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Impressionnant Haitink Paris Théâtre du Châtelet 11/18/2003 - Béla Bartok : Concerto pour orchestre, sz. 116
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 «Pathétique», opus 74
Sächsische Staatskapelle Dresden, Bernard Haitink (direction)
Après une magnifique prestation avec l’Orchestre de Paris en février (voir ici), Bernard Haitink était déjà de retour parmi nous, «dans le cadre des festivités» de son soixante-quinzième anniversaire (qu’il célébrera le 4 mars prochain), avec la Staatskapelle de Dresde, dont il est le directeur musical depuis 2002. Et il reviendra encore deux fois à Paris au cours de cette saison: d’abord les 27 et 29 février pour diriger la Quarante et unième symphonie «Jupiter» de Mozart ainsi que L’Enfant et les sortilèges de Ravel avec l’Orchestre national, puis le 29 avril avec la Philharmonie de Vienne dans la Neuvième symphonie de Mahler.
Pour l’une de ses rares venues en France – il aurait d’ailleurs été intéressant de savoir à quand remontait son précédent concert parisien – l’orchestre saxon avait choisi deux œuvres éloignées par tout juste un demi-siècle et, surtout, par un océan stylistique, mais que les notes de programme – longues et argumentées – tentaient périlleusement de rapprocher sous l’intitulé «Protocoles funèbres».
Dans le Concerto pour orchestre (1943) de Bartok, le chef néerlandais privilégie la splendeur de la mise en place et la clarté de la polyphonie, ce qui se paie d’un certain statisme, tant le tempo est retenu, que ce soit dans les mouvements extrêmes ou dans l’Intermezzo interrotto. Cette impression globale de sagesse, dont Haitink est coutumier, se conjugue cependant avec une manière très personnelle d’obtenir des textures d’un raffinement quasi immatériel (début de l’Introduction et de l’Elégie) et de mettre en relief de superbes combinaisons instrumentales. Il est vrai que l’orchestre possède une sonorité propre, conforme à sa légende s’agissant des cordes, aux attaques fines et nerveuses, tandis que d’autres pupitres déçoivent, surtout dans une pièce qui permet notamment de mettre en valeur la virtuosité des musiciens: si la clarinette solo est remarquable, le cor anglais et les cuivres, en revanche, se montrent particulièrement malheureux au cours de la soirée.
Comme à son habitude, Haitink n’en rajoutera pas davantage dans la Sixième symphonie «Pathétique» (1893) de Tchaïkovski. Sa conception, d’une hauteur de vues qui n’est pas nécessairement destinée à soulever un enthousiasme immédiat, se caractérise par un refus de l’effet facile: l’Adagio lamentoso, d’une noblesse, d’une dignité et d’une simplicité presque schubertiennes, ne devient jamais larmoyant, sans pour autant évacuer les tensions. Le métier dont il fait constamment preuve, qui ne tourne pas pour autant à la démonstration, nous vaut un Allegro molto vivace d’une légèreté et d’une transparence inouïes, tout en parvenant à suggérer une implacable Marche au supplice. Le soin apporté au dosage des différentes interventions laisse également pantois, par exemple le choral des trombones et du tuba dans l’Adagio lamentoso, idéalement phrasé. Quant à l’Allegro con grazia, c’est … l’état de grâce, car on ne saurait véritablement trouver de qualificatif plus approprié pour définir le jeu des musiciens dans cette valse.
Les musiciens, longuement ovationnés, ne concéderont toutefois pas le moindre bis.
Ce concert sera diffusé sur France Musiques le lundi 24 novembre à 20 heures.
Simon Corley
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