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Cinquante ans de clavier viennois

Paris
Salle Gaveau
12/10/2003 -  
Joseph Haydn : Sonate n° 31, Hob. XVI.46
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate n° 14, K. 457
Franz Schubert : Treize valses – Sonate en la mineur, D. 845

Paul Badura-Skoda (piano)


Invité par Piano ****, Paul Badura-Skoda – soixante-seize ans et toujours son regard de gamin à la fois tendre et malicieux – proposait un superbe itinéraire au cœur de son univers esthétique, couvrant cinquante ans de musique viennoise pour clavier. Même s’il est renommé pour sa formidable collection d’instruments anciens, c’est sur un Steinway qu’il va caractériser à chaque fois admirablement les quatre œuvres inscrites au programme, marqué par une stricte progression chronologique mais surtout par une gradation émotionnelle particulièrement réussie.


Même s’il use de la pédale et d’un certain rubato, le pianiste autrichien ne voit pas dans la Trente et unième sonate en la bémol (vers 1768-1770) de Haydn une prémonition du romantisme beethovénien. Au contraire, il s’inscrit dans l’époque de sa composition, tant d’un point de vue technique (recours à un ambitus restreint de dynamiques) que stylistique (mise en valeur du caractère fantasque, à la manière d’un Carl Philipp Emanuel Bach). Respectant l’ensemble des reprises, comme il le fera tout au long de la soirée, il offre un Haydn vivant, tout sauf froid, distant ou indifférent, où chaque note semble cependant faire l’objet de tous les soins.


Abordant ensuite la Quatorzième sonate en ut mineur (1784) de Mozart, sans la Fantaisie liminaire qui lui est souvent associée, il fait preuve de bien plus de subjectivité et d’engagement expressif. Dans des tempi plutôt allants, il souligne les aspects préromantiques des mouvements extrêmes, contrastés, heurtés, parfois même presque secs, tandis qu’il parvient, dans l’Adagio central, à ne pas confondre délicatesse et minauderie.


La seconde partie, entièrement dédiée à Schubert, commençait par une sélection de treize «valses» issues de six recueils différents effectuée par Badura-Skoda lui-même, pour former ce qu’il appelle une «chaîne de valses» (Walzerkette), astucieusement conçue, notamment pour ce qui est des tonalités, à la façon des Valses de l’opus 39 de Brahms. Au-delà de la grâce et du piquant qu’il confère à ces brèves pages, il sait assouplir d’une manière irrésistiblement viennoise l’inlassable rythme à trois temps. Changement radical de climat avec la Sonate en la mineur (D. 845, 1825), dont il livre une vision hallucinée, expressionniste, violente, où, bien loin de la relative retenue de la première partie, le piano rugit et murmure tour à tour. D’essence rhapsodique, sa conception de la partition pourrait être celle d’une fantaisie, enchaînant les quatre mouvements quasiment sans interruption et réduisant ainsi au silence les éventuelles velléités de tousser des spectateurs. Dans ce tourbillon vertigineux, les rares instants de rêve – dernière variation de l’Andante poco mosso et Trio du Scherzo – n’en ressortent que davantage.


Le public, qui a presque entièrement rempli la Salle Gaveau, obtient deux bis: le Nocturne en ut dièse mineur opus posthume (1830) de Chopin, où la fermeté du contour n’a rien à voir avec le climat uniment éthéré qui est souvent donné à cette pièce, puis le court Adagio pour harmonica de verre (1791) de Mozart, où Badura-Skoda, par son toucher et son jeu sur la pédale, arrive à recréer les sonorités de ce rare instrument.



Simon Corley

 

 

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