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«Certainement pas une tradition symphoniste»

Paris
Cité de la musique
11/21/2003 -  
Frédéric Durieux : Traverses 1, 2 et 3 (création)
Claude Debussy : Proses lyriques (orchestration Roger-Ducasse/Rophé) – Nocturnes
Henri Dutilleux : Métaboles

Susan Graham (mezzo)
Chœur de Radio France, Philip White (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


Salle comble à nouveau pour ce deuxième concert de la série «Espaces – Champs acoustiques» (voir par ailleurs ici), autour de trois «D», de trois générations de compositeurs français et, surtout, de trois manières non moins françaises d’éluder – pour y apporter une réponse autrement plus originale– la question de la symphonie.


Chung et l’Orchestre philharmonique de Radio France ont déjà donné, en février 2002, Pièce traversière n° 1 (1995) de Frédéric Durieux (voir ici). Depuis, le compositeur l’a complétée par deux autres morceaux (2002-2003) pour former Traverses 1, 2 et 3, un triptyque d’une vingtaine de minutes dont les mêmes interprètes assurent la création au cours de cette soirée. Plutôt que de «favoriser la continuité», il s’agit d’une «succession de mouvements contrastés qui n’ont pas de relation directe entre eux; ce qui n’empêche pas certaines idées ou matériaux de se retrouver au fil des trois mouvements.» Durieux ajoute: «ce qui m’intéresse, dans le fait d’écrire une œuvre pour orchestre en trois mouvements, ce n’est certainement pas de m’inscrire dans une tradition symphoniste.» En tout cas, la succession obéit au schéma vif/lent/vif: à l’agitation de la première pièce succède en effet une passacaille, de facture plus traditionnelle, sorte de Gymnopédie en hommage à la fois à Grisey (brièvement cité) et à Monteverdi («superposition de temporalités»), la troisième venant conclure dans un tempo à nouveau rapide, avec le retour, in fine, des cuivres avec sourdines qui ouvraient la partition. L’orchestre, mobile et virtuose, évoque tour à tour Berio, le Boulez des Notations, Dutilleux ou même Grisey.


Autre triptyque ouvertement «non symphoniste», les Nocturnes (1899) de Debussy sont servis par des musiciens au mieux de leur forme: Nuages où, derrière l’impassibilité, affleurent les frémissements; Fêtes d’une idéale sveltesse, mais où la passion et même le drame s’affirment; Sirènes, avec les quinze solistes du Chœur de Radio France physiquement (entre cordes et bois) et musicalement intégrées à l’orchestre, où la ductilité et la rondeur de la pâte sonore font passer un suave air du large, qui annonce déjà La Mer.


Avec Métaboles (1964), développement continu d’idées qui se retrouvent modifiées dans ses cinq mouvements enchaînés, Dutilleux, qui, à la différence de Debussy (et de Durieux, à ce jour), a précédemment livré deux symphonies (1951 et 1959), joue à son tour avec la forme symphonique pour mieux la contredire. Quatre jours plus tôt avec l’Orchestre national de Lille, Casadesus aura paru quelque peu en retrait dans cette même œuvre (voir ici) que Chung semble davantage faire sienne: plus incisif dans Incantatoire et intense dans Linéaire, il fait sonner son orchestre à la manière d’un jazz-band dans Obsessionnel. Après un énigmatique et inquiétant Torpide, il achève par un Flamboyant orgiaque et éclatant.


Entre temps, on aura entendu les Proses lyriques (1893) de Debussy, composées en même temps que le Prélude à l’après-midi d’un faune (et que les premiers travaux sur les Nocturnes), non dans leur version usuelle – quoique point trop fréquente – avec piano, mais dans l’instrumentation qu’en fit Jean Roger-Ducasse en 1922, «reprise il y a quelque temps» – sans que les notes de programme précisent en quoi que ce soit l’ampleur et la date de son intervention – par le chef d’orchestre Pascal Rophé. Debussy, d’abord tenté d’orchestrer ce cycle dont il avait lui-même écrit les textes (à l’image d’un Wagner ou d’un Chausson), avait cependant tranché, dès 1898, dans un sens contraire: «Il me paraît très inutile de les augmenter d’un fracas orchestral quelconque.»


Dans ces conditions, la réalisation de Roger-Ducasse ne démérite pas, De rêve et De soir rappelant, par leur langage et par leur orchestration, le croisement entre wagnérisme et symbolisme du Poème de l’amour et de la mer de Chausson, exactement contemporain. En revanche, les deux autres mélodies présentent un caractère plus «debussyste», De grève regardant davantage vers l’avenir – Pelléas et Mélisande, alors déjà en chantier – que De soir, qui tient de la Petite suite ou de la Suite bergamasque, légèrement antérieures (1889-1890). Susan Graham reçoit un accueil triomphal: puissance, moelleux, pureté, phrasé sont certes irréprochables, mais la diction laisse toutefois grandement à désirer.



Simon Corley

 

 

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