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Elle nous excite… Nous l’adorons…

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/06/2004 -  
Anthony Girard : Portrait d’un chef d’orchestre (création)
Georges Bizet : L’Arlésienne (extraits)
Wolfgang Amadeus Mozart : Airs extraits de «Lucio Silla», «La Finta gardiniera» et «Mitridate, Re di Ponto»
André Messager : Air extrait de «Fortunio»
Reynaldo Hahn : Air extrait de «Brummel»
Isabelle Aboulker : Je t’aime
Joseph Haydn : Symphonie n° 104 «Londres»

Patricia Petibon (soprano)
Ensemble orchestral de Paris, Louis Langrée (direction)


Si elle n’a chanté que durant vingt minutes à peine, Patricia Petibon n’en était pas moins au centre de ce concert: elle le devait certes à sa notoriété grandissante et à son talent scénique, mais l’hétérogénéité du programme tendait aussi à démontrer qu’il avait été conçu pour entourer tant bien que mal les six interventions de la diva, elles-mêmes séparées par l’entracte.


Elle avait d’abord choisi trois airs d’opéras de jeunesse de Mozart, encore fortement tributaires du monde baroque, qui fut précisément celui de ses débuts avec Les Arts florissants de William Christie. De pure virtuosité, les deux premiers – Fra i pensieri più funesti de Lucio Silla (1772) et Vorrei punirti de La Finta gardiniera (1775) – mettent en valeur une remarquable capacité à tirer parti des personnages qu’elle incarne (furia, cris) afin de masquer quelques approximations ou difficultés d’émission. Même si sa partie vive annonce déjà la Reine de la nuit, Nell grave tormento de Mitridate, Re di Ponto (1770) laisse davantage de place au phrasé, où se révèlent une tendance aux effets faciles ainsi que des écarts de puissance entre les différentes tessitures.


Changement de décor en début de seconde partie, avec trois airs français plus «légers», qui figurent dans le disque que la rousse soprano vient de consacrer à ce répertoire chez Decca. Elle y confirme une personnalité et un charisme indéniables. Gracieuse et subtile dans le merveilleux Lorsque j’étais enfant extrait de Fortunio (1907) d’André Messager, elle entoure les lestes Couplets de Lady Eversharp extraits de Brummel (1930) de Reynaldo Hahn d’une mise en scène très élaborée: boa blanc autour du cou, elle choisit dans la salle quatre victimes masculines auxquelles elle enseigne comment, au cours de son air, elle devront successivement s’exclamer «Je t’excite!» et «Elle m’adore!». Succès garanti, d’autant qu’elle conclut sur Je t’aime (2003), «valse inédite» d’Isabelle Aboulker (née en 1938), véritable caricature de l’air de la colorature abandonnée, qui répète jusqu’à s’en enivrer un texte d’une pauvreté réjouissante. Accroché sur le devant de sa robe par une pince à linge géante, un énorme cœur rouge révèle finalement, lorsqu’elle le déplie face au public, deux photographies de Louis Langrée, qui rit... de bon cœur à cette facétie.


Portrait d’un chef (2002), c’était justement le titre de l’Intrada qui, comme de coutume cette saison, avait été commandée par Musique nouvelle en liberté pour entamer la soirée. Cette fois-ci, c’est Anthony Girard (né en 1959) qui s’est plié à l’exercice, en écrivant pour une petite formation (bois, cors et trompettes par deux, trois contrebasses et deux percussionnistes) une pièce faisant alterner des passages stridents fondés sur des quartes ascendantes avec des rythmes et des mélodies populaires à mi-chemin entre Villa-Lobos et John Adams.


Plutôt que les habituelles Suites symphoniques tirées de L’Arlésienne (1872) de Bizet, ce sont des extraits de cette musique de scène qui étaient ici proposés. Outre l’essentiel des moments forts de la partition (Prélude, Minuetto, Andantino, Farandole), cette sélection avait le mérite de présenter des passages moins célèbres mais non moins poétiques. L’effectif retenu était toutefois plus fourni celui de la version originale (vingt-six musiciens), sans être pour autant celui, encore plus important, des Suites réalisées par le compositeur et par Ernest Guiraud. Puissante et tranchante, la direction de Louis Langrée rappelle, s’il en était besoin, que nous sommes au théâtre.


La Cent quatrième symphonie «Londres» (1795) de Haydn coïncidait curieusement avec la visite officielle que fait actuellement en France non pas Lady Eversharp et son accent cocasse, mais la reine Elizabeth II. Très charpentée, puissante, massive et tonitruante même, avec une dynamique qui descend rarement en dessous du mezzo forte malgré une formation réduite (vingt-neuf cordes), la lecture de Langrée fait immédiatement s’envoler la crainte que cette œuvre, placée en fin de concert, ait pu s’en trouver éteinte par ce qui avait précédé. Cela étant, force est de constater qu’on a connu le chef français plus à son avantage, voici un mois dans ce même Théâtre des Champs-Elysées, à la tête de son Orchestre philharmonique de Liège (voir ici): en effet, marteler chaque sforzando et observer toutes les reprises ne suffit pas à construire une interprétation, même si, en excellent spécialiste de la fosse, il sait jouer de façon très théâtrale des silences et du caractère spectaculaire de cette musique (fanfares introductives de l’Adagio, tempo très enlevé du Spiritoso final). Ailleurs, la raideur l’emporte malheureusement sur la grâce, avec une tendance, entre rubato et interruptions, à hacher le discours (Trio du Menuet).



Simon Corley

 

 

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