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Champagne !!

Paris
Bastille
12/02/2003 -  et 4, 7, 9, 13, 15, 18, 19, 22, 24, 26, 29 décembre 2003 et les 12, 15, 21, 24, 27, 29 janvier, 1, 3 février 2004
Johann Strauss : Die Fledermaus
William Joyner (Eisenstein), Dagmar Schellenberger (Rosalinde), Andreas Scheibner (Frank), Béatrice Uria-Monzon (Orlofsky), Gordon Gietz (Alfred), Andrew Schroeder (Falke), Andreas Jäggi (Blind), Mary Dunleavy (Adele), Bernard Alane (Frosch), Jeanne Tremsal (Ida)
Coline Serreau (mise en scène), Jean-Marc Stehlé & Antoine Fontaine (décors), Elsa Pavanel (costumes), Geneviève Soubirou (lumières), Laura Scozzi (chorégraphie)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Vladimir Jurowski (direction musicale)

Grand succès mérité pour la première reprise de cette Fledermaus qui avait suscité beaucoup de réactions diverses autant que mitigées lors de sa création en 2000. Metteur en scène et musiciens s’évertuent à présenter une œuvre fraîche, assez drôle, avec une idée directrice et un projet compréhensibles, ce qui devient assez rare dans les productions récentes. Même si l’ensemble penche un peu vers le tragique, certains gags, du moins, certaines idées furtives scéniques, renversent la tendance et créent un équilibre.


Coline Serreau prend le parti d’exploiter à fond l’idée de la chauve-souris ce qui est assez rare finalement dans les mises en scène traditionnelles qui, en général, privilégient plutôt l’intrigue Rosalinde-Eisenstein-Alfred plutôt que la vengeance de Falke. Dès l’Ouverture, un danseur avec une tête de chauve-souris entre sur scène et croise des passants: on nous raconte ce qui s’est passé trois ans auparavant lors d’une soirée bien arrosée et la honte du notaire. A la fin de ce passage, c’est une véritable pluie de chauve-souris qui s’abat sur scène, toutes habillées d’un costume rayé noir et blanc, couleurs emblématiques de la mise en scène. Enfin on retrouve ces charmantes bestioles emprisonnées au dernier acte, qui réagissent pendant l’air d’Adèle et qui l’encouragent quand elle chante les différents “la, la” en compagnie d’Ida et du directeur de la prison.


Les décors sont assez somptueux: le premier acte s’ouvre sur une maison dont les murs s’écartent pour la laisser se développer et on découvre une habitation style art déco avec des portes qui serviront à souligner la colère de Blind qui les ferme et les rouvre à la faveur des changements de son attitude. Le deuxième acte se déroule dans le palais d’Orlofsky et la scène représente une sorte de salle de bal qui fait beaucoup penser aux couleurs et à l’ambiance du grand musée d’art à Vienne. A la fin de l’acte, certaines parois se disloquent, comme si tout ce faste n’était que poussière, et le plateau pivote pour faire apparaître la prison. Le dernier acte montre une prison sombre et différents détenus sont dans leur cellule jusqu’en haut tandis qu’un ascenseur, grand ressort scénique ces dernières années, est une sorte de cage, moyen terme entre l’emprisonnement et la liberté.


Les costumes sont de toute beauté et originaux car, si le noir et le blanc prédominent, ils sont éclatants comme la robe de Rosalinde au deuxième acte qui est blanche mais qui a des sortes de broderies noires qui s’enlacent. Les hommes sont en général revêtus d’habits rayés noir et blanc, comme les chauve-souris mais de façon moins prononcée: alors que les animaux ont l’ensemble du costume de ce motif, les personnages ont soit la veste soit le pantalon. La mise en scène est également très attentive aux éclairages. A la fin du trio d’adieu entre Rosalinde, son mari et Adèle, quand les trois protagonistes se laissent un peu aller et se réjouissent à mots couverts de la situation, la lumière générale baisse et ils sont illuminés par un halo de couleur blanche au moment où ils chantent “O je, o je, wie rührt mich dies”!. Tous ces petits détails contribuent à créer une atmosphère et à remplir le plateau de la Bastille sans effet d’accumulation.


En 2000, les ballets avaient été l’objet de nombreuses interrogations. Certes les smurfeuses et breakers de Laura Scozzi ne devaient guère s’épanouir dans les salons viennois et parisiens du XIXe siècle et même si ce choix de chorégraphie reste assez spécial, on ne peut en revanche que louer la performance des chanteurs et des acrobates. Il est agréable, toutefois, de retrouver certaines attitudes qui rappellent les personnages blancs qui accompagnaient la Folie dans Platée.


La grande triomphatrice de la soirée est sans conteste Mary Dunleavy qui débutait ce soir à l’opéra de Paris. Son Adèle serait idéale si quelques aigus un peu faux et un peu trop criés ne venaient entacher une belle sensibilité musicale et une aisance scénique assez intéressante. Ceci dit, la chanteuse se montre excellente dans son deuxième air “Spiel ich...”, digne des grandes soirées viennoises, car elle donne un sens, une expression à chacun des différents personnages qu’elle est censée interpréter pour prouver son talent à Frank. Non seulement le directeur est séduit mais le public parisien aussi ! Elle sait aussi se montrer fine et réservée notamment dans le “es ist ein Wiedersehn” au premier acte, où manifestement elle accentue le côté ridicule de la scène.


Dagmar Schellenberger remplaçait Brigitte Hahn souffrante mais ce rôle ne la met guère à son avantage. Après un début assez laborieux, la chanteuse commence à se détendre dans le trio final du premier acte et à prouver qu’elle peut être une Rosalinde convaincante. La suite de la représentation permet de changer cette première opinion et on découvre une Rosalinde intelligente, espiègle et déterminée. Mais sa voix ne répond pas forcément à toutes les intentions de la musicienne et de l’actrice et on ne peut faire abstraction d’un instrument instable, affublé d’un vibrato persistant. Même si ces quelques problèmes s’estompent au cours de la soirée, Dagmar Schellenberger ne peut que difficilement soutenir sa partie dans les ensembles. C’est bien dommage car les quelques bribes qui passent l’orchestre semblent très prometteurs et demanderaient à être écoutés dans de meilleures conditions.


Coline Serreau a voulu faire d’Orlofsky un prince désenchanté, malade plus psychologiquement que physiquement, en un mot, gravement dépressif et revenu de tout. Cette vision assez originale est amplement justifiée par une des premières phrases que prononce le personnage dans laquelle il explique qu’il n’a que 18 ans mais qu’il possède l’expérience d’un homme de 40. Certes le goutte-à-goutte que le prince ne quitte à aucun moment risque de choquer mais il s’inclut dans le décor général puisqu’il est en or. Béatrice Uria-Monzon soutient ce projet avec goût et n’en fait jamais trop. Même si sa voix n’est pas toujours d’une très grande précision, il est sûr que la chanteuse apporte vraiment une nouvelle version de ce personnage et que son interprétation restera unique et remarquable. Dans son air introductif, elle met particulièrement en lumière les fins de phrase en les faisant rebondir et en les illuminant par son timbre.


William Joyner approche de la perfection dans le rôle d’Eisenstein à la fois scéniquement et vocalement. Son interprétation est soutenue par une voix pleine, sans failles et qui se joue de toutes les difficultés du rôle, notamment dans la scène de séduction avec la montre au deuxième acte. Sa métamorphose en dindon de la farce à la fin de l’opéra est un vrai régal et une alternative à la chauve-souris.


Malgré une diction incompréhensible, Andrew Schroeder est un Falke plein de rouerie et qui se réjouit à l’idée de sa vengeance. Ce chanteur est stylistiquement honnête mais n’apporte pas une grande originalité vocale au personnage.


Gordon Gietz évite de caricaturer son personnage et n’en fait pas seulement un ténor amoureux transi de Rosalinde. Certes il passe son temps à rabâcher sa romance mais avec une certaine ironie et une certaine distance.


Les rôles secondaires sont bien tenus également à commencer par Frank, alias Andreas Scheibner. Même si sa voix n’est pas très puissante, il compense par des dons scéniques qui font de sa prestation un agréable moment. Le Dr. Blind d’Andrew Jäggi mérite aussi des louanges pour son engagement, notamment dans la succession de verbes qu’il chante au premier acte.


Bernard Alane s’en donne à cœur joie avec tous ses pensionnaires emprisonnés, le Marquis Erik von Tatol qui réclame à manger ou le Prinz Trisch von Crack qui veut du linge à “planchir”, et il apporte une touche de fantaisie et de gaieté dans cette prison grise, marron, assez lugubre finalement. Mélangeant l’allemand et le français, truffant son texte de multiples fautes de prononciation, il est un gardien débordé qui ne sait plus où mettre tous les invités du prince et qui a bien du mal à organiser sa prison.


La direction de Vladimir Jurowski est assez particulière et étrange car on ne sait jamais s’il opte pour une vision façon opérette viennoise traditionnelle sans tenir compte des interprétations plus “opéra” comme celles de Karajan ou plus récemment Minkowski ou s’il cherche à proposer une lecture plus langoureuse et dramatique. L’Ouverture surprend car s’il ne hache pas le début, comme c’est souvent le cas, il fait ressortir particulièrement la basse ce qui n’est pas forcément très convaincant. En revanche, il sait manier les ralentis et par exemple, lorsqu’il prépare le thème repris ensuite dans le trio “O je”, il étire au maximum les notes précédentes pour qu’il puisse exploser. Espérons que les prochaines représentations lui permettront de trouver un équilibre entre les deux chemins que semble prendre sa direction. Enfin, première oblige peut-être, il ne semble malheureusement pas se préoccuper des chanteurs et on ne compte plus les décalages entre l’orchestre et les solistes.


Une fois de plus, les Chœurs sont en constant retard entre eux et avec l’orchestre, même si l’ensemble des voix laisse passer de beaux moments.


Même si certains points ne convainquent pas entièrement, il est indéniable que cette mise en scène est un très bon compromis entre une vision romanesque et colorée comme on pouvait voir il y a encore vingt ans, (crinolines à l’excès, etc...) et la vision cauchemardesque et insupportable de Hans Neuenfels à Salzbourg en 2001. Et quand cela est servi par une distribution honnête, presque irréprochable, que demander de plus ? Une soirée qui laisse augurer de bien belles réjouissances musicales à Paris pour cette fin d’année...


A noter : cette production sera reprise à partir du 12 janvier avec quelques changements de distribution: Adina Nitescu prendra la place de Brigitte Hahn dans le rôle de Rosalinde, Ursula Hesse celle de Béatrice Uria-Monzon pour Orlofsky. Vladimir Jurowski passera la baguette à Rudolf Bibl et ceci dès le 22 décembre.



Manon Ardouin

 

 

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