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Au sommet avec Hilary Hahn

Montreal
Salle Wilfrid-Pelletier
11/19/2003 -  
Jean Sibelius : Valse triste
Johann Sebastian Bach : Concerto pour violon no 2
Ralph Vaughan Williams : The Lark Ascending
Ludwig van Beethoven : Symphonie no 3



Hilary Hahn (violon)

Orchestre symphonique de Montréal
Michel Plasson (direction)

De retour à Montréal après un triomphal début en récital l’an dernier, la jeune violoniste américaine Hilary Hahn a une fois de plus remporté tous les suffrages alors qu’elle se produisait pour la première fois comme soliste avec l’Orchestre symphonique. Programme à la fois traditionnel et éclectique, la pièce de Ralph Vaughan Williams étant plutôt rarement jouée, encore plus rarement couplée avec ce Bach aux accents expressément vivaldiens, le reste constitué de grands classiques du répertoire, on eut droit à un concert inhabituel et hautement intéressant.


On aurait pu s’étonner des choix de la visiteuse : un couplage décidément intriguant, et un concerto qui n’a pas grand-chose de l’abattage propre à faire bondir une salle impressionnée. Laissant de côté les extrêmes demandes, techniques et interprétatives, d’un Brahms, d’un Sibelius, d’un Tchaïkovski, voire d’un Stravinsky, Hilary Hahn nous offre, en interprétant Bach, ce qui est sûrement une des perles de la scène musicale actuelle : une lecture débordante d’énergie et de vitalité rythmique, habitée d’une réelle impulsion dramatique à chaque instant, à l’ornementation mordante et à l’architecture lumineuse. La violoniste dialogue merveilleusement avec l’orchestre, on sent ce rare niveau de compréhension mutuelle entre elle et ses partenaires, son interprétation étant déjà, malgré ses presque 24 ans, le produit d’une maturation ayant atteint un stade extraordinaire.


C’est dans un tout autre monde qu’elle nous transporte avec cette belle alouette dont on regarde l’envol et dont on suit, conquis, la tranquille et poétique élévation jusqu’à des hauteurs vertigineuses : chant exquis, timbre riche, sincère émotion…On termine l’audition sur un nuage. Quelques secondes pour regagner le plancher des vaches, et la salle bien remplie ovationne, debout. La bénédiction ne se fait guère attendre : la Sarabande extraite de la Partita en ré mineur du même Jean-Sébastien, superbe d’intériorité et de dépouillement. Rarement rencontre-t-on pareille présence en scène : à chaque seconde, qu’on soit dans le répertoire baroque ou romantique, la salle au complet respire avec la jeune violoniste, ressentant la moindre inflexion dynamique, vivant la musique avec elle. À une époque où l’industrie du disque traverse une crise sans précédent et où le renouvellement de l’auditoire cause des inquiétudes s’accumulant, le futur de la musique vivante est entre les mains d’artistes comme la jeune américaine, attirant au concert un public jeune, curieux, et qui en redemande, comblé. Merci à Hilary Hahn d’être une authentique exception dans notre monde rempli d’illusions, à la fois vedette et grande musicienne.


En début de concert, Michel Plasson a dirigé une Valse triste dans laquelle on a pu retrouvé ce qui avait caractérisé ses inoubliables Fauré et Debussy de l’an dernier : rondeur, plénitude, manipulation des textures jusqu’à en faire du vif-argent, tempo lent, il va sans dire, et dans ce cas-ci, irrésistibles épanchements mélancoliques. Tout comme l’an dernier cependant, ce qui venait après l’entracte aura séduit et susciter ambivalence tout à la fois. Dans la symphonie, Plasson tire de l’orchestre de magnifiques sonorités, subtilement colorées et raffinées, enveloppe le tout dans une rondeur crémeuse qui se veut alternative à une intensité à laquelle on est pourtant habitué. Au surplus, quelques entrées imprécises (sinon carrément manquées) viennent brouiller un peu le tableau. Réaction ambivalente donc, pour preuve cette portion de la salle applaudissant à tout rompre, cette autre quittant rapidement, l’orchestre s’étant à peine tu. Trop made in Toulouse, peut-être, pas assez made in Germany, assurément. Dans une récente entrevue sur Radio-Canada, Michel Plasson annonce qu’il ne succédera pas à Charles Dutoit. Dommage, malgré tout.




Renaud Loranger

 

 

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