaite.


Michel Plasson, comme on le sait, a quitté officiellement l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, mais il le dirige de nouveau pour quelques concerts et se montre l’autre grand triomphateur de la soirée. Il donne une vie à cette partition, une énergie, une impulsion! Toutes les notes sont pensées les unes par rapport aux autres, le théâtre est présent dans chaque nuance et on ne regrette plus l’absence de mise en scène, même si cette distribution et cette oeuvre méritaient la reconnaissance totale avec une véritable production. Le chef conduit de main de maître son ancien orchestre et prouve, une fois de plus, ses grandes affinités avec la musique française. Dès les premières notes, Michel Plasson installe le tragique sous couvert d’une certaine allégresse mais peu à peu la tension monte et éclate. Le début du dernier acte est également une merveille car quelques lueurs d’espoir s’échappent parfois de l’obscurité de l’ambiance de la mort qui s’installe et tout s’achève sur un forte sans retour. Les instrumentistes sont également excellents et on soulignera les solos de violon et de violoncelle au moment de l’arrivée de Werther au premier acte. Une élégance générale se détache de l’orchestre qui ne peut qu’aider les chanteurs à trouver leurs marques et à interpréter avec autant d’enthousiasme cet opéra de Massenet.



Ce concert a permis de découvrir sous un jour assez différent une oeuvre magnifique et qui deviendrait peut-être plus subtile et plus intéressante que dans la version pour ténor. Ici Werther intériorise davantage ses sentiments et apparaît moins comme un jeune homme exalté que comme un homme posé, réfléchi et intelligent. Il ne reste plus qu’à espérer pouvoir retrouver tous ces artistes dans un bel enregistrement soit discographique soit vidéographique, du moins c’est ce que laissent augurer les caméras placées dans la salle. Ce ne serait que justice pour T. Hampson, M. Plasson et J. Massenet!


Manon Ardouin

 

 

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