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Quatre fois quatre Paris Salle Cortot 11/23/2003 - Nicolas Dalayrac : Quatuor, opus 7 n° 3
Olivier Bernard : Quatuor
Marius Constant : Die Trennung
César Franck : Quatuor
Quatuor Arpeggione: Isabelle Flory, Nicolas Risler (violon), Odile Auboin (alto), Raphaël Chrétien (violoncelle)
Une semaine après un copieux week-end de quatuors à la Cité de la musique (voir ici), c’est au tour du Festival «Paris de la musique», organisé par Musique nouvelle en liberté, de proposer quatre concerts au cours desquels quatre formations françaises (Debussy, Enesco, Parisii et Arpeggione) jouent treize quatuors français, couvrant toute l’histoire du genre, de 1780 à nos jours. Sans prétendre bien entendu à l’exhaustivité, la sélection se caractérisr par sa diversité: piliers (Debussy, Ravel), œuvres renommées mais, au fond, rarement données (Lalo, Franck, Roussel), raretés (Dalayrac, Jadin, Menu) et un astucieux hommage à la «classe 1925» (Bernard, Boucourechliev, Boulez, Chaynes, Constant – mais on aurait également pu penser à Delerue, Duhamel ou Philippot). C’est le Quatuor Arpeggione, dans lequel Odile Auboin aura exceptionnellement remplacé l’altiste Patrick Dussart (nouveau venu au sein du groupe en lieu et place de Theodor Coman, mais retenu par un engagement antérieur), qui concluait ce mini-festival dans le festival.
Nicolas Dalayrac (1753-1809) est surtout connu par ses opéras, mais avant de se lancer dans cette carrière, il a composé, aux alentours de 1780, pas moins de six opus constitués de six quatuors chacun. Si l’on en juge par les deux mouvements de son Quatuor opus 7 n° 3, ils n’ont rien à envier aux tout premiers quatuors de Haydn, tant du point de vue la fraîcheur mélodique que du déséquilibre favorisant les violons au détriment de l’alto et du violoncelle.
Contrairement à ce que suggèrent les notes de programme dues à Philippe Cathé, le Quatuor (1968) d’Olivier Bernard peut difficilement être considéré comme le descendant de ceux de «Ravel, Fauré et Roussel», qui serait ainsi l’œuvre d’un compositeur «exclu de fait par les tenants de l’avant-garde». Si l’on reconnaît ici une pensée qui ne pourra déplaire à Benoît Duteurtre, directeur de Musique nouvelle en liberté, force est de constater que ce mélancolique quatuor, certes de forme classique (en quatre mouvements – avec Scherzo en deuxième position – d’une durée de vingt minutes), n’a toutefois rien de bien tonal, même s’il est parfois modal, et, surtout, ne s’inscrit pas dans ce qu’on pourrait appeler, par commodité, une certaine «couleur française». Car c’est bien plus au contrepoint sévère et mat de Hindemith que l’on songe, avec en outre, dans le bref Vivacissimo final, une rugosité plus proche de Bartok. Venu assister à cette interprétation, Olivier Bernard fête ainsi on ne peut mieux ses soixante-dix-huit ans.
Malheureusement absent, quant à lui, en raison de son état de santé, Marius Constant, dans Die Trennung (1990), en sept minutes seulement, fait preuve de davantage de lyrisme et de passion, extériorisés avec force et brio par les Arpeggione, au travers notamment des interventions exemplaires de Raphaël Chrétien au violoncelle puis d’Odile Auboin à l’alto.
Par sa durée (trois quarts d’heure) et par son projet (le souci, après 1870, de damer le pion à l’Allemagne sur son propre terrain), le Quatuor (1890) de Franck, bien que quasi contemporain de deux de ses partitions les plus célèbres – la Sonate pour piano et violon et la Symphonie en ré mineur – paraît plus ambitieux: brucknérien dans sa dimension, son traitement des thèmes et ses harmonies, beethovénien dans son souci de la forme (schéma original du premier mouvement, récapitulation des thèmes au début du dernier mouvement), il n’en affirme pas moins avec force une spécificité bien franckiste, le principe cyclique. Cette étape essentielle de l’histoire du quatuor en France –Debussy, deux ans plus tard, construira son propre Quatuor autour d’un thème cyclique, même si le style en est évidemment bien différent – trouve dans les Arpeggione des interprètes généreux, chaleureux et fougueux, qui mettent également en valeur le côté inquiétant du Scherzo.
Simon Corley
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