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Bach en Janus Paris Maison de Radio France 04/04/2004 - Johann Sebastian Bach : L’Offrande musicale, BWV 1079 – Concertos brandebourgeois n°s 3, BWV 1048, 5, BWV 1050 et 6, BWV 1051
Sigiswald Kuijken (violon, alto), Wieland Kuijken (viole de gambe, violoncelle), Barthold Kuijken (flûte), Pierre Hantaï (clavecin)
La Petite bande
Succès public considérable pour cette conclusion d’un week-end de concerts gratuits intitulés «Figures de famille», au cours de laquelle Radio France présentait deux visages apparemment contradictoires de Bach, qui, souvent divinisé, évoquait plutôt ici Janus: le contrapuntiste rigoureux et le compositeur virtuose. Si le reste de la famille avait déjà été mis à l’honneur plus tôt dans la journée, ce programme copieux n’était consacré qu’à Jean Sébastien. Et les artistes de cette soirée avaient un profil familial également fort peu ordinaire: les trois frères Kuijken, bien sûr, mais aussi Pierre Hantaï, qui, non seulement est le fils d’un peintre, mais a par ailleurs deux frères musiciens, Jérôme, gambiste, et Marc, flûtiste (lesquels n’étaient certes pas de la fête). Sans parler de la Petite bande, l’orchestre fondé en 1972 par Sigiswald Kuijken, qui constitue bien sûr une grande famille.
L’Offrande musicale (1747), dont Bach n’a fixé l’instrumentation que pour sa seule Sonate en trio, est donnée ici avec une flûte, un violon, une viole de gambe et un clavecin, utilisés en diverses combinaisons allant du solo (clavecin dans les deux Ricercari) à l’ensemble, en passant par le duo ou le trio. Si le but était de démontrer que cette musique est faite pour être lue et non pour être jouée, le pari a presque entièrement été tenu dans le Ricercar à trois voix et les huit premiers canons. Noyé dans l’acoustique de la salle Olivier Messiaen, le clavecin techniquement impeccable mais étonnamment raide et aride de Pierre Hantaï n’en parvient pas moins à couvrir la viole de gambe de Wieland Kuijken. Etrangement éteint, Sigiswald, quant à lui, offre de son violon une sonorité peu flatteuse. Heureusement, le degré de liberté et de souplesse des interprètes s’accroît au fur et à mesure de celui de la musique, et, à partir du Ricercar à six voix et des deux canons sous-titrés Quaerendo invenietis, le texte est enfin mis en valeur, pour culminer dans la Sonate en trio, certes modérément exubérante, mais de très belle tenue, où la flûte de Barthold se révèle enfin sous son meilleur jour.
Rejoints par la Petite bande, les quatre musiciens s’illustrent ensuite dans trois des Concertos brandebourgeois, chacun étant précédé d’un interminable moment de préparatifs divers (placement des instruments et des micros, accord). Dans le Sixième concerto, les altos, d’une justesse trop souvent incertaine, peinent à se détacher d’un ensemble manquant de contrastes, plus recueilli que chaleureux, mais articulé avec intelligence.
Les tempi vertigineux retenus dans les mouvements extrêmes du Cinquième concerto qui bénéficie d’un équilibre plus satisfaisant entre les groupes, quoique chaque partie soit toujours réduite à un seul musicien ne nuisent en rien à la respiration du discours et permettent de retrouver un Hantaï plus libre et fantasque qu’auparavant, notamment dans la fameuse cadence de l’Allegro initial. Entre temps, les solistes auront livré un Affettuoso souple et délicat, d’une grâce très française.
Le Troisième concerto débute par un Allegro nerveux, incisif et rythmé. Après la courte cadence de l’Adagio, les musiciens se lancent dans une course irrésistible, à la folle virtuosité, qui manque parfois de menacer la clarté du propos. Et ce mouvement est bissé, sans les reprises, à une allure peut-être encore plus rapide.
Simon Corley
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