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Un festival de maîtres chanteurs Zurich Opernhaus 11/25/2003 - et les 30* novembre, 3, 7, 14 et 21 décembre 2003, ainsi que les 13 et 27 juin 2004 Richard Wagner: Die Meistersinger von Nürnberg
José van Dam (Hans Sachs), Matti Salminen (Veit Pogner), Martin Zysset (Kunz Vogelsang), Cheyne Davidson (Konrad Nachtigall), Michael Volle (Sixtus Beckmesser), Rolf Haunstein (Fritz Kothner), Volker Vogel (Balthasar Zorn), Andreas Winkler (Ulrich Eislinger), Boguslaw Bidzinski (Augustin Moser), Giuseppe Scorsin (Hermann Ortel), Guido Götzen (Hans Schwarz), Reinhard Mayr (Hans Folz), Peter Seiffert (Walther von Stolzing), Christoph Strehl (David), Petra-Maria Schnitzer (Eva), Brigitte Pinter (Magalene), Günther Groissböck (ein Nachtwächter)
Choeur et Orchestre de l’Opéra de Zurich, Franz Welser-Möst (direction)
Nikolaus Lehnhoff (mise en scène)
Pratiquement au même moment où l’Opéra de Paris mettait un terme à 3 représentations concertantes des Maîtres Chanteurs, Zurich présentait une nouvelle production, scénique, de l’œuvre, dans une distribution à bien des égards difficile à égaler aujourd’hui. Autant de preuves de la vitalité de la première scène lyrique helvétique.
Dans le magazine de l’Opéra de Zurich, Nikolaus Lehnhoff explique qu’il ne voit pas la partition de Wagner comme un manifeste nationaliste, voire xénophobe, mais comme une œuvre prétexte à s’interroger sur le rôle de l’art dans la société et sur celui de la démocratie; dans cette optique, Nuremberg n’est pas une cité allemande mais une sorte de modèle de ville européenne. La mise en scène zurichoise se veut donc intemporelle et débarrassée de toute référence idéologique, Lehnhoff se bornant, si on peut dire, à raconter l’histoire, à illustrer les conflits entre les personnages et à mettre en lumière les luttes pour l’art et pour l’amour. C’est ainsi que le premier acte se déroule à l’intérieur d’une église, avec au centre une chaire monumentale. Au deuxième acte, seuls un immense escalier, quelques arbres et une boule gigantesque faisant office de lune servent de décor, alors que l’opéra se poursuit dans l’atelier rempli de livres de Sachs, avant de s’achever dans un amphithéâtre moderne. Et comme pour souligner encore davantage l’absence de toute référence déterminée à l’espace-temps, les costumes changent d’époque à chaque acte. En résumé, une mise en scène certes conventionnelle, mais efficace.
C’est donc sans surprise que les plaisirs sont venus du plateau et de la fosse. La soirée a été avant tout un véritable festival de maîtres chanteurs. Dans l’excellente distribution, il convient de citer en premier lieu le Stolzing de Peter Seiffert, dont le timbre métallique, la diction et la vaillance scénique ont fait forte impression. Après une telle prestation, on ne peut que se dire que le chanteur est en passe de devenir le ténor wagnérien que les scènes lyriques attendent depuis longtemps. Hans Sachs est interprété par un José van Dam qui, s’il n’arrive plus à masquer des signes évidents d’usure vocale, compose avec intelligence et finesse un personnage émouvant d’artisan vieillissant et résigné, philosophe dans l’âme. La basse profonde et puissante de Matti Salminen est un luxe qu’on savoure sans modération dans le rôle de Veit Pogner. On signalera aussi la performance de Michael Volle, qui n’a pas fait de Beckmesser la caricature habituelle, mais a campé un jeune homme pouvant dignement rivaliser avec Stolzing. Christoph Strehl a lui incarné un David plein de tempérament. Enfin, des louanges aussi pour l’Eva de Petra-Maria Schnitzer, qui possède un joli timbre et une excellente technique, à défaut d’être véritablement expressive.
Dans la fosse, Franz Welser-Möst montre, dès l’ouverture, qu’il a opté pour des tempi particulièrement rapides, ce qui n’a pas empêché les musiciens de déployer un son chatoyant et transparent à la fois, où chaque détail de l’orchestration était perceptible. Une révélation pour tous ceux qui associent Wagner à un déluge orchestral. Le chef a aussi réussi à faire durer la tension, avec pour résultat que cette représentation de 6 heures au total n’a provoqué pratiquement aucun sentiment d’ennui ou de lassitude. Et, grâce à sa direction prévenante, jamais au cours du spectacle l’orchestre n’a couvert les chanteurs, un exploit dans un opéra de Wagner!
Claudio Poloni
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