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Une superbe (re)découverte!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/20/2003 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : La Betulia Liberata
Jaël Azzaretti (Amital), Ann Hallenberg (Giuditta), John Mc Veigh (Ozia), Joao Fernandes (Achior), Ingela Bohlin (Cabri et Carmi)
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset (direction)

Oeuvre rarement donnée, La Betulia Liberata connaît avec ce concert une superbe recréation. Le sujet du livret reprend l’histoire de l’assassinat d’Holopherne, qui n’est pas présent sur scène, par Judith. La Béthulie semble aux mains des assyriens mais le gouverneur Ozia ne veut pas croire à sa défaite, malgré les airs poignants de Cabri et Amital qui lui peignent les malheurs futurs du pays. Après l’acte éclatant de Judith, le chef ammonite Achior, prisonnier en Béthulie, se convertit au Dieu d’Israël et l’oratorio se termine sur un chant de louange à Dieu. L’intrigue est mince, malgré un livret de Metastasio, mais Mozart a su tirer parti des évolutions psychologiques des personnages, de leur doute, … pour écrire à tous les solistes de très beaux airs, virtuoses certes mais aussi remplis d’une grande émotion.



Après avoir incarné une Zaïde subtile et charmante à Massy il y a deux ans, Jaël Azzaretti revient à Mozart et à un compositeur qui décidément semble avoir écrit pour sa voix. Cette chanteuse est aussi une actrice accomplie. Dès le récitatif elle met une vie dans son personnage, elle l’incarne et devient une Amital rugissante “Non hai cor” mais aussi soumise dans son dernier air. Avec elle, on sent parfaitement la progression de l’intrigue et une mise en scène ne pourrait que difficilement en dire plus. Si ses vocalises avaient un peu déçu dans Les Indes Galantes dernièrement, elles sont ici d’une grande précision, peut-être un peu moins souples toutefois que celles d’Ingela Bohlin. Elle apporte une immense émotion dans l’air où elle demande humblement pardon à Dieu: les différents “Pieta, Signor”, séparés par des silences, sont comme suspendus.
Ingela Bohlin, qui commence peu à peu à se faire un nom dans le milieu baroque, possède tous les atouts pour rendre justice à la musique de Mozart: voix souple et malléable, vocalises parfaites et nuancées… et surtout une grande musicalité qui lui permet de soutenir les notes sans aucun vibrato et à leur donner un sens. Avec elle, les airs difficiles voire pyrotechnique (même si c’est surtout Jaël Azzaretti qui les chante), ne le sont plus et ils sont empreints d’un message dramatique. De plus la chanteuse possède un timbre doux et lumineux.
La mezzo Ann Hallenberg campe une veuve noble mais non méprisante et sa voix reflète parfaitement la détermination du personnage. D’une grande puissance vocale, elle sait aussi se servir de ses piano pour exprimer la fragilité, vite réprimée, que peut ressentir cette femme qui tente l’impossible pour son pays. Elle crée une grande émotion avec ses notes tenues sur un crescendo et decrescendo comme dans l’air final du premier acte sur le “parto”. Elle réussit également sa grande scène de récitatif accompagné dans laquelle elle explique comment elle a tué son ennemi: la salle reste suspendue à son récit tant il est animé et engagé.
Le ténor John Mc Veigh arbore un timbre clair, puissant et raffiné, qui correspond parfaitement à ce type de ténor mozartien. En revanche il déçoit beaucoup dans ses vocalises qui ne sont ni exactes ni très propres et surtout il dévoile des notes assez laides dans les aiguës, comme dans le premier air. Il montre toutefois une certaine musicalité et une certaine expressivité dans la scène de la prière à Dieu mais dès qu’il chante trop fort, ses notes deviennent métalliques et ingrates.
Déjà remarqué dans Les Indes Galantes en septembre dernier et ancien chanteur du “Jardin des Voix” de William Christie, Joao Fernandes est très impressionnant et possède une large palette de couleurs dans les notes graves qui sont très sonores. Techniquement il se montre subtil dans les vocalises car après avoir mené cette suite de notes sans en éviter une seule, il termine sur un piano et semble encore posséder des réserves de souffle. La voix est puissante, souple et on discerne derrière certaines inflexions un futur Don Giovanni ou un Comte. Un chanteur décidément à suivre!


Après un Mithridate électrisé au disque et à la scène, Christophe Rousset revient avec bonheur à Mozart. Ce compositeur lui va bien et il en tire une vivacité subtile et contrôlée. Le chef dirige avec beaucoup d’élégance les grandes phrases de Mozart tout en dispensant une énergie souterraine avec des cordes plus graves. Il se montre également attentif à ses chanteurs et amoindrit le volume sonore de l’orchestre lorsque Jaël Azzaretti, dont la voix n’est pas très sonore, se lance dans des airs difficiles.



Espérons que ce concert sera suivi d’un enregistrement et qu’il permettra de faire découvrir une oeuvre intéressante et qui mérite largement d’être jouée et appréciée surtout si elle est servie par de tels musiciens. Le pari n’en est que plus facile!


Manon Ardouin

 

 

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