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“Sainctes chansonnettes A son nom jouez” Tourcoing Eglise Saint-Vaast de Wambrechies 02/08/2004 - Diverses chansons de Claudin de Sermizy, Paschal de l’Estocart, Pierre Certon, Claude Lejeune… Bruno Boterf (ténor), Vincent Bouchot & François Fauché (barytons), Renaud Delaigue (basse), Eric Bellocq (luth et orgue)
Ensemble Clément Janequin
Dominique Visse (haute-contre et direction).
Dans le cadre d’une résidence d’un mois à Tourcoing, l’ensemble Clément Janequin donne un concert intitulé “Chansons du temps de l’Edit de Nantes” dans une petite église de l’agglomération lilloise. Le programme propose un voyage à travers la musique huguenote composée essentiellement de psaumes. Pour cela les musiciens convoquent des auteurs tels que Roland de Lassus, Paschal de l’Estocart, Claudin de Sermisy ou encore Claude Lejeune.
L’ensemble Clément Janequin présente, dans une première partie, un panorama de la chanson spirituelle à cette époque. Le concert s’ouvre sur un extrait du psaume XXXIII de Paschal de l’Estocart Réveillez-vous chacun fidèle, sorte de clin d’oeil au public pour le stimuler. Ce passage est peut-être l’un des plus émouvants du concert car ils commencent à chanter à l’unisson et il est impossible de distinguer les différentes voix tellement elles sont homogènes. Dans une reprise, ensuite, ils évoluent tous séparément pour achever le morceau de nouveau ensemble et sur un même son. Très impressionnant surtout pour des tessitures aussi diverses! Les deux chansons de Roland de Lassus offrent deux esthétiques complètement opposées car si Quand mon mari s’en va dehors permet aux chanteurs de faire sourire lorsqu’ils tentent d’enlaidir leurs voix, La nuict froide et sombre donne à entendre des notes plus éthérées. Très attentifs au texte, les chanteurs mettent en lumière certains termes. Dans les pièces de Paschal de l’Estocart consacrées à l’idée du Monde, la première Qu’est-ce du cours le décrit sous les traits d’un cocher et ils accentuent les mots “fumeux, sale, puant”.
La deuxième partie du concert est consacrée à Claude Lejeune qui a composé à la fois des pièces religieuses et d’autres plus anecdotiques. Dans Les Octonaires sur la vanité et inconstance du Monde en trois parties, les chanteurs construisent un climat solennel, aidés en cela par un tempo lent et des notes dissonantes. Les chansons de Claude Lejeune sont plus légères et demande beaucoup d’humour de la part de l’ensemble, ce qu’il fait parfaitement. Il est souvent question d’animaux notamment dans Le Chant de l’Alouette où les musiciens jouent sur les “ou” de “jour”, en les grossissant fortement. Dans Une puce qui clôt le concert, ils s’en donnent à coeur joie dans les “retire la moy”, se regardant les uns, les autres et adoptant un tempo très vif, piquant. Leurs voix si agiles et malléables rendent percutantes certaines notes comme dans Débat la nostre trill’en May, où la phrase “Cante lou Tourd, et lou Pic, et lou Gay” est particulièrement accentuée et chantée a capella.
En guise de bis, ils quittent l’univers huguenot et concluent le concert avec une très belle pièce de Tylman Susato Prière après le Repas, d’une atmosphère similaire à celle de Paschal de l’Estocart qui a ouvert le concert: une belle manière de rendre un parcours cohérent!
Quelques chansons permettent d’entendre les chanteurs en soliste et de découvrir leurs immenses qualités individuelles. La basse Renaud Delaigue impressionne toujours par la profondeur de ses graves et la facilité avec laquelle il les rend puissants et habités. Bruno Boterf chante en duo avec Dominique Visse Qu’est devenu ce bel oeil et on peut apprécier une voix pleine, fournie et élégante. Les deux barytons sont également remarquables et si Vincent Bouchot s’immerge complètement dans la musique, François Fauché délivre un chant noble et gracieux en marquant toujours une petite distance. Même si l’on connaît bien la voix de Dominique Visse pour l’entendre souvent dans des productions lyriques, on le découvre dans un autre contexte surtout quand il chante en soliste. Seulement accompagné au luth, il interprète un magnifique extrait du psaume CXXXVII “Estans assis aux rives aquatiques” édité par A. Le Roy dans lequel il enchante par sa voix pure, ses aigus cristallins et surtout par une musicalité développée au plus haut niveau: un grand moment de douceur et de recueillement musical!
Les chanteurs trouvent un soutien remarquable en Eric Bellocq qui les accompagne au luth. Il peut également développer toutes ses qualités musicales dans quelques pages instrumentales de Nicolas Vallet, Pazzemezze, dans lesquelles il apporte une douceur et une sensibilité exceptionnelles. Son toucher est précis et il donne des inflexions et un certain élan qui rendent encore plus vivante cette musique. Ces petites pièces constituent une transition très agréable dans un programme aussi riche et intense.
Si les chanteurs de l’ensemble Clément Janequin sont bien connus pour leurs interprétations inimitables de certaines chansons imitatives, descriptives comme celles de Lejeune citées plus haut ou celles de Janequin (La Chasse), ils sont aussi très à l’aise dans un répertoire un peu plus austère mais qu’ils rendent totalement accessible et qu’ils interprètent avec tant de bonheur. Cette musique est magnifique et demande à être (re)découverte surtout quand elle est interprétée par de tels musiciens.
A noter:
- la résidence de l’ensemble Clément Janequin se poursuit à Tourcoing avec la reprise d’un spectacle créé en 2002, L’Amfiparnasso d’Orazio Vecchi couplé avec Gianni Schicchi de Puccini, les 17, 20 et 22 février 2004.
- une rencontre avec Dominique Visse et quelques membres de l’ensemble sera organisée le 14 février 2004 au forum de la fnac de Lille. Manon Ardouin
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