About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Fous rires rationnés à l’Opéra du Rhin

Strasbourg
Opéra du Rhin
04/23/2004 -  et les 25*, 27, 30 avril, 3, 5 et 7 mai à Strasbourg, 14 et 16 mai à Mulhouse, 21 et 23 mai à Colmar
Gioacchino Rossini : L'Italienne à Alger
Denis Sedov (Mustafa), Oriana Kurteshi (Elvira), Violetta Poleksic (Zulma), Nicolas Testé (Haly), Juan José Lopera (Lindoro), Valentina Kutzarova (Isabella), Domenico Balzani (Taddeo)
Chœurs de l’Opéra du Rhin, Orchestre Symphonique de Mulhouse, Michel Capperon (direction)

En fait de première mise en scène de Christoph Loy à Strasbourg, l’Opéra du Rhin n’a fait qu’emprunter une production du Deutsche Oper am Rhein de Düsseldorf… spectacle de répertoire suffisamment brillant, du moins le suppose-t-on, pour que l’on éprouve l’envie de le reconstituer ailleurs. Trois ans après sa création, déjà un peu usé aux entournures et sans doute aussi un rien dispersé par un nouvel intervenant (Volker Böhm, qui a assuré l’essentiel de la remise en place de cette reprise), ce travail apparaît surtout inégal, avec d’excellents moments (les grands finales d’acte, tous deux très réussis) mais aussi de nombreux passages à vide. Curieusement le projet de Christoph Loy, qui privilégie ouvertement un comique explosif et pas toujours raffiné, ne parvient à prendre corps que dans les ensembles, où la multiplicité des trajectoires et des comportements vient constituer un heureux contrepoint visuel à l’effervescence de la musique. Mais partout ailleurs le propos scénique s’alourdit -comme trop souvent dans les productions allemandes actuelles- sous une agaçante profusion de gadgets. Tant la raquette de tennis que Mustafa agite pendant tout un air, que le balai à franges dont Lindoro se sert pour imiter tantôt le micro tantôt la guitare d’un chanteur rock, voire les tringles de la tente qu’Haly s’escrime longuement à démonter… tout cela ne sert à rien, sinon à meubler, faute d’une direction d’acteurs plus pertinemment musicale. La plupart des vrais ressorts de cette Italienne à Alger-opéra véritablement détonant dès lors qu’on laisse ses mécanismes se tendre librement- sont ignorés, voire méthodiquement cassés, au profit d’un spectacle certes loufoque, parfois émouvant, indiscutablement construit, mais qui laisse un peu sur sa faim. À trop vouloir en faire, la véritable griserie que peut susciter une exécution de L’Italienne à Alger sans lourdeur, simplement calibrée pour laisser la drôlerie de cette musique s’épanouir « à la note », n’est au mieux ici que fugitivement éprouvée. Oublions aussi les eunuques déguisés en esthéticiennes (blouse rose et perruque blonde) et le sadisme latent de la cérémonie d’intronisation de Taddeo (têtes coupées et flaques de sang), embardées hélas presque inévitables dans ce genre de théâtralité qui se veut démonstrative, et qui de toute façon ne choquent même plus. Au rideau final, l’essentiel est en définitive que le succès soit au rendez-vous, et que l’on garde de ce spectacle un bon souvenir, grâce à l’engagement d’une formidable équipe de chanteurs/acteurs, grâce aussi à la qualité du travail du décorateur Herbert Murauer, d’un orientalisme discret mais néanmoins chatoyant.


Dommage pour une distribution aussi soigneusement choisie, qui aligne un vrai ténor belcantiste, à la fois virtuose et charmeur (Juan José Lopera), une Isabella un peu mince de timbre mais à l’agilité très convaincante d’un bout à l’autre d’un registre particulièrement étendu (Valentina Kutzarova), et un Mustafa (Denis Sedov) parfois dépassé par les exigences d’agilité de son rôle (et pas toujours juste de surcroît) mais d’une présence physique désopilante (tant par la stature que par le jeu). Nicolas Testé et Domenico Balzani, Haly et Taddeo de pure convention buffa, ainsi que l’Elvira un peu aigrelette mais attachante de Violetta Poleksic complètent cet ensemble avec un peu moins d’éclat mais sans jamais démériter.


Reste le problème du manque d’épaisseur sonore de l’Orchestre de Mulhouse, au demeurant précis, attentif, avec quelques excellents pupitres (un hautboïste remarquable), mais qui ne parvient pas à donner à la soirée le petit supplément de vivacité dont cette musique pétulante a tant besoin. Et là ce n’est pas Michel Capperon, remplaçant très efficacement Cyril Diederich, souffrant, qui semble en cause, mais bien les limites techniques d’une phalange qui accomplit pourtant d’année en année de remarquables progrès. À signaler enfin : quelques curieux intrus dans les percussions « turques » de l’ouverture, inhabituellement enrichies de timbres insolites… Pourquoi pas ? Encore que l’effet déstabilisant provoqué par l’agaçant petit tambour qui vient s’insinuer partout à contretemps ne soit vraiment pas des plus heureux.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com