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Ecrasant

Paris
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
01/08/2004 -  et 9 janvier 2004 (Maison de Radio France)
Luca Francesconi : Cobalt, Scarlet, deux couleurs de l’aube (création française)
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 2, opus 16
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 6, opus 54

François-Frédéric Guy (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Kazushi Ono (direction)


Salle comble pour une soirée écrasante, sous l’effet du cumul de l’énergie et de la puissance déployées dans chacune des œuvres programmées, qui marquait les retrouvailles pour Kazushi Ono, directeur musical de la Monnaie de Bruxelles, et l’Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici et ici), poursuivant ainsi une collaboration exemplaire. D’ailleurs, au cours des nombreux rappels de fin de concert, les musiciens, fait rarissime, salueront leur chef en frappant du talon sur le parquet.


Proposée en création française, Cobalt, Scarlet, deux couleurs de l’aube (2000) de Luca Francesconi (né en 1956) est une pièce de vingt-deux minutes pour très grand orchestre (quatre flûtes, trois hautbois, quatre clarinettes, saxophone, quatre bassons, six cors, quatre trompettes, trois trombones, tuba, harpe, célesta, piano, huit percussions et cordes). Le titre traduit à la fois l’inspiration et la démarche du compositeur: d’un côté, la lumière bleu cobalt d’une aurore nordique, associée au timbre et à l’harmonie; de l’autre, la violence écarlate du soleil méditerranéen, constituant l’élément rythmique. Si la thématique n’est pas réellement originale – Francesconi rejoint ainsi nombre de musiciens fascinés par le soleil, la lumière et les couleurs – le traitement de l’orchestre est virtuose, parfois même trop chargé, dans un style qui rappelle, ici ou là, Berio ou Lindberg. Par trois fois, les successions impressionnistes d’agrégats sonores sont interrompues par une frénésie dionysiaque, qui finit par s’imposer durablement, même si les dernières pages marquent, plus qu’un retour au calme, une sorte d’épuisement physique. Ono, qui a créé Ballata de Francesconi en 2002 à la Monnaie, et l’Orchestre philharmonique soulèvent l’enthousiasme du public, qui accueille très chaleureusement cette sorte d’immense étude pour orchestre.


Cet hymne à la lumière était suivi de deux œuvres de caractère nettement plus sombre. Le Deuxième concerto pour piano (1913) de Prokofiev est en passe de devenir aussi couru que le Deuxième de Rachmaninov, puisque c’est la troisième fois en moins d’un an que l’on peut l’entendre à Paris. Après Barto et Eschenbach (ici) puis Leonskaïa et Masur (ici), François-Frédéric Guy en donne une lecture objective, droite et autoritaire, de façon aussi distanciée que le permettent à la fois le monstrueux défi technique et la noirceur du propos. Le pianiste français possède des moyens impressionnants, et même une facilité et un détachement apparents, qui, s’ils sont suffisants pour dominer l’orchestre sans peine, ne l’incitent pas pour autant à rechercher les effets faciles, à cogner le clavier ou à dévorer les notes comme si c’était une fin en soi. Bien au contraire, il s’attache à restituer fidèlement la partition, à laquelle il confère une grande lisibilité, grâce à un jeu sec, mat et précis, refusant les effusions, même dans le second thème du final. La cadence de même mouvement réserve un grand moment d’intelligence pianistique, tant le toucher, la recherche des sonorités et la clarté de la polyphonie viennent appuyer une progression superbement menée. Le Scherzo sera bissé, avec un soliste qui ne semble nullement se ressentir de la prestation qu’il vient de fournir.


Ono, qui, de façon très inhabituelle, a dirigé par cœur le concerto, s’attaque enfin à la rare Sixième symphonie (1939) de Chostakovitch. Le compositeur russe, dont il avait interprété la Dixième en juin 2001 avec le même orchestre, remplaçant Claus-Peter Flor au pied levé, paraît décidément à son aise dans cet univers. Manquant peut-être un peu de tension dans le redoutable Largo initial, d’autant plus difficile à mettre en valeur après Francesconi et Prokofiev mais servi par de remarquables solos de cor anglais et de flûte, il trouve cependant la violence, le mordant et l’ironie requises dans les deux autres mouvements, dont il souligne le caractère cinglant et faussement optimiste, annonçant déjà la Neuvième symphonie. Au sein d’une mise en place globalement impeccable, les bois s’illustrent tout particulièrement, ce que permet de vérifier à nouveau la fin du dernier mouvement, bissée devant les acclamations du public.



Simon Corley

 

 

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