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Dialogues de sourds

Paris
Opéra comique
11/24/2003 -  
Frédéric Verrières : Open concerto (création)
George Gershwin : Rhapsody in Blue (*)
Paul Malinowski : Flex da floor! (création)
Maurice Ravel : Concerto en sol (**)

Nicholas Angelich (**), Baptiste Trotignon (*) (piano), Baptiste Trotignon Trio
Orchestre des Concerts Lamoureux, Arie van Beek (direction)


Open concerto pour trio de jazz, piano et orchestre de Frédéric Verrières devait être donné en février dernier aux Concerts Lamoureux (voir ici), mais cette création avait été reportée «à la demande du compositeur qui, au regard des premières répétitions, avait souhaité pouvoir réviser et compléter sa partition». Indépendamment de ces derniers réglages, la présentation de son œuvre trouvait en fin de compte tout particulièrement sa place dans ce concert donné à l’Opéra comique, domaine de Jérôme Savary et lieu des métissages culturels les plus dépourvus d’a priori, dans le cadre du Festival «Paris de la musique», puisque la soirée était intégralement construite autour de l’influence du jazz sur la musique dite «classique».


Verrières, né en 1968, élève de Grisey, Levinas et Dalbavie, entend rien moins que d’«adapter les techniques d’analyse spectrales sur une œuvre toute entière (et non sur le seul son)». Si l’objectif est séduisant, force est de constater, après un début qui fait intervenir une citation explicite de I love you Porgy de Gershwin, que la fusion des différents constituants de cette musique ne s’opère pas: le trio de jazz – celui qui regroupe, autour du pianiste Baptiste Trotignon, Clovis Nicolas (basse) et Tony Rabeson (batterie) – ne sort pas de son mode de jeu habituel, laissant d’ailleurs une certaine place à l’improvisation; de l’autre côté, Nicholas Angelich se voit confier une partie plus «classique», une sorte de Prokofiev revu par Art Tatum; entre les deux, l’orchestre, plus souvent associé au piano qu’au trio, ne joue qu’un rôle assez secondaire. Ces vingt-cinq minutes font donc trop souvent à ce pastiche de concerto pour piano des Concerts Hoffnung, dans lequel la pianiste jouait le Concerto de Grieg pendant que l’orchestre tentait d’imposer de son côté le Premier concerto de Tchaïkovski…


Autre forme de dialogue de sourds dans Rhapsody in blue (1924) de Gershwin, où Baptiste Trotignon délivre un discours pas très orthodoxe, mais ô combien vivant et personnel, alors que l’orchestre, moins souple, plus massif, mais sous l’excellente et précise direction d’Arie van Beek, semble suivre son propre chemin.


Paul Malinowski, né en 1968, a toujours manifesté le souci d’intégrer à sa musique les genres «populaires» (funk, hip hop, techno…). Donné en création, Flex da floor! est un concerto pour claquettes pour lequel le compositeur dit avoir été inspiré par le défi d’un concerto pour caisse claire – peut-être celui de l’Islandais Askell Masson (voir ici et ici) – c’est à dire par la difficulté d’écrire pour un instrument à percussion sans hauteur déterminée. Ne jetant pas un regard sur sa partition (sic), Leela Petronia, déploie, au-delà même des claquettes (claquements de mains, mouvements de danse), une énergie considérable durant douze minutes et dans les quelques mètres carrés qui lui sont concédés, mais elle peine, malgré l’amplification dont elle bénéficie, à s’imposer face à un orchestre essentiellement occupé à enchaîner de courtes cellules bien rythmées qui passent d’un groupe d’instruments à un autre, dans un style voisin de West side story ou… des Incorruptibles.


Fusion réussie, en revanche, à tous points de vue, dans le Concerto en sol (1931) de Ravel, admirablement restitué par Nicholas Angelich. Il est émouvant de songer que l’Orchestre Lamoureux l’a enregistré sous la direction de l’auteur (avec Marguerite Long en soliste) dès avril 1932. Si l’orchestre reste ici globalement en retrait et si les détails ne sont pas toujours bien mis en valeur, on n’en profite que davantage du jeu d’Angelich, aussi libre que son alter ego précédemment dans Gershwin. Etirant autant que possible le tempo pour souligner la poésie de cette musique dans l’Allegramente, il sublime l’Adagio assai, sur le fil du rasoir, parfois sur le point de s’arrêter, d’une totale liberté, sans aucun rapport avec la raideur de Lars Vogt deux jours plus tôt (voir ici), avant de conclure sur un Presto mordant, léger et parfaitement articulé.



Simon Corley

 

 

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