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Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/22/2003 -  
Joseph Haydn : Symphonie n° 26 «Les Lamentations»
Robert Schumann : Ouverture, scherzo et finale, opus 52
Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 1, opus 15

Lars Vogt (piano)
Orchestre de chambre Mahler, Daniel Harding (direction)


Le Théâtre des Champs-Elysées fournissait l’occasion d’entendre trois jeunes très «tendance»: un jeune pianiste, Lars Vogt (trente-trois ans), un très jeune chef, Daniel Harding (vingt-huit ans) et une très très jeune formation, l’Orchestre de chambre Mahler (fondé en 1997 et dont les musiciens, nous dit-on, ont par ailleurs un âge moyen de vingt-neuf ans). Hélas, de même que dans ces restaurants non moins «jeunes» et «tendance», qui foisonnent dans le quartier et où l’on a parfois l’impression de se faire servir davantage du concept que des mets, favorablement intrigué au départ, on aura finalement trop souvent eu le sentiment que trop de concept tue le concept.


Avec seize cordes, la Vingt-sixième symphonie «Les Lamentations» (1769) de Haydn pourrait sonner sèchement, surtout avec l’acoustique du Théâtre des Champs-Elysées. Tel n’est cependant pas le cas: si l’approche du chef britannique est certes droite, elle ne néglige par pour autant l’expression préromantique, avec un remarquable sens du phrasé et des nuances dans l’Adagio central. Les mouvements extrêmes sont pris dans des tempi très vifs, ce qui confère au Menuet final un côté étrangement sautillant, avec un Trio aux attaques par ailleurs très tranchantes.


Autre triptyque, Ouverture, scherzo et finale (1841) de Schumann est donné avec un effectif double de cordes. Ce n’est pas avec Harding que l’orchestre de Schumann encourra le reproche – au demeurant injustifié – d’épaisseur, d’opacité ou de maladresse: incisive, transparente et contrastée, car laissant parfois place à une certaine rondeur, sa conception, quoique non dépourvue d’énergie, pèche cependant par manque de naturel et d’élan intérieur.


C’est précisément à Schumann que Brahms rend hommage dans l’Adagio de son Premier concerto (1858). Si l’on passe sur le fait qu’il est accompagné par un orchestre de quarante-sept musiciens – certes tout sauf inactifs et globalement remarquables, à l’exception d’un pupitre de cors un peu malheureux – la lecture qu’en donne Lars Vogt, puissante et autoritaire – jeu sur les oppositions de climats et d’intensités, mais Brahms n’est pas Kancheli ou Goubaïdoulina –, erratique et dépouillée, fondée sur un refus du phrasé et de l’articulation, déconstruit soigneusement l’œuvre, privant le discours de toute continuité et recherchant d’improbables abîmes dans des pianissimi insondables. Rien de flou, mais une sorte de sécheresse glaciale, tout sauf consolatrice, où le jeune Brahms semble déjà propulsé dans la neurasthénie de certains de ses ultimes Klavierstücke, égayée ça et là par quelques grands gestes ou un saupoudrage de subjectivité et dépourvue du moindre humour dans le Rondo final.


L’agacement se mue en consternation dans l’Adagio du Concerto en sol (1931) de Ravel donné en bis, où la raideur imperturbable et métronomique du pianiste confine à la pure provocation.


Ce concert sera diffusé sur France Musiques le mercredi 3 décembre à 20 heures.



Simon Corley

 

 

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